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un mot, qui, quoique bon en lui-même, conduiroit à nous faire oublier notre misere, et nous empêcheroit de veiller sur nous et de tout craindre de notre foiblesse.

La preuve que ce vertueux prélat entend comme nous l'expliquons cette perte en Dieu de nos vertus, c'est qu'il nous rappelle souvent à notre petitesse; c'est qu'il nous exhorte sans cesse à l'humilité; c'est qu'il ne veut que nous détournions les yeux de ce que nous faisons de bien, que pour nous armer contre les ruses, les pieges et les retours si ordinaires et si dangereux de l'orgueil et de l'amourpropre.

Ce qu'il dit aussi de la sainte indifférence ne peut s'entendre que de la soumission dans les épreuves, de la modération dans les desirs qui tiennent à la cupidité et aux choses du temps présent, de la patience dans la privation des consolations sensibles, ́et nullement d'une espece d'apathie pour tout ce qui mene à Dieu, comme sont les vertus réelles et solides, et pour tout ce qui peut nous en éloigner, comme les vices et tout ce qui nous y porte.

L'oraison de silence, dont parle M. de Cambrai en quelques endroits de ses œuvres spirituelles, n'est pas une quiétude oisive, comme on affecte de le lui reprocher; il ne recommande rien tant que de

la rendre pratique; il veut qu'on ne sorte jamais de la priere sans avoir fait un retour sérieux sur soimême, sans avoir pris la ferme résolution de se corriger.

Mais il est des moments où l'on a beaucoup de peine à fixer son imagination; où, pour suivre la méthode qu'on s'est prescrite, il faut, en quelque sorte, lutter contre son attrait; où l'on ne peut, sans une contention qui fatigue la tête et éteint le sentiment, s'appliquer à la vérité qu'on s'étoit proposé de méditer. Vous ne pouvez alors, dit à-peuprès M. de Fénélon, vous ne pouvez parler à Dieu; priez-le de vous parler; écoutez-le en silence; ne le rompez que pour vous humilier; ne vous troublez pas, ne vous livrez pas à une anxiété qui vous éloigneroit de Dieu taisez-vous, faites taire vos passions; recourez de temps en temps à ces cris qui partent du fond du cœur, à ces oraisons jaculatoires qui pénetrent jusqu'au ciel; et, quelque mécontent que vous soyez de vous-même, assurez-vous qu'une oraison où vous vous serez humilié constamment devant Dieu, où vous aurez vu toute votre misere sans vous y complaire, mais aussi sans vous décou Fager, où vous aurez imploré, au moins par intervalles, les secours d'en haut, est peut-être plus utile, peut-être mieux faite que celle qui ne vous auroit

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donné aucune peine, qui vous auroit donné beaucoup de consolation.

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Telle est en général la doctrine de M. de Cambrai. Nous l'avouons cependant encore; il se sert quelquefois de certaines expressions qui, quoiqu'employées par des mystiques estimés, demandent à être ramenées à un sens catholique; et c'est ce que nous avons cru indispensable de faire dans cette courte préface.

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Oserons-nous le dire? Quelques uns des auteurs qui ont écrit sur la spiritualité ont trop donné tantôt à l'imagination, tantôt à la métaphysique. De là ces exagérations ou ces subtilités, ces raffinements, dont, quelque nuisibles qu'ils fussent, les meilleurs esprits, les cœurs les plus droits n'ont pas toujours su se défendre.

Tant il est dangereux de mêler les conceptions et le langage humain à la doctrine toute pure, toute simple, toute divine de J. C.! tant il est important, quand on entreprend de diriger les autres dans les voies du salut, de mettre dans ses maximes cette simplicité, cette clarté qui regne dans l'évangile! Les le çons, quoique sublimes, y sont à la portée de tous les esprits; l'amour le plús parfait y est recommandé mais, bien loin de l'établir sur les ruines de la crainte et de l'espérance, bien loin de reléguer en

quelque sorte ces deux vertus au rang des imperfections, on en montre par-tout l'excellence, on exhorte les fideles à ne les jamais, perdre de vue, du moins à y revenir souvent et à les regarder comme des moyens nécessaires dans cette vie pour arriver à la charité et pour la conserver.

M. de Fénélon ne donna jamais dans les excès révoltants de Molinos et des autres quiétistes. Mais encore une fois, si ses intentions étoient pures, ses expressions ne furent pas toujours exactes, comme il en convient lui-même, après la condamnation de son livre des Maximes des Saints. Depuis il ne lui échappá rien ni pour soutenir ni pour justifier les propositions que l'église avoit réprouvées. Tout pa rut assoupi, tout parut rendre justice à M. de Cambrai; et on n'en parla que pour le plaindre de la vivacité, qu'on avoit mise à le poursuivre, que pour admirer sa franche et courageuse docilité.

Je sais que quelques écrivains modernes se sont efforcés de répandre des nuages sur une vertu toujours ferme et vraie, puisqu'elle a résité et aux douceurs de la prospérité, et aux tempêtes des tribulations. A les en croire cependant, Fénélon étoit, selon les uns, un hypocrite, et, selon les autres, un intrigant. On a fouillé dans tout ce que l'envie, la prévention ou l'esprit de parti ont écrit contre lui;

et, de ce chaos ténébreux et mensonger, on a cru pouvoir faire sortir la lumiere et la vérité. Ce que Bossuet n'osa jamais, ce qu'il ne voulut jamais, dans cette multitude de productions polémiques qui sortirent de sa plume féconde et vigoureuse, des auteurs, que je me garde de qualifier, l'entreprennent, et semblent vouloir ternir une réputation de probité, de bonne foi, de candeur, que ses ennemis les plus redoutables n'entreprirent point d'attaquer. Auroient-ils le malheur de ne pas croire à la vertu? Ils méritent alors d'être plaints; mais ils ne méritent pas qu'on leur réponde. La seule précaution qu'il nous a semblé nécessaire de prendre pour garantir de la séduction, c'est de faire imprimer dans leVIe volume beaucoup de lettres qui n'avoient point paru. Elles sont adressées à ce que M. de Fénélon aimoit le plus. 11 y parle avec une confiance, une vérité, une raison, un ton de piété et de conviction qui le peignent tout entier, qui le montrent tel que le virent ses contemporains, tel que le voit encore presque toute l'Europe, à qui son nom, ainsi que ses ouvrages, ne rappelle que des vertus douces, mais solides et exactes.

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