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comparé les manuscrits entre eux et avec les imprimés; pour ces derniers, j'ai consulté les éditions les plus anciennes à côté des publications les plus récentes; enfin, autant que la chose m'a été possible, j'ai puisé aux sources mêmes qui m'ont été ouvertes largement par les bons et généreux offices de MM. les conservateurs et employés de la Bibliothèque du Roi1 et des autres Bibliothèques publiques. Chargé, grâce à ces respectables gardiens de nos trésors littéraires, de nombreuses richesses, je n'ai pas tardé à sentir que cette abondance ellemême pouvoit devenir nuisible, et rendre stériles les travaux de ceux qui avoient commencé ces recherches et ceux que j'avois entrepris pour achever leur ouvrage. Je m'étois promis d'être utile, et je craignis de n'être qu'importun, en surchargeant la littérature d'une compilation indigeste dont le poids ne feroit qu'inspirer le dégoût pour ce genre d'érudition. Arrivé aux deux tiers de la vie, je sentois se joindre à l'amour que j'avois toujours eu pour le Bon Homme, le besoin de lui témoigner ma reconnoissance de toutes les jouissances, de toutes les consolations que je lui devois, depuis le moment où le développement de mes facultés intellectuelles m'avoit permis de confier à ma mémoire la première et non la meilleure de ses fables. Je m'étois promis d'élever à sa gloire un modeste monument, et je me voyois réduit à ne lui offrir qu'un lourd amoncèlement de matériaux informes; je voulois tout dire, et je craignois de dire trop; je ne voyois aucun moyen d'échapper à cet embarras, lorsque j'eus le bonheur de rencontrer dans une protection éclairée, et de puissants encouragements pour la publication de mon travail, et, ce qui me semble bien plus précieux, d'utiles conseils qui me donnèrent le moyen, en publiant mes recherches, de les abréger sans en rien retrancher.

1 Mon père avoit été, pendant vingt-cinq ans, attaché au département des imprimés de la Bibliothèque du Roi: l'estime qu'il s'étoit acquise par son dévouement au bien de cet établissement, l'amitié que l'on eut pour lui et qui embellit ses derniers jours, s'étendirent sans doute jusqu'à moi; mais, j'ose le dire, sans craindre d'être accusé d'ingratitude, tout autre à ma place, en témoignant seulement une vive envie de bien faire, auroit obtenu un accueil non moins favorable.

Mais il ne m'a pas semblé inutile de donner auparavant, sur les auteurs que j'ai cités, des notices que j'ai fort abrégées pour le plus grand nombre d'entre eux : j'ai donné un peu plus d'étendue à celles que j'ai consacrées aux auteurs les moins connus ou les moins bien connus : je vais même faire précéder cette partie de mes prolégomènes par une exposition simple et franche des principes qui m'ont guidé dans le choix des fables que j'indique. Il seroit impossible de rendre un compte détaillé des motifs qui m'ont déterminé à choisir ou à rejeter chacune d'elles je me bornerai à justifier en général les préférences que j'ai données aux unes, les exclusions qui ont été le partage des autres.

M'arrêter à une bonne définition de la fable, examiner ce qui la sépare exactement de plusieurs autres genres voisins, faciles à confondre avec elle, reconnoître les règles de cette branche de la littérature, voilà les premiers objets qui se présentèrent à mon étude lorsque je voulus coordonner les nombreux matériaux que j'avois ramassés de toutes parts: je n'obtins pas de ce travail des résultats bien satisfaisants. Les définitions, en effet, les règles ne peuvent être que le résultat des méditations des autres hommes sur les créations du génie: la poétique, la rhétorique d'Aristote, sont postérieures aux chefs-d'œuvre d'Homère, de Sophocle, d'Euripide, etc. C'est aussi plusieurs siècles après Ésope qu'Aphtone nous préşente cette définition pour la fable: « L'apologue, dit-il, est << un discours imaginé pour représenter la vérité par de cer«<taines images. » Quel sens pouvons-nous trouver dans ces expressions? elles sont vagues et n'offrent rien de satisfaisant à l'esprit on se contenteroit plutôt de ce que dit Phèdre dans le petit nombre de vers qui précèdent son recueil : il se propose d'amuser en même temps et d'instruire; mais c'est une loi commune à tous les genres de littérature; c'est le but vers lequel doivent se diriger tous les hommes qui écrivent pour leurs semblables réunir l'agréable à l'utile n'est-il pas le précepte si connu d'Horace, qui le prescrit

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à tous les écrivains, de quelque nature que soient leurs ouvrages?

Ce fut après La Fontaine que parurent un grand nombre de définitions pour la fable, qu'il venoit, pour ainsi dire, de créer de nouveau. On eut successivement celles de La MotheHoudart, de Richer, de Batteux, de Breitinger, etc. Un des écrivains les plus remarquables de l'Allemagne, Lessing, auquel nous devons des fables très-ingénieuses, discuta le mérite de chacune de ces définitions, et n'eut pas de peine à prouver qu'aucune d'elles ne pouvoit être admise : il mit leurs défauts en évidence; mais celle qu'il proposa en est-elle exempte? Je la rapporte ici pour montrer combien il est difficile d'établir des principes généraux. La voici : « Lorsque « l'on ramène une proposition morale générale à un événe« ment particulier, que l'on donne la réalité à cet événement, « et que l'on en fait une histoire dans laquelle on reconnoît «< intuitivement la proposition générale, cette fiction s'appelle « une fable. »>

Je crois que beaucoup de personnes penseront avec moi que le manque de précision n'est pas le seul défaut de cette définition, énoncée d'ailleurs en termes qui tiennent un peu trop du langage de l'école.

rager

Tant d'essais malheureux ne doivent pas beaucoup encouà en tenter de nouveaux : le nom de petite comédie, donné à l'apologue par les Latins me semble en dire plus que toutes les définitions proposées, et nous rappelle ce que La Fontaine nous dit de son ouvrage, dont il fait

Une ample comédie à cent actes divers.

Ne pourroit-on pas, en effet, regarder la fable comme la réunion du poëme épique et du poëme dramatique réduits aux plus petites dimensions : c'est, pour ainsi dire, l'épopée en miniature.

Si aucune des définitions proposées pour la fable ne nous a paru convenable, nous n'aurions pas moins de peine à en rechercher pour le conte, l'allégorie, la comparaison, etc. Aristote, dans sa rhétorique, distingue deux sortes d'exemples: dans les uns on rapporte des faits véritables, tandis que dans les autres ils sont feints et imaginés pour la circons

b.

tance: il admet deux espèces de ces derniers, savoir, la fable et la parabole celle-ci, suivant lui, ne diffère de l'autre que parce qu'elle est précédée du mot comme, et ainsi, au dire d'Aristote, la parabole n'est qu'une comparaison, et la comparaison diffère très-peu de l'apologue: aussi n'ai-je pas hésité à citer à la fable 94, les Médecins, cette comparaison employée par Démosthènes dans sa harangue pour la couronne : « Semblable à un médecin qui, dans ses visites, ne « montreroit, n'indiqueroit à ses malades aucun remède propre à les guérir, et qui ensuite, lorsque l'un d'eux vien<< droit à mourir, le suivroit jusqu'au tombeau, et diroit: Si « cet homme avoit employé tel ou tel remède, il ne seroit << pas mort. »

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Il me semble encore plus difficile d'établir des différences bien marquées entre le conte et l'apologue. L'Avare qui a perdu son trésor; le Vieillard et les trois jeunes Hommes ; le Paysan du Danube, sont de véritables contes sous le nom de fables. Les Dieux voulant instruire un fils de Jupiter est une véritable allégorie. La fable 240, Daphnis et Alcimadure, est une idylle imitée de la vingt-troisième de Théocrite, ou plutôt de la version que Gilbert Cousin en avoit placée parmi les apologues latins qu'il nous donne comme traduits d'Ésope.

On voit que La Fontaine a réuni sous le nom de fables tous ces genres de poésies si difficiles à distinguer par des caractères positifs. Après lui, les fabulistes ont tous fait précéder leurs recueils d'une poétique particulière; mais ils paroissent l'avoir composée après leurs fables; et par conséquent celles-ci se trouvent parfaitement d'accord avec elle.

On a voulu quelquefois regarder la brièveté comme un des caractères de la fable; mais on ne sera pas moins embarrassé quand on voudra déterminer l'étendue convenable à ces narrations: ce qui plaît n'est jamais long; et qui ne préfèreroit pas les quatre-vingts vers que Lafontaine a consacrés à son apologue 43, le Meunier, son Fils et l'Ane, aux vingt-huit mots latins dans lesquels Caramuel a resserré, j'ai presque dit, étranglé le même sujet. De nos jours, un écrivain français s'est amusé à traiter cette fable avec une brièveté égale,

relativement à la prolixité de notre langue; mais, quoique ce ne fût qu'un jeu d'esprit, une espèce de tour de force, il avoit trop d'esprit, trop de goût, pour pousser le laconisme jusqu'à la sécheresse, et l'on retrouvera, je crois, malgré leur précision, la couleur du Bon Homme dans les huit vers que je rapporte ici :

Certain meunier et son fils, couple rustre,
S'en alloient vendre au marché leur baudet.
Pour l'épargner, ils le portent en lustre :
Chaque passant lance son quolibet.
Lors le fils monte, on se moque du père :
Puis c'est le père, on plaint le pauvre fils:
Ils vont en croupe, on plaint l'âne: que faire ?
Ils vont à pied : tous les deux sont honnis.

C'est encore Aphtone qui, le premier, a imaginé d'établir des divisions parmi les fables, suivant les personnages qui y jouent un rôle : il en a admis trois espèces : la fable rationnelle n'a que des hommes pour acteurs : telle est celle de l'Enfant et du Maître d'école; dans la fable morale, l'action se passe entre des êtres dépourvus de raison, mais auxquels on prête les mœurs et le langage des hommes, comme nous le voyons dans le Loup et l'Agneau, dans le Chéne et le Roseau; enfin l'Homme et la Couleuvre est un exemple de la fable mixte, où l'on introduit des êtres raisonnables et d'autres qui sont dépourvus de la faculté de raisonner. Lessing, en adoptant les divisions du rhéteur grec, en a beaucoup étendu le nombre; il leur a donné des noms tant soit peu barbares, quoique tirés du grec je crois inutile de les énumérer; je me bornerai à dire quelques mots d'une autre division qui est tout entière à lui. Il distingue les fables en simples et en composées: La fable est simple, dit-il, lorsque l'on expose l'aventure feinte de manière que l'on puisse en déduire sans peine quelque vérité générale. Voici l'exemple qu'il en donne et qu'il a emprunté à Ésope « On reprochoit à la lionne ⚫ qu'elle ne mettoit qu'un petit au monde : Oui, un seul, « répondit-elle; mais c'est un lion. » La fable, ajoute l'au

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