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bles. C'est le monde babylonien, c'est la Chine, c'est l'Égypte, c'est l'Iran, c'est l'Inde avec ses trois phases étonnantes: le védisme, le brahmanisme, le bouddhisme; c'est la Syrie et la Phénicie; c'est la Grèce, inventrice de l'art, de la science et le la cité c'est Rome, auteur de tous les biens et de tous les maux qui nous viennent d'une administratien centralisée. La Judée semble avoir été réservée par l'auteur (à tort toutefois, nous le croyons) comme initiatrice des croyances et des institutions des àges subséquents. La Judée, la petite Judée, est une des grandes nations originales de l'antiquité. Si le christianisme en est sorti, d'autres grandes choses sont dues de même à d'autres nations. Et quant au catholicisme il faut y voir un produit éminemment complexe du temps et des doctrines. Quoi qu'il en soit de ses intentions pour un prochain ouvrage, M. C. D., sans entrer dans aucune discussion de chronologie, sans examiner les hypothèses anciennes ou nouvelles qui touchent à son sujet, se borne à nous donner un tableau vivant avec des apréciations exactes et judicieuses des religions et des autres idées maîtresses qui ont régué aux différents contres de civilisation. Ce mot de considérations qu'il a choisi pour titre ne qual fie peut-être pas très bien son livre et ne le recommande pas assez aux lecteurs qui veulent des informations précises, de la netteté dans les jugements et des conclusions. Tout cela s'y trouve cependant, à la seule condition de ne pas demander à l'auteur de nous instruire sur ce qu'il ne sait pas lui-même et sur ce que personne ne sait. M. C. D. ne nous révèle pas l'origine de l'humanité : il ignore l'homme singe autant qu'Adam Kadmon. Il ne se forge pas comme tant d'autres une re igion positive on négative avec des hypothèses arbitraires dont LA SCIENCE est le prête-nom. Il n'est pas d'ai leurs de ceux qui opposent à toutes les espérances de l'humanité, sans en savoir eux-mêmes bien long, le plus souvent, et sans savoir surtout ce que c'est que savoir, ces mots sacramentels devenus l'épouvantail de toute croyance légitime: LA SCIENCE, LA SCIENCE. MONSIEUR !

La doctrine philosophique à laquelle se rattache M. C. D. est bien voisine du criticisme, si ce n'est le criticisme même. Il nous a dit, dans un autre ouvrage, ce qu'il pense de la religion :

« Je suis persuadé qu'aucun homme, qu'il ait nié ou affirmé Dieu, n'a jamais entièrement vaincu le doute; l'athée, quelquefois doit se dire que peut-être Dieu existe, le croyant que peut-être il n'existe pas. Il n'y a pas certainement de foi absolue ni de doute absolu. L'esprit par out soulève des objections que le cœur combat. Les religions sont filles du besoin de fé icité qui possède l'homine. Quel homme donc réussira à détruire la religion, s'il ne détruit d'abord sa conscience et son cœur?...

>> L'homme est une créature souffrante, et c'est de ses souffrances qu'elle engendre l'idée de la félicité parfaite; l'hom ne est une créature morale, et c'est du sentiment de la justice offensée qu'elle déduit l'idée de la justice absolue; l'homme est une créature intelligente et raisonnab e, et c'est de l'intelligence et de la raison outragées qu'e de tire l'idée de la raison et de l'intelligence suprêmes. C'est du fond des misères de sa condition que l'homme enfin en appelle à l'idéal, et de la fatalité qui l'accable à Dieu qu'il espère... Dans la religion il y a autre chose encore que le besoin de savoir et de comprendre : il y a la douleur, il y a la mort. Une doc

trine qui n'en triomphe pas, fût-ce dans le rêve, n'est qu'une opinion, elle est sans prise sur l'âme. L'homme ne veut ni souffrir, ni mourir. La religion lui dit : je te guérirai de la souffrance et de la mort. Tu aspires à une vie plus complète et plus haute en Dieu; emploie celle que tu possèdes à la mériter, cultive dans ton être périssable les semences impérissables et divines, et tu ne mourras point tout entier.

» La religion ne périra qu'avec le cœur humain...

>> La religion et la philosophie out même objet, elles sont de souche différente, celle-ci veut sati faire la raison, celle-là le cœur. Qui met d'accord son cœur avec sa raison les unit en soi, sa religion devient philosophique en même temps que sa philosophie devient religieuse...

» Des hommes désespéreront, l'homme ne désespérera pas...

» Je ne sais d'où je viens, je ne sais où je vais. Mais dans cette nuit qui m'enveloppe, je saisis un point lumineux; dans cette discordance, dans ce tourbillonnement de joies et de souffrances, de destins, d'intérêts, de passions et d'erreurs, j'entends une voix qui couvre toutes les clameurs : cherche le vrai, aime le beau, me dit-elle, attache tes volontés à la justice. Cette loi m'est connue, bien que son principe m'échappe. Elle est, et par elle, je suis un être moral et libre, par elle scule je suis un homme. A cette voix qui parle au fond de mon cœur, un écho rápond dans mon esprit : ce qui te commande la justice, dit l'écho, quoi que ce puisse être, ne peut être contraire à la justice. Si tu dois la justice à Dieu, Dieu te doit la justice la justice est Dieu (4). »

Dans l'ouvrage dont nous rendons compte aujourd'hui, M. C. D. se prononce nettement contre toute philosophie de l'absolu, et en faveur d'une limitation du problème de la connaissance. Il formule son opinion à ce sujet en employant les termes un peu vieillis du fini, de l'infini et de leur rapport. C'est ce rapport seul qu'il croit livré aux investigations humaines. Toutefois le mot infini, dans son vocabulaire, ne paraît pas recevoir le sens contradictoire que nous avons souvent signalé et combattu dans la Critique philosophique. M. G. D. se prononce du moins pour la limitation des phénomènes dans le sens de la décomposition ou régression (Considérations, 14; p. De la nature humaine, p. 39), et cela assez ne tement pour qu'on ait le droit de passer sur des déclarations d'un esprit assez différent dans d'autres passages. Nous ne trouvons pas son criticisme aussi satisfaisant en somme, sur la question de la liberté morale. Il est vrai qu'il l'affirme très-expressément quant aux mots, mais en la réduisant à l'absence d'une contrainte extérieure et a imettant qu'on est esclave de soi-même quand on veut ce qu'on veut. « Mon individualité, dit-il, est ma fatalité, mais cette fatalité, mon individualité me contraignant à la vouloir, n'est plus ressentie comme une fatalité par moi et s'identifie avec ma liberté même.» (Considérations, p. 48.) C'est exactement la théorie de Stuart Mill (2), et c'est aussi tout ce que demandent et peuvent demander les

(1) De la nature humaine, par Charles Dollfus, 1868, in-8°. Cet ouvrage est suivi d'un recueil de pensees diverses, souvent ingénieuses ou profondes, d'autres fois banales. M. D. n'est pas toujours assez difficile pour lui-même. Ce qu'il écrit en philosophie gagnerait à être élagué ou condensé.

(2) Système de logique, trad. de M. L. Peisse, t. II, p. 418.

déterministes. Que M. C. D. y réfléchisse et qu'il dédaigne au moins d'imiter ceux qui gardent le respect aux mots dont ils abandonnent le sens.

Revenons à la philosophie de l'histoire, pour finir, et citons une belle page, un de ces jugements qui sont inspirés par les circonstances, non pas incertains et variables comme elles, mais dont la vérité profonde attend les jours de malheur pour s'imposer aux méditations des nations. Il s'agit du caractère de la civilisation romaine (p. 517):

« Les anciens Romains sont des soldats, des légistes et des administrateurs. L'âme de leur législation est l'égalité; l'âme de leur administration, la centralisation; l'âme de leur armée, la conquête. Égalité, centralisation, conquête, on la reconnaît partout dans ces traits de sa philosophie morale qu'elle a burinés de la pointe de son glaive sur le marbre du temps. Les peuples qui ont fait sous sa main leur apprentissage en portent la trace, ils sont encore marqués à son effigie. La Rome du catholicisme n'a pas trahi le génie de son aînée, elle est encore la conquête, la centralisation, l'égalité, celle des consciences dans la commune servitude. Le Capitole et le Vatican, Rome ancienne et Rome moderne, sont pour beaucoup dans ce que le monde garde de despotisme, leur contingent est faible dans ce que le monde garde de liberté (1). Les progrès de la liberté se sont accomplis dans tout pays en diminuant ce qui fut Rome, la centralisation et la conquête. La difficulté que trouvent à réaliser la liberté les nations latines, deux fois filles de Rome par l'éducation, vient de ce que le génie romain, incompatible avec la liberté, a plus lourdement pesé sur elles et s'y est plus longtemps conservé.

>> Le Français est un Gaulois latinisé; le Germain qui l'a conquis sous le nom de Franc ne lui a laissé que son nom. Point d'affinité entre Celtes et Germains, qui n'ont pu se mélanger comme l'ont fait les Saxons et les Normands. L'invasion germaine a disparu en Gaule comme une inondation qui sans avoir pénétré le sol s'évaporerait dans les airs. Il n'en est pas de même du double conquérant romain qui dans son moule administratif, civil, politique, littéraire et religieux, a su emprisonner et façonner le mobile esprit du Gaulois. Phénomène qui ne s'explique que trop aisément ! Le Gaulois, ingénieux, fécond, pétri d'esprit, d'imagination et de bon sens, manque de consistance morale. Ce seul défaut a suffi pour le livrer à l'influence néfaste de Rome. Les caractères faibles ou trop mobiles, qui ne trouvent pas en eux-mêmes leur discipline, l'empruntent nécessairement au dehors. Le Gaulois était trop près de Rome, ce fut son malheur, et Rome était tout discipline, mais discipline infertile et sèche le Gaulois fut mal élevé par la Rome des Césars. Vint la Rome des papes qui acheva l'œuvre néfaste. Au Gaulois maintenant à se discipliner lui-même - ou à périr. »

(1) Il y a peut-être de l'exagération à assimiler si complétement les deux Rome, en leur action sur nous. Rome ancienne a été le canal par où nous a été transmis ce que nous possédons d'éducation hellénique. Rome moderne a tiré encore d'autre part que des traditions romaines ce qu'elle a d'antilibéral et son despotisme religieux.

Le rédacteur-gérant: F. PILLON.

FARIS. → IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2

LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE

POLITIQUE, SCIENTIFIQUE, LITTÉRAIRE

LA NOTE DE LA SEMAINE

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LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS. Par ses derniers actes de politique extérieure et en dénonçant, pour ainsi dire, son traité d'étroite alliance avec le parti clérical, notre gouvernement a soulagé d'un grand poids l'esprit des amis de la civilisation et de la France. L'opinion s'est en général assez bien tenue dans cette grave circonstance, non pas cependant de manière à ne point inspirer de craintes pour l'avenir. Il est assez manifeste que le principal, si ce n'est l'unique motif de la plupart de ceux qui ont conseillé ou loué le ministère, c'est que nous ne sommes pas prêts. La raison est bonne, venant des cléricaux, qui n'attendent, on le sait bien, que le moment de nous jeter, avec le pape pour allié, avec tout ce qu'il y a hors de chez nous de prêtres et de catholiques traîtres à leurs pays pour complices, dans une guerre contre l'hérésie, le schisme et l'infidélité dans le monde entier, mais qui ne sont pas tous assez fous pour ne pas sentir où ils nous mèneraient, dans l'état présent de leurs forces et des nôtres. La raison est pitoyable, de la part des libéraux et des vrais patriotes. Ceux-là, si l'intérêt de la paix pour la civilisation et l'humanité ne les touche point; s'ils ne savent pas que le progrès de l'idée républicaine et l'espoir de toutes les libertés, de tous les droits à revendiquer, sont attachés à la paix; s'ils ne veulent pas voir que la paix est pour la France, plus que pour toute autre nation aujourd'hui une condition de ces réformes bien nécessaires et de cette prospérité intérieure sans lesquelles il n'est pas de puissance ni d'influence possible au dehors, s'ils ignorent tout cela, qu'ils sachent au moins que l'alliance de l'ultramontanisme est au fond, malgré les difficultés et les troubles que les ultramontains peuvent susciter partout, une source de faiblesse et non pas un principe de force pour la nation qui s'y appuiera dans ses illusions. Il ne fallait donc pas dire, dans une occasion où la guerre pouvait nous être amenée par les prétentions insolentes d'un clergé qui ne sait plus s'arrêter : « C'est très-bien, mais nous ne sommes pas prêts; » il fallait dire: « Encore que nous fussions prêts, et résolus, nous ne voudrions jamais de vous pour alliés. »

CRIT. PHILOS.

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Il est toujours bon aussi d'être juste. Il ne fallait donc pas, comme on l'a fait, se donner les apparences, peu dignes d'ailleurs, du faible qu'on opprime et qui garde une vaine menace à la bouche pour les éventualités de l'avenir; il fallait reconnaître que les plaintes du ministre allemand contre l'immixtion de notre clergé salarié dans ses affaires nationales étaient des plaintes fondées, et que même elles étaient exprimées en termes convenables autant qu'on les connaissait. Malheu reusement nos journaux relèvent trop souvent l'hostilité et les rodomontades de la presse allemande en un style à l'avenant, mais où l'ignorance ou le travestissement des faits, le dédain de les bien établir comme ils sont, s'étalent d'une manière plus fâcheuse.

L'indépendance nationale de l'Italie, la constitution politique de l'Almagne, sont de grands, de très-grands événements, qui non-seulement sont acquis maintenant, et sur lesquels on ne reviendra pas, mais qui doivent être considérés comme les progrès les plus considérables accomplis dans l'ordre intellectuel et matériel de l'Europe depuis le XVIe siècle. Ils apportent une garantie décisive contre la théocratie, toujours menaçante, et des promesses de liberté pour les contrées catholiques de l'Europe. Ils ne sont un danger pour celles-ci que si, par l'effet d'un antagonisme malentendu contre l'influence protestante, elles retombent dans la politique cléricale et s'y obstinent. Il ne fallait donc pas laisser voir qu'on pense, et il ne fallait pas surtout penser, que le patriotisme doive rejeter, avec M. Thiers, ce qui s'est fait en Europe dans les dix années de 1859 à 1869. Ce serait avouer que le patriotisme français est en contradiction avec l'intérêt général de l'Europe, de la liberté et des lumières. Ce patriotisme-là ne serait que de l'aveuglement, un parti pris de fanatisme national fait pour attirer sur la nation les malheurs mêmes qu'on voudrait lui éviter, et peut-être les derniers malheurs.

L'ultramontanisme est une cause perdue: voulons-nous l'épouser pour nous fortifier? Nous payerons, nous payons même déjà cette alliance néfaste, au dedans par la ruine de nos libertés, ce qui est le premier des affaiblissements et le présage des autres; nous sommes menacés de la payer au dehors par la ruine définitive de notre influence et de notre honneur. Ce n'est pas en réclamant la prépondérance au nom d'une armée victorieuse, -victorieuse de nos concitoyens sans doute, - ou l'indépendance papale en qualité de fils aînés de l'Église, que nous obvierons à la décadence qu'on nous reproche. Si la grande lutte de l'avenir doit s'établir entre la France avec l'Église d'un côté, et les nations émancipées de l'autre, soyons certains que la victoire sera du côté où ne sera pas le prêtre. Cet oracle est plus sûr que celui de Rome.

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