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piété sensible qu'au raisonnement, avoient outré la matiere. M. de Fénélon embrassa de bonne foi et sans envie de faire secte des sentiments qui s'accordoient si bien avec la piété tendre et affectueuse dont il étoit pénétré.

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La preuve que, malgré ces sentiments, il étoit toujours très orthodoxe dans le fond de son ame, c'est qu'il s'est toujours plaint de n'être pas entendu c'est qu'il a toujours promis d'écouter l'église quand elle parleroit; c'est qu'il l'a écoutée quand elle a parlé; et que, depuis, il n'a rien dit, rien écrit qui ne prouvât que sa docilité étoit aussi sincere qu'elle avoit été prompte.

Le jugement du S. Siege, reçu par toutes les églises et unanimement par celle de France, a non seuiement assuré la doctrine mais fixé le langage de l'église sur tous ces objets.

Il ne faut donc pas juger M. de Fénélon comme on jugeroit un écrivain qui emploieroit maintenant les expressions dont il s'est servi.

On trouve, dans les peres antérieurs au concile de Nicée, des manieres de parler qui, après le concile, auroient été justement suspectes; et personne ne s'est plaint qu'on ne les ait pas corrigées dans l'édition de leurs œuvres; personne ne s'est avisé de proscrire leurs ouvrages et de les traiter d'hérétiques.

A quoi serviroit-il d'ailleurs que nous fissions des changements dans cette partie de notre édition? A la décréditer, à la déshonorer en quelque sorte, à la faire passer pour incomplete et infidele.

Ces traités spirituels sont, depuis long-temps, entre les mains de tout le monde; les éditions en ont été multipliées, pour ainsi dire, à l'infini, et il n'est presque point de personnes pieuses qui ne les aient lues et méditées.

Nous croyons cependant, par zele pour la pureté de la foi, pour entrer dans les vues de l'auteur et nous conformer à ses intentions, devoir précautionner le lecteur contre certaines expressions exagérées, susceptibles d'un mauvais sens, et néanmoins assez familieres aux auteurs qui ont écrit sur la spiritualité.

C'est d'après M. de Fénélon lui-même et les explications qu'il a données dans les défenses des Maximes des Saints et dans les écrits postérieurs à cet ouvrage, que nous allons déterminer ici le sens dans lequel il veut, avec l'église, qu'on entende ses expressions.

Quand donc notre auteur parle d'abandon total à Dieu, d'oubli de tous nos intérêts, de soumission entiere à la volonté divine, quelque rigoureuse. qu'elle puisse être, il faut se rappeler, comme l'auteur en convient dans plusieurs endroits de ses ou

vrages, et comme la foi et la raison nous l'enseignent, que, quelque soumis que nous devions être à cette volonté suprême, il ne nous est permis, dans aucune circonstance de notre vie, d'acquiescer à notre réprobation, parcequ'elle renferme essentiellement le renoncement à l'amour et à la possession de Dieu.

Ainsi, quoiqu'il faille aimer Dieu et tendre à la perfection de cet amour, il faut aussi, selon l'apôtre, toujours craindre et espérer craindre pour veiller sur soi; et espérer, se confier dans la grace de J. C., pour travailler avec joie et avec constance à nous procurer l'amour et la possession de Dieu.

M. de Fénélon revient souvent, et toujours vivement, à l'amour pur; il voudroit allumer dans tous les cœurs cette flamme divine. Nous le voudrions comme lui; nous croyons même qu'il est possible, qu'il est utile d'en faire des actes fréquents; que, sur la terre, nous devons tendre avec la grace à la perfection de cet amour, et nous y exciter souvent, quoique nous ne puissions parvenir à cette perfection que dans le ciel. Mais nous pensons avec l'église, et avec M. de Cambrai, qui s'est soumis à ses décisions sans hésitation et sans équivoque, que les plus grands saints ici-bas, que ceux qui agissent le plus habituellement par le principe sublime et entraî

TOME VII.

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nant de l'amour divin, n'y sont pas établis d'une maniere fixe et invariable; que ce n'est point, que ce ne peut pas être un état stable et permanent; et que, dans cette région.ténébreuse, dans cette vallée de misere et de larmes, tous doivent marcher avec précaution, avec crainte et tremblement; tous doivent sans cesse s'affermir dans la foi, animer et soutenir l'amour même par des actes formels et souvent réitérés de crainte et d'espérance. Qui se existimat stare, videat ne cadat: Que celui qui se croit ferme prenne garde de tomber. Iere aux Corinth. c. 10,v. 12.

Malheur à l'ame présomptueuse qui croiroit com mettre une imperfection en considérant Dieu comme terrible dans ses châtiments, comme magnifique dans ses récompenses, et regarderoit comme indigne d'elle, comme contraire à l'amour qu'elle doit à Dieu, le souvenir de ses perfections et l'exercice de la crainte et de l'espérance qu'elles doivent nous inspirer! Serva timorem, et in illo veterasce: Conservez la crainte de Dieu, vieillissez dans cette crainte. Eccli. c. 2, v. 6.

Ceux qui ont voulu séparer l'intérêt de la créature de son amour pour Dieu, n'ont rien conçu à la nature humaine : ils ont été aussi mauvais philosophes que théologiens dangereux. Il est possible de séparer de cet amour l'intérêt réfléchi, l'intérêt

recherché, l'intérêt qui se considere directement, principalement, uniquement; et c'est, sans doute, à cet intérêt, tout occupé de lui, sans presque aucun rapport à Dieu, que M. de Fénélon déclare une guerre si ouverte. :

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L'amour pur est bien plus noble, plus généreux: mais il n'est pas sans intérêt, parceque ce sentiment est nécessaire et inhérent à la volonté.

Les mystiques se sont trop arrêtés à ce que présente de bas le mot d'intérêt. C'est que, dans l'usage ordinaire, il réveille l'idée de profit, d'argent et de fortune. Mais ne s'ennoblit-il pas quand il s'agit de l'honneur, du bien général, et de la gloire de l'état? Pourquoi nous dégraderoit-il quand il nous excite à servir Dieu et même à l'aimer pour éviter le souverain malheur et parvenir au bonheur suprême?

M. de Fénélon dit encore que, pour arriver au parfait détachement, il faut consentir à tout perdre, jusqu'à ses vertus; c'est-à-dire, tout sentiment de complaisance dans les vertus qu'on croit avoir, tout acte de propriété de ses vertus; en sorte qu'on les attribueroit plus à ses efforts et à son travail qu'à la bonté et à la gracé de Dieu; c'est-à-dire qu'il faut perdre tout desir empressé de ces dons sublimes et extroardinaires, qui ne font pas la vraie sainteté et qui peuvent en être l'écueil; tout sentiment, en

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