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tuteur de tous autres rapports avec ses élèves que ceux que nous lui voyons en général, si durs, si tendus, si peu sympathiques. Mais pour que l'instituteur, dont la tenue et la portée d'esprit sont trop souvent celles d'un sous-officier instructeur (ce dernier mot est de M. B.), devienne capable de former l'esprit des enfants, de leur apprendre à observer, à juger, à rendre compte, et se serve pour cela de tous les incidents de la vie locale et de l'école même, il faut d'autres écoles normales, et d'autres études, plus larges et plus variées, une éducation plus complète du futur maître. Il faut aussi l'initier et l'intéresser aux questions de pédagogique, et rédiger, s'il se peut, à son usage, des journaux destinés, comme en Allemagne, à l'informer des choses de son état plutôt qu'à lui procurer d'agréables distractions. Par malheur, fait observer M. B., la pédagogique, c'est un mot pédant, et les Français aiment mieux, à ce qu'il paraît, garder le pédantisme dans leurs écoles que de s'instruire dans une science qui en est proprement le correctif, et qui porte un pareil nom!

La place nous manquerait aujourd'hui pour apprécier les vues de M. B. sur l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur.

LA PHILOSOPHIE DE DAVID HUME, par Gabriel Compayré, professeur de philosophie (Paris, Ernest Thorin, 1873).

C'est le titre de la thèse française que vient de soutenir M. C. à la Sorbonne et à laquelle nous consacrerons prochainement un compte rendu. Nous en détachons aujourd'hui les pages suivantes qui en forment la conclusion et où nous sommes heureux de voir un esprit distingué, ancien élève de l'École normale, s'éloigner, encore qu'avec timidité, de la métaphysique substantialiste, de ces théories que l'éclectismé avait érigées en dogmes, la raison impersonnelle, révélatrice de l'absolu et de l'infini, la perception directe du monde extérieur, la conscience directe du moi nouménal.

«De tout ce que nous avons dit, il résulte que Hume a posé, sinon résolu, les questions les plus graves que puissent débattre les philosophes modernes : questions redoutables qui seront longtemps agitées avant d'aboutir à une conclusion définitive, questions qui se réduisent à deux :

> 4° L'esprit humain peut-il sortir de lui-même, et, franchissant les limites des impressions subjectives, peut-il connaître les objets?

» 2o L'esprit humain, en lui-même ou en dehors de lui, réduit à des connaissances subjectives, ou capable de déterminer des vérités objectives, connaît-il autre chose que des phénomènes ; saisit-il, soit directement et par une vue immédiate, soit par des procédés inductifs, les substances, les principes, les essences des choses?...

» Selon nous, grâce à l'expérience, qui nous met réellement en rapport avec des objets indépendants de notre être, grâce à la raison aussi, c'est-à-dire aux lois mêmes et aux conditions subjectives du développement de notre pensée, nous acquérons insensiblement, non pas du premier coup et en une fois, la connaissance de nous-mêmes, la connaissance du monde extérieur, enfin la connaissance

de Dieu. Il faut, sans doute, à l'enfant une série assez longue de perceptions et d'émotions, pour que, aidé de sa mémoire, il saisisse et conçoive l'unité et l'identité du moi. Une seule impression ne suffirait pas à développer pareille idée. Il faut un travail de comparaison, de réflexion, pour que l'esprit parvienne à formuler nettement et clairement l'affirmation : « Je pense, donc je suis ». Mais de ce que cette connaissance s'acquiert lentement et insensiblement, s'ensuit-il qu'elle n'ait pas une valeur sérieuse? Nous sommes loin de le penser. Nous croyons fermement à l'identité de l'être humain ; nous croyons que, du berceau à la tombe, une seule et même force se développe; mais il nous semble qu'une force, telle que l'âme humaine, qui se manifeste par des faits successifs, ne peut prendre conscience en une fois que de chacun de ces faits, et que la conscience générale qu'elle a d'elle-même est nécessairement le résultat d'une série de ces actes particuliers.

> De même, la connaissance du monde extérieur, quoique implicitement contenue dans l'affirmation de notre propre existence, ne se précise et ne se développe qu'au fur et à mesure que nos sens agissent et que nous comparons nos différentes perceptions.

> Et ce qui est vrai du moi et du monde l'est encore plus de l'existence divine. Ici, il n'y a pas encore d'intuition directe: il n'y a qu'un travail lent et pénible, qui, d'induction en induction, de réflexion en réflexion, nous conduit jusqu'à cette affirmation suprême: Dieu est.

>> Sans doute, la raison agit sur nos connaissances et contribue à les déterminer. Mais l'expérience est cependant la source où nous puisons surtout ces connaissances. L'esprit n'est par lui-même qu'une force capable de connaître, à condition que l'objet soit mis en rapport avec lui: force impuissante par elle-même à produire des connaissances positives; objet réel, et que l'esprit se représente, mais, il est vrai, selon les lois de sa constitution naturelle.

> Il nous semble qu'on ne peut pas douter sérieusement aujourd'hui de la valeur objective de nos connaissances, et que l'idéalisme n'a plus de raison d'être. Nous serions moins affirmatif sur le second point, sur la question de savoir si nos connaissances dépassent le phénomène et le relatif. La raison est surtout un effort pour s'élever au-dessus des apparences; mais, dans la sphère où la nature nous a enfermés, nous ne sommes réellement en rapport qu'avec le dehors des choses, avec les phénomènes, si bien que l'effort de la raison pour aller au delà reste impuissant. Nous pouvons concevoir les choses absolues, nous ne pouvons pas les connaître. Qu'elles existent, nous avons le droit de l'affirmer. Quelles elles sont, nous ne le saurons jamais.

» 3i Hume, dans sa réaction contre l'ancien dogmatisme, n'avait pas dépassé les limites que nous venons d'indiquer, il n'eût rendu que des services à la philosophie. Mais les réactions sont toujours intolérantes et excessives, et la philosophie, oscillant d'un excès à un autre, a de la peine à trouver son équilibre. Hume a le double tort d'avoir nié à la fois la valeur objective de l'expérience, et l'existence de l'esprit et de ses lois nécessaires. Nous n'avons pas besoin de redire combien est inadmissible l'ensemble d'hypothèses qu'il a proposé pour expliquer les opérations intellectuelles, sans admettre le rapport réel de l'intelligence et de l'objet, sans

admettre, d'un autre côté, ni facultés, ni force initiale et unique. Son système est incontestablement faux; mais il y a, dans quelques parties de son système, des tendances précieuses à recueillir.

» C'est de lui que la philosophie peut apprendre, par exemple, à faire de plus en plus de la psychologie le centre de ses recherches et de ses préoccupations. C'est de lui qu'elle empruntera avec profit, à l'exemple de tous ses disciples anglais, la méthode du déterminisme psychologique, la tendance à voir dans les faits qui se succèdent en nous des causes et des effets unis par les liens d'une mutuelle dépendance; sans aller cependant jusqu'à supprimer avec lui la force une et multiple sans laquelle on ne peut rien expliquer dans l'âme. C'est à lui qu'il faudra revenir toujours pour trouver la première application sérieuse de cette loi de l'association des idées, dont nos contemporains abusent, sans doute, comme on abuse de toute découverte nouvelle, promptement transformée en système exclusif par les intempérances de la logique, mais dont on doit cependant tenir grand compte dans l'explication des phénomènes psychologiques. C'est lui qui nous enseignera encore à ne pas être dupe de ces mots de facultés, de pouvoirs, qui, mal interprétés, divisent l'âme en un certain nombre d'entités chimériques. C'est Hume, enfin, qui, un des premiers, a compris que la psychologie, comme la physique, doit, selon le mot de Newton, se défier de la métaphysique. Non que la métaphysique nous paraisse impossible; mais dans l'état actuel de la science de l'esprit humain, elle est encore difficilement abordable; et, surtout, il ne faut pas que le souci d'une métaphysique presque inaccessible fasse négliger une science aussi positive, aussi praticable que la psychologie. »

BULLETIN DU MOUVEMENT SOCIAL, paraissant une fois par mois. (Abonnement: 6 francs par an; Lagny, rue du Chariot-d'Or, ou Paris, rue Hautefeuille, 3.)

Ce bulletin est l'organe du socialisme expérimental et pacifique. Il appelle l'attention et mérite les sympathies de ceux qui ne renferment pas toute la science économique dans la maxime optimiste du laissez-faire. Théories et essais d'associations, idées et faits sur les rapports des trois facteurs de la production, capital, travail et talent, y sont l'objet d'études consciencieuses et intéressantes. Nous avons sous les yeux les numéros 2, 3 et 4; en voici les sommaires :

N° 2.

L'idée de Fourier, par II. Couturier; - De l'association en Angleterre, par Auguste Desmoulins ; La coopération, par Charles Limousin ; La question sociale en Allemagne, par E. Nus; - Société républicaine du progrès social et politique, par E. Nus;

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Les maîtres d'école, par Eugéne Bonnemère. Antagonisme, par E. Nus; Le congrès de Leeds, par Auguste

· La coopération, par Ch. Limousin ;

La grève de la Galles du

Desmoulins;
Sud, par Ch. Limousin; - Projets pratiques d'association agricole, par Eugéne
Bonnemère; Les idées de Proudhon, par Jules Girard.
N° 4. Büchner socialiste, par Baudet-Dulary;

-

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-La coopération, par Ch. Limousin; Société d'études et de propagande pour le développement des associations coopératives.

Le rédacteur-gérant, F. PILLON.

PARIS. IMPRIMERIE DE E. MARTINET, RUE MIGNON, 2

LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE

POLITIQUE, SCIENTIFIQUE, LITTÉRAIRE

LE DROIT DE DÉFENSE CONTRE LE CATHOLICISME.

Nous trouvons dans la correspondance d'une gazette suisse (l'Union libérale de Neuchâtel) un écho intéressant aux pensées que nous avons exprimées (dans le no 51 de la Critique philosophique, 1re année) au sujet du conflit actuel du catholicisme et des gouvernements dans différents États. Nous croyons devoir reproduire le passage principal de cette lettre écrite du Jorat vaudois en date du 10 mars. Le correspondant vise principalement la Suisse, mais les considérants qu'il expose se généralisent d'eux-mêmes.

« Il faut se mettre d'accord sur l'état des faits. Est-il vrai ou non que l'Église de Rome revendique absolument en principe le droit de supprimer les opinions contraires par la force matérielle, et d'appeler le bras séculier à son secours pour l'accomplissement d'un devoir qu'elle envisage comme sacré ? Nous serions heureux d'entendre ce fait nié par une bouche autorisée; mais s'il n'est pas nié, s'il ne peut pas être nié, il s'ensuivrait naturellement que vis-à-vis du catholicisme, les dissidents et l'État, protecteur des droits de tous, seraient constamment et par la force des choses dans l'attitude de la défense, sinon contre une attaque ouverte, du moins contre une agression préparée. Et qu'on ne disc pas que les protestants ont aussi persécuté, même des sectes inoffensives: s'ils l'ont fait, ils ont renié depuis cette conduite, et leur principe leur permettait de s'en repentir, tandis que le catholicisme n'a rien désavoué de son passé sanglant et qu'il n'en peut rien désavouer.

>> Les mesures législatives prises à Genève et ailleurs nous semblent pleinement justifiées par le droit de la défense personnelle, sous la condition toutefois de se justifier également au point de vue de l'opportunité et de l'efficacité, ce qui est un côté de l'affaire où vous me permettrez de ne pas entrer. Il est vrai qu'elles empiètent sur la conscience catholique, sur le dogme catholique, puisque Rome a placé son organisation au rang des dogmes; mais s'il réussit au parti menacé, toujours menacé, menacé de mort, d'amener une modification du catholicisme (générale ou locale) de nature à lui rendre la sécurité, il me semble que les moyens employés à cet effet devraient être équitablement jugés d'après les prin

CRIT. PHILOS.

II.

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cipes du droit de défense et non d'après les principes de la liberté religieuse. Ceci s'applique surtout à Genève, où, d'avance toute liberté est assurée à ceux qui ne voudraient pas de la constitution civile du clergé, à Genève où cette constitution ne saurait guère aboutir sans le concours du peuple catholique lui-même. La position des Genevois me semblerait inattaquable si le Grand Conseil avait eu le courage de s'en remettre à la décision des catholiques consultés à part. Telle qu'elle est, je la trouve encore pleinement justifiée, à la seule condition que les mesures prises aboutissent.

» J'appliquerais le même principe à l'expulsion de Mgr Mermillod, si elle ne touchait qu'à des intérêts confessionnels. J'en accorderais la légitimité lorsqu'il me serait démontré qu'elle était nécessaire au salut de l'Etat, ou simplement que celui-ci y trouve un avantage supérieur aux inconvénients qui en résultent. Mais cette démonstration reste à faire, et tout ce que j'entends me confirme dans le sentiment opposé. Chacun accorde que la présence de Mgr à Genève n'était point un danger pour la tranquillité matérielle, et qu'il gouverne le clergé genevois depuis Fernex absolument comme il le ferait à Carouge. Son éloignement n'a d'autre avantage que de montrer le ferme propos du Conseil fédéral d'être obéi dans les défenses qu'il intime. Elle a l'inconvénient de créer l'insécurité générale, car s'il est des cas imprévus dans lesquels un citoyen suisse peut être expulsé sans jugement par l'Exécutif, les considérants d'une telle ordonnance s'appliqueront sans modification bien considérable à vous, à moi, à tout citoyen quelconque, du moment où le vent d'une passion populaire soufflera assez fort pour appuyer ce coup d'autorité.

>> On demande ce qu'il fallait faire. Sur ce point, voici mon sentiment. Je ne fais que développer une indication que l'Union libérale a déjà donnée.

>> En aidant le pape à démembrer l'évêché de Lausanne contrairement au droit existant, le sieur Mermillod a commis un acte contraire à ses devoirs de citoyen suisse. Il fallait s'assurer d'abord si cet acte n'est pas réprimé par les lois en vigueur. On dit qu'il ne l'est point et je le crois, mais on aurait pu prendre là-dessus l'avis des jurisconsultes, des facultés; rien ne pressait. Une fois établi qu'aucun dispositif pénal n'atteint le Suisse qui accepte des fonctions publiques civiles ou religieuses d'un pouvoir étranger pour les exercer en Suisse sans autorisation du Conseil fédéral, il fallait faire cette loi, en suivant toutes les formes. Elle aurait visé également le cas de l'indigène nommé consul qui essayerait de fonctionner sans exequatur, elle aurait rempli une lacune réelle dans notre législation pénale. La loi faite, on l'aurait dûment communiquée à Mgr Mermillod, et s'il n'avait pas voulu s'y conformer, à la première contravention constatée, on l'aurait mis en jugement.

» Telle était, je crois, la marche à suivre, ou plutôt telle est encore la

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