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la vérité à tout le monde. Mon prochain article lui fera plaisir ; je suis réconcilié avec elle. Et votre Palmerston, le Times de Broughton lui a fait passer, je pense, bien des mauvais quarts d'heure? - Il me fut impossible, dit le voyageur anglais, de persuader à ce brave homme que le Times de Broughton ne faisait ni tant de peine ni tant de plaisir à la reine Victoria'. >>

Le rédacteur du Times de Broughton était le taon de la fable du moyen âge ou la mouche du coche de la Fontaine :

Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,

Six forts chevaux tiraient un coche.

Femmes, moines, vieillards, tout était descendu;
L'attelage suait, soufflait, était rendu.

Une mouche survient et des chevaux s'approche,

2 Je trouve dans le recueil intitulé; Littérature et morale, par M. Bersot, mon collaborateur du Journal des Débats et mon ami, le trait suivant, tiré d'un voyageur en Afrique : « A propos du scheik de Bornau, quelle jolie scène raconte Denham, et comme on voit bien que la vanité n'a pas de couleur! « Il nous questionna sur l'objet de notre voyage et montra une satisfaction évidente quand nous lui donnâmes l'assurance avoir entendu parler du Bornau et de lui. Se tournant alors vers l'un de ses conseillers : « C'est sans doute, lui dit-il, depuis nos victoires sur les Baghirmys; sur quoi son bogah-farby ou maître de la cavalerie, celui des chefs qui s'était le plus distingué dans les batailles, vint s'asseoir vis-à-vis de nous et nous demanda gravement: A-t-il aussi entendu parler de moi, votre roi? Non moins gravement, nous répondîmes que oui, et cette réponse ît merveille pour notre cause. Une acclamation générale s'éleva; de tous côtés on répétait « Ah! votre roi doit être un grand homme! » (Littérature et morale, par M. Bersot, p. 132-133.)

Prétend les animer par son bourdonnement,

Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment

Qu'elle fait aller la machine;

S'assied sur le timon, sur le nez du cocher.
Aussitôt que le char chemine,

Et qu'elle voit les gens marcher,
Elle s'en attribue uniquement la gloire,

Va, vient, fait l'empressée : il semble que ce soit
Un sergent de bataille, allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens et hâter la victoire.

La mouche, en ce commun besoin,

Se plaint qu'elle agit seule et qu'elle a tout le soin,
Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire.
Le moine disait son bréviaire:

Il prenait bien son temps! Une femme chantait :
C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait!
Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles
Et fait cent sottises pareilles.

Après bien du travail, le coche arrive au haut.
« Respirons maintenant! dit la Mouche aussitôt.
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Çà, messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine.

Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S'introduisent dans les affaires;

Ils font partout les nécessaires,

Et, partout importuns, devraient être chassés.

(Liv. VII, f. 1x.)

Le tableau de la Fontaine est un chef-d'œuvre, et bien supérieur à la fable du moyen âge. Le coche qui se traîne, la fatigue des chevaux, l'empressement de la mouche et son activité bourdonnante et inutile, tout est admirable. La morale seulement ne se rapporte pas

à la fable d'une manière aussi piquante que dans la fable du moyen âge. Le taon, dont le mulet ne sent pas le poids, est un emblème plus juste de la fausse importance des vaniteux, que la mouche qui, selon la maxime de la Fontaine, devrait être chassée. Et pourquoi chasser la mouche du coche? Quel mal fait-elle ? Elle croit mener le monde : laissez-lui croire qu'elle le mène! Vous-même, qui êtes sur le siége, êtes-vous bien sûr que vous menez le chariot? Est-ce à vous ou aux chevaux que je dois savoir gré du chemin que je fais? Peut-être aussi dois-je remercier l'ingénieur qui a fait la route, le cantonnier qui l'entretient? Peut-être dois-je remercier le contribuable qui paye l'ingénieur et le cantonnier? C'est moi qu'il faut remercier, dites-vous, car c'est moi qui suis le cocher et qui tiens le fouet. J'entends. Mais tout à l'heure, ô cocher, vous alliez vous endormir, si la mouche en passant ne vous avait piqué et ne vous avait réveillé : sans elle, peut-être nous tombions dans le fossé. Laissez donc vivre la mouche du coche, et ne la chassez pas; elle a, dans son métier, des plaisirs de vanité qui ne coûtent rien, et elle rend des services dont nous ne sommes point tenus de lui être reconnaissante. Puis n'y a-t-il que la mouche du coche qui dise:

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Cà, messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine!

J'ai déjà vu bien des révolutions en ma vie. Le len

demain de la victoire, tout le monde répétait le vers de la Fontaine; tout le monde voulait être payé de sa peine, et ceux-là non-seulement qui avaient fait mal, mais ceux-là aussi qui n'avaient rien fait.

QUITIEME LEÇON

LA FONTAINE COMPARE AUX FABULISTES
DU SEIZIÈME SIÈCLE

Quand on connaît l'histoire du quinzième et du seizième siècle, et qu'on sait combien l'esprit de la Renaissance répudiait la tradition du moyen âge, on est disposé à croire que la fable, au seizième siècle, a dû changer comme tous les autres genres de littérature. Poésie épique et poésie lyrique, tragédie et comédie, éloquence de la chaire et du barreau, théologie et philosophie, tout change et tout se renouvelle au seizième siècle. La fable seule ne changea pas : elle resta fidèle à son ancien caractère, au vieil esprit d'Ésope. Comme le moyen âge ne s'était pas écarté de ce genre d'esprit, la fable n'eut rien à faire pour y revenir. Protégée con

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