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4° que la doctrine eschatologique de M. Lambert et de M. P. est, à nos yeux, conforme à l'esprit criticiste qui fonde l'immortalité non sur l'indestructibilité de la substance âme, mais sur les droits de la personne morale à la persistance et au progrès et sur les lois naturelles des fonctions de la conscience postulées par ces droits; - 2o que la solution donnée par M. P. à la question d'exégèse paraît fortement motivée, si l'on considère le rôle essentiel que joue le dogme de la résurrection dans le judaïsme et dans le christianisme primitif, comme condition de la vie future, et qui va s'affaiblissant à mesure qu'on s'éloigne des temps apostoliques et que se développe dans les esprits la notion de l'immortalité naturelle de l'âme.

LA QUESTION DE LA SECONDE CHAMBRE, par Paul Lacombe (Paris, librairie de l'Écho de la Sorbonne, 1873).

Très-petite brochure, mais sérieuse et intéressante, d'un esprit qui pense par lui-même et sait donner du relief à sa pensée. M. P. L. commence par reproduire avec fidélité les arguments de ceux qui soutiennent l'unité de Chambre. Un peuple ne pouvant faire ses affaires lui-même, tout le monde comprend qu'il élise des représentants pour agir à sa place, qu'il se donne une Chambre des députés; mais aux yeux de quelques-uns il est incompréhensible à première vue qu'il se donne une seconde Chambre. Car, disent-ils, ou les deux Chambres s'accorderont, et l'une des deux sera une inutilité, ou elles se contrarieront. L'une des deux en ce cas ne sera pas l'expression fidèle du peuple, car il est inadmissible que les mêmes hommes aient deux volontés opposées. Il est vrai qu'habituellement la seconde Chambre est nommée par des électeurs de choix. Par là, si la seconde Chambre ne pense pas comme la première, on évite cette conclusion que la nation se contredit. Mais les plus graves inconvénients demeurent; car il reste clair que le gros de la nation veut une chose et que cette partie de la nation d'où sort la seconde Chambre en veut une autre. La nation peut dire, par ses députés, aux membres de la seconde Chambre: Que représentez-vous? La richesse? Mais il est convenu que la richesse ne confère chez nous aucun privilége, puisque les pauvres ont chacun une voix comme les riches; d'ailleurs, qui prouve que vous êtes les plus éclairés? Avez-vous une pierre de touche qui dénote la valeur des hommes, comme l'autre dénote la valeur des métaux? C'est parce qu'un instrument pareil n'existe pas, que nous sommes convenus que le nombre ferait la loi, non la capacité, non la vertu, les hommes se comptant facilement, et se totalisant sans réplique possible. Le principe que la majorité gouverne est en conséquence un principe simple sûr, qui coupe court aux contestations. Voulez-vous introduire dans l'État, à côté du droit des majorités, le droit spécieux des capacités ? Alors, l'ordre, ayant deux fondements différents, n'a plus de fondement. Ou il faut que le mérite gouverne ou que ce soit le nombre.

Voilà une argumentation irréfutable aux yeux de ceux qui prennent la politique pour une science purement logique, pour une espèce de géométrie. Mais, remarque M. P. L., la politique relève de l'expérience, et l'expérience nous fait envisager la question sous d'autres points de vue. Elle nous dit qu'une Chambre uni

que est un pouvoir absolu, avec tous les inconvénients, tous les dangers inséparables de l'absolutisme. Il ne faut pas dire que les corps collectifs soient exempts des passions de l'individu; ils les ont toutes, et au plus haut degré. De plus, ils se sentent à peu près irresponsables. Cette situation de n'avoir de compte à rendre à personne, de n'avoir à consulter ni à ménager aucune volonté extérieure, malsaine pour l'individu, l'est peut être encore plus pour les corps collectifs. A tout pouvoir quel qu'il soit, il faut des bornes; sans cela gare la démence ou au moins l'incurie. Ainsi ce que la logique démocratique rejette, la prudence le conseille impérieusement.

Il faut ensuite observer qu'une Chambre unique, en raison de son pouvoir sans bornes et de la durée limitée de son mandat, est un organisme très-imparfait pour l'œuvre politique intérieure et extérieure. Nous verrons le pays passer, par une suite d'oscillations, d'une Chambre réactionnaire à une Chambre radicale, d'une Chambre radicale à une Chambre réactionnaire. Ces oscillations pourront avec le temps diminuer d'amplitude, si le temps est laissé au suffrage universel de s'instruire et de se modérer, mais il y aura toujours des oscillations. A chaque nouvelle Chambre, s'il n'y a qu'une Chambre, on verra de grands changements de personnes et de grands changements de procédés, de nouveaux errements, des visées nouvelles, avec abandon de tout ce qui était en train auparavant. Ce ne sera pas sans grand dommage pour nos affaires à l'intérieur; mais c'est à l'extérieur surtout que cette mobilité nous fera du tort. La France sera considérée par ses voisins comme un peuple sur l'alliance duquel on ne peut pas faire fond. On prendra l'habitude de ne contracter avec elle que dans la mesure du strict nécessaire, pour ne pas s'exposer à voir les engagements d'un gouvernement français éludés par le gouvernement suivant. On n'associera la France à aucun plan suivi, à aucune entreprise européenne de longue durée. Or, un peuple d'Europe qui n'est l'allié de personne, soit en fait, soit en espérance, un jour ou l'autre deviendra la dupe de quelque grande alliance. Il faut à un gouvernement, fût-il archi-républicain, de la constance, de la suite dans ses desseins à l'extérieur, dans ses procédés avec l'Europe, surtout en face de quelques grandes monarchies qui ont, elles, des desseins constants. C'est dans une seconde Chambre que cet esprit de suite, si nécessaire à la France, comme à tout État, pourrait trouver son asile et sa forteresse. Autre considération : le défaut de lumière et l'incompétence du peuple souverain. Il faut certainement, dit M. L., que désormais le gouvernement s'exerce pour les masses, au profit de leurs intérêts et de leur amélioration; il faut de plus que les masses aient le pouvoir de confier le gouvernement à qui leur plaît et de contrôler ensuite les actes de leurs mandataires; mais l'erreur est de croire que les masses peuvent faire autre chose que de se confier sous bénéfice d'inventaire. Pour tout homme non prévenu de la funeste manie d'exalter, de flatter le peuple souverain, les masses n'ont ni l'instruction générale, ni les lumières spéciales, ni le loisir voulus. Les masses ne savent pas, ne peuvent savoir avec le détail et la précision nécessaires, ni l'état antérieur des choses, ni l'état actuel dans toute l'Europe. Elles n'ont pas l'habitude des grandes vues, ni celle de lier une longue série d'idées. Loin que les masses puissent gouverner, administrer si peu que ce soit, elles ne sont que faiblement aptes à distinguer les hommes propres au gou

vernement. Or, c'est juste au moment où le peuple entre en scène que l'art de gouverner devient plus difficile, plus délicat. Les gouvernements modernes sont des machines plus compliquées que ceux de l'ancien régime. L'administration, la guerre, la diplomatie demandent aujourd'hui plus de savoir qu'elles n'en exigeaient autrefois; quel problème que celui qui s'impose à notre époque de supprimer la misère ou au moins certains degrés extrêmes dans la misère ! Croit-on que l'instinct démocratique, la passion démocratique suffise pour le résoudre ? Si les démocraties veulent, non-seulement vivre, mais prospérer; si, en Europe notamment, elles veulent prévaloir contre les monarchies, au moins contre certaines monarchies qui paraissent en voie de se fonder, sur la science, sur la capacité hors ligne de leurs fonctionnaires et de leurs officiers, il faut qu'elles se décident à rechercher le savoir, le talent, à les employer et à leur faire dans l'État une part convenable. C'est dans une seconde Chambre que ces forces pourraient trouver leur place et leur usage.

Mais, dit-on, ce n'est pas chose nouvelle en France qu'une seconde Chambre. Nous avons eu le Conseil des anciens, le Sénat du premier empire, la Chambre des pairs héréditaires, puis la pairie à vie, enfin le Sénat du second empire. L'expérience que nous avons faite de ces Chambres condamne l'institution. Non, répond M. L., ce n'est pas l'institution même que l'expérience condamne, c'est le mode de recrutement, le rôle et les attributions de ces Chambres, tels qu'on les a jusqu'ici conçus. Tout ce qu'on peut conclure de notre histoire politique c'est qu'il nous faut un type nouveau de seconde Chambre. La richesse et la naissance ont cessé de procurer l'ascendant, donc la seconde Chambre ne doit pas être demandée à la richesse et à la naissance. Il faut que le seul titre d'admission à cette Chambre soit la supériorité intellectuelle: point de mélange capable d'adultérer le tout, aux yeux d'une démocratie haineuse pour la naissance, jalouse ou irrévérencieuse pour la richesse. La Chambre haute doit se présenter à cette démocratie comme la pure réunion des meilleurs esprits de France. Si elle est regardée comme telle, elle exercera tout de suite et avant toute œuvre un grand ascendant, parce que l'esprit est un genre de supériorité qui impressionne les hommes, qu'ils le veuillent ou non. Il faut en outre assigner à la Chambre haute un autre rôle que par le passé, lui donner à faire un autre personnage, moins inutile et moins ingrat. Le système des Chambres-freins doit être résolûment abandonné et faire place à celui des Chambres-guides. Une Chambre haute ne peut, selon M. L., jouer désormais qu'un rôle, elle ne peut être que le haut conseil de la démocratie. De ce principe découlent les attributions qu'il convient de lui accorder.

On ne conseille pas les gens quand leur parti est arrêté, leur résolution prise: on les conseille avant; conséquemment la Chambre haute devrait se prononcer la première. Elle aurait d'abord le droit de proposer des lois, des mesures, de présenter à la Chambre des députés des projets spontanément élaborés dans son sein. Quand de son côté la Chambre des députés aurait résolu de faire une loi sur un sujet donné, la Chambre des députés serait tenue d'en donner avis à la Chambre haute et d'attendre le projet de loi que cette dernière composerait. Toutefois, la Chambre des députés pourrait voter, à la majorité des trois quarts de ses membres, qu'il y a urgence, et sous ce prétexte, retenir la confection de la loi. La loi présentée par la Chambre haute serait repoussée, adoptée ou amendée par la

Chambre des députés à sa convenance, après une discussion toujours obligatoire à laquelle des représentants de la haute Chambre envoyés par elle pour cela, auraient droit de prendre part. A la Chambre haute doit appartenir le pouvoir de suspendre les résolutions des députés par un veto motivé. Un conseiller n'excède pas du tout son rôle, en exigeant de celui qu'il conseille de mettre un intervalle de réflexion entre ses projets et l'exécution. Conséquemment le haut Conseil pourrait déclarer qu'une loi ne sera pas exécutoire avant le délai d'un an. D'autre part, les députés pourraient répondre à ce veto par une déclaration d'urgence qui l'annulerait, à la condition de réunir pour l'urgence les trois quarts des membres de la Chambre. Le haut conseil aurait encore, d'accord avec le pouvoir exécutif, la faculté de dissoudre la Chambre basse, de la renvoyer devant les électeurs. En exerçant ce pouvoir, elle ne ferait en somme qu'en appeler du pays au pays mieux informé et dùment averti. Que si le pays renvoyait les mêmes députés, le haut Conseil n'aurait plus le pouvoir de dissolution. Il ne l'exercerait à nouveau que sur une Chambre nouvelle. Ainsi la nation, par ses représentants, ferait toujours sa volonté quand elle persisterait à la faire, en dépit des avertissements des citoyens les plus éclairés. Mais au moins la chose n'aurait pas lieu sans que les opinions, les raisons de ces derniers eussent été entendues, sans qu'elle se fussent produites avec éclat, avec autorité, et que la lumière eût brillé aux yeux du nombre souverain.

Droit de proposition et d'initiative, droit de veto suspensif et motivé, droit de dissolution: telles sont les attributions que M. P. L. confère à sa Chambre-guide. Ce sont les seules qui soient, selon lui, compatibles avec le rôle d'une telle Chambre. Elles épuisent le droit propre de la capacité. La seconde Chambre, qui n'a pas de mandat de la majorité, ne peut être qu'un pouvoir consultatif, qu'une influence organisée, qu'un conseil; elle ne doit pas participer à la décision législative. Pourquoi? Parce que la supériorité intellectuelle, la possession de la vérité, même évidente, ne donne au possesseur aucun droit de gouverner. Ce droit, il ne peut le tenir que de ses concitoyens préalablement convaincus. L'État moderne, dit trèsbien M. L., est fondé sur ce principe que la volonté des plus nombreux, non celle des meilleurs, doit prévaloir. Ce principe est le seul praticable; il faut que l'État moderne reste assis sur cette base large et solide; mais, d'autre part, il doit rester certain aussi que, seules, la sagesse et la science peuvent faire, comme par le passé, la prospérité et la puissance des nations.

Comment la seconde Chambre, la Chambre des capacités, sera-t-elle composée ? Existe-t-il quelque règle dont l'observation conduise, avec quelque certitude, à la découverte des gens capables? Cette règle existe, répond M. L., elle peut se formuler en ces termes : Si la capacité d'un homme est appréciée quelque part avec un degré satisfaisant, c'est par les hommes du même métier ou qui appartiennent à un même groupe. Donc, le plus sûr moyen de trouver les hommes capables, c'est d'inviter chaque corps de métier à désigner celui de ses membres qu'il estime le plus capable. Reste à savoir comment procéderont les professions appelées à présenter des candidats pour le haut Conseil. M. L. estime qu'il faut d'abord se servir des assemblées, des groupes existants, qui représentent des sélections déjà opérées dans certaines professions et qui sont des organes tout trouvés pour la sélection

nouvelle dont il s'agit: Institut, Collège de France, Muséum, Observatoire, Conservatoire des arts et métiers, École centrale des arts et manufactures, École polytechnique, Écoles des mines, Écoles des ponts-et-chaussées, Écoles de médecine, Écoles de droit, Écoles véterinaire, Écoles d'agriculture, École normale, École des chartes, etc.; Cour de cassation, Cour des comptes, Banque de France, Crédit foncier, les divers Ministères. Viendraient ensuite des groupes formés par les professeurs de facultés et de lycées; par les archevêques, évêques, professeurs de séminaires et professeurs de facultés de théologie; par les juges et avocats; par les médecins; par les officiers supérieurs, à partir du grade de colonel; par les ingé. nieurs de l'État et les ingénieurs civils; par la Société des gens de lettres et les rédacteurs de journaux et revues; par les Sociétés d'agriculture; par les notables commerçants, les chambres de commerce et les chambres consultatives des arts et manufactures. Chacun de ces groupes présenterait ses candidats, et l'on aurait ainsi une liste de notabilités dressée par les diverses professions. C'est sur cette liste que les membres du Haut-Conseil seraient choisis par le Corps législatif. Celuici ne choisirait pas arbitrairement. Il serait tenu d'observer deux conditions: 4° il demanderait des conseillers à toutes les professions; 2° en puisant dans une profession, il prendrait les candidats dans l'ordre où ils se trouvent d'après le nombre des suffrages obtenus. Il ne resterait libre que de décider dans quelle proportion chaque profession fournirait desconseillers.

Il ne suffit pas qu'un corps soit composé de gens capables; il faut encore que ce corps veuille bien mettre sa capacité en usage. D'où nécessité d'un mécanisme qui permette de récompenser l'application et de perpétuer, dans le haut-Conseil, les talents exceptionnels. M. L. propose la disposition suivante : le haut-Conseil doit fonctionner sans changement pendant un temps déterminé, cinq ans par exemple. Ce terme expiré, la moitié de ses membres se retire, et l'autre demeure. Le Conseil désigne lui-même les conseillers demeurants. Ceux qui sortent vont se représenter à l'élection de leurs corps respectifs. Ces corps dressent de nouveau leurs listes sur lesquels ils maintiennent ou ne maintiennent pas les conseillers sortis. Les membres conservés au Conseil une première fois par le suffrage de leurs collègues, peuvent être maintenus de la même manière indéfiniment. Ainsi, c'est au Conseil lui-même qu'il appartiendrait de perpétuer ceux d'entre ses membres qu'il estimerait tout. à fait distingués ou éminemment utiles. Où connaît-on mieux le zèle, la capacité des membres d'une Assemblée que dans cette Assemblée elle-même ?

Telles sont les vues de M. P. L. sur la question de la seconde Chambre. Nous devons dire qu'il est loin d'avoir examiné les diverses faces de cette question. Ses raisonnements ne manquent pas de force, mais ils portent uniquement, d'une part, contre l'Assemblée unique, intégralement renouvelée par le suffrage universel direct; d'autre part, contre la seconde Chambre dite modératrice ou conservatrice appelée à partager, au nom des intérêts et des lumières d'une minorité, c'est-àdire au nom d'un droit aristocratique, le pouvoir législatif avec l'Assemblée des représentants du peuple. Mais il y a d'autres types d'organisation politique qui méritaient son attention et que ses objections ne nous paraissent pas atteindre. Nombre de républicains croient qu'on peut très-bien, dans le système de l'unité de

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