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blasphèmes sans l'aveu de Luther, M. Jurieu ajoute : « Luther a vu cela, et il a approuvé le livre de Mélanchton, jusqu'à le juger digne non-seulement de l'immortalité, mais encore d'être inséré parmi les Ecritures canoniques. » Il cite, pour le prouver, le livre du Serf arbitre de Luther, où il est vrai que se trouve cette approbation très-expresse des blasphèmes de Mélanchton; et pour ne laisser aux luthériens aucun moyen de s'échapper, il se fait cette objection': «Mais, dites-vous, Mélanchton a rétracté cette opinion dans les éditions suivantes de ses Lieux communs, au titre De la cause du péché. Il est vrai, il l'a rétractée, et avec raison; car qui pourroit souffrir cette parole QUI DÉTRUIT TOUTE RELIGION : que la divine prédestination ôte à l'homme son libre arbitre? » Voilà l'objection proposée, et Mélanchton bien convaincu d'avoir enseigné une impiété manifeste et détruit toute religion. Mais de peur qu'il ne lui échappe, non plus que son maître Luther, il ajoute premièrement contre Mélanchton, qu'il n'a rétracté cette opinion que mollement et en doutant; et contre Luther, que lorsqu'il approuva les Lieux communs de Mélanchton, ils n'avoient point encore été corrigés: donc, poursuit-il, il a admis cette dure opinion de la prédestination, qui ôtoit le libre arbitre à l'homme. Est-ce là dire seulement des paroles dures, et non pas admettre une opinion qui détruit toute religion, et établit l'impiété ?

C'en est assez pour confondre ce téméraire ministre dans le jugement de Dieu, où il m'appelle : mais il passe encore plus avant; et voici comme il parle de Luther: « Il n'a pas seulement approuvé les paroles de Mélanchton; mais il en a dit de semblables dans le livre du Serf arbitre, dont le titre seul fait connoître le sentiment de l'auteur. Ecoutons donc comme il parle : C'est le fondement de la foi de croire que Dieu est clément, quoiqu'il sauve si peu d'hommes, et en damne un si grand nombre; de croire qu'il est juste, quoiqu'il nous FASSE DAMNABLES nécessairement PAR SA VOLONTÉ; en sorte qu'il semble prendre plaisir au supplice des malheureux, et être plus digne de haine que d'amour. Si donc je pouvois entendre par quelque moyen que Dieu est miséricordieux et juste, pendant qu'il ne fait paroître que colère et injustice, je n'aurois pas besoin de foi. Dieu caché dans sa majesté ni ne déplore la mort des pécheurs, ni ne la détruit; mais il opère la vie et la mort, et toutes choses dans tous. Il ne veut point la mort du pécheur, EN PAROLE; JE L'AVOUE, mais il la veut par cette secrète et impénétrable volonté. » Voilà les paroles de Luther, où il reconnoît que Dieu fait les hommes damnables par sa volonté, et les fait inévitablement et nécessairement ↑ Jur., pag. 211. — 2 Consult, ubi suprà.

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damnables. Les faire damnables de cette sorte, c'est sans doute les faire pécheurs et Luther l'enseigne ainsi en termes formels, puisqu'il prouve ce qu'il avance, en disant qu'il fait toutes choses, et par conséquent le péché dans les hommes. D'où il s'ensuit que Dieu veut effectivement, et leur péché, et leur perte; quoiqu'à l'entendre parler (c'est toujours Dieu qu'il entend) il fasse semblant de ne les vouloir pas in verbo scilicet. Qui jamais parla ainsi de Dieu, si ce n'est ceux qui n'en croient point, ou qui ont perdu toute la révérence qu'inspire naturellement un si grand nom? Voilà ce que M. Jurieu a tiré du livre du Serf arbitre de Luther; et il ose encore prendre Dieu en son redoutable tribunal à témoin, comme il n'attribue à Luther que des paroles trop dures pendant qu'il le convainc avec tant de force de ces exécrables sentiments. Mais il le presse encore par des paroles tirées de ce même livre du Serf arbitre : <«< C'est en vain, disoit Luther, qu'on tâche d'excuser Dieu, en accusant le libre arbitre. S'il a prévu la trahison de Judas, Judas étoit fait traître PAR NÉCESSITÉ; et il n'étoit point en son pouvoir, ni dans celui d'aucune créature, de faire autrement ni de changer la volonté de Dieu. En est-ce assez pour convaincre Luther? Mais, pour ne lui laisser pas le loisir de respirer, le ministre lui reproche encore d'avoir dit : « Si nous trouvons bon que Dieu couronne des indignes, il ne faut pas trouver moins bon qu'il damne des innocents: en l'un et en l'autre, il est excessif selon les hommes; mais il est juste. et véritable en lui-même. C'est maintenant une chose incompréhensible, de damner des innocents; mais on le croit jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit révélé 2. » C'est donc l'objet de la foi, que Dieu damne des innocents, et les fait lui-même coupables; puisque les faire damnables, comme dit Luther, et les faire pécheurs et coupables, c'est la même chose et voilà, selon Luther, le grand mystère qui nous sera révélé dans la vision bienheureuse.

Luther est terriblement pressé, vous le voyez; mais le ministre revient encore à la charge: Voici, dit-il, par où il finit; c'est toujours de Luther qu'il parle : « Si nous croyons qu'il est vrai que Dieu prévoit et préordonne toutes choses, et que d'ailleurs il n'est pas possible qu'il se trompe, ou qu'il soit empêché dans sa science et dans la prédestination; et enfin, que rien ne se fait sans sa volonté : la même raison nous fait voir qu'il ne peut y avoir aucun libre arbitre ni dans l'homme, ni dans l'ange, ni dans aucune créature. Tout ce qui se fait par nous, dans ce qui regarde le salut et la damnation, se fait par une pure nécessité, et non point par le libre arbitre l'homme n'en a point, il est esclave et captif de la volonté de 1 Pag. 212.

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2 Ibid. ·

3 Ibid.

Dieu ou de celle de Satan; en sorte qu'il n'a aucune liberté ni libre arbitre de se tourner d'un autre côté, ou de vouloir autre chose, tant que l'esprit ou la grâce de Dieu dure en l'homme et j'appelle nécessité, poursuit Luther, cité par le ministre, non pas la nécessité de contrainte, mais celle d'immutabilité; » et le reste toujours soutenu de la même force: ce qu'il achève de prouver par Calixte, luthérien, dont voici les propres termes cités par M. Jurieu1: » Tout le but du livre de Luther est de faire voir que toutes les actions des hommes, et tous les événements qui en dépendent, ne peuvent arriver autrement qu'ils arrivent, ni se faire avec contingence, ou par la volonté du libre arbitre de l'homme, mais par la pure et unique volonté, disposition et ordre de Dieu. » Ce n'est donc pas seulement le sentiment de Luther, que Dieu veut et fait tout le bien et tout le mal qui se trouve dans le monde, mais c'est là encore tout le but de son traité du Serf arbitre: et ce n'est pas seulement M. Jurieu ou les calvinistes qui objectent ces énormes excès à Luther; mais ce sont encore ses sectateurs mêmes et les luthériens les plus doctes et les plus célèbres, du nombre desquels est Calixte, dont les paroles citées par le ministre Jurieu, se trouvent en effet dans le livre de ce fameux luthérien, intitulé, Jugement sur les controverses, etc.

Et parce qu'on pourroit penser que Luther auroit dit ces choses comme douteuses, ou problématiques, continue M. Jurieu au contraire, dit ce ministre, il les pose comme des dogmes certains, qu'il n'est ni permis ni sûr de révoquer en doute; et pour le prouver, il allègue ces paroles, par où Luther conclut : « Ce que j'ai dit dans ce livre, je ne l'ai pas dit comme en disputant ou en conférant, mais je l'ai assuré et je l'assure, et je n'en laisse le jugement à personne; mais je conseille à tout le monde de s'y soumettre. » Ce qu'il veut qu'on reçoive avec une entière soumission, c'est que tout est nécessaire d'une absolue nécessité : « et souvenez-vous, poursuit-il, vous qui m'écoutez, que c'est moi qui l'ai enseigné; » en sorte qu'il ne paroît pas seulement que Luther a établi ces dogmes impies, mais encore qu'il les a établis avec toute la certitude qu'on peut jamais donner à un dogme, et comme un des fondements qu'il veut le plus inculquer à ses sectateurs.

Si j'avois à convaincre Luther devant Dieu et devant les hommes de ces horribles impiétés, je ne produirois autre chose que ce que produit ici M. Jurieu. Mais pour le convaincre lui-même d'avoir regardé tous ces discours de Luther, non-seulement comme durs, mais comme impies, et non-seulement comme contenant des expressions excessives, mais encore comme contenant des dogmes affreux:

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je n'ai encore qu'à produire ces paroles de ce ministre au luthérien Sculter. « Voilà, lui dit-il, toute cette suite de dogmes que vous appelez dans nos auteurs de grands monstres, des monstres affreux et horribles. Voilà tous nos dogmes, et beaucoup plus que nous n'en disons, et ce que nous serions bien fâchés de dire. » C'est donc de tous ces dogmes qu'on vient de voir, et dont il témoigne luimême tant d'horreur, qu'il a convaincu Luther; et afin de ne nous laisser aucun doute de ce qu'il déteste dans ce chef de la réforme, après avoir rapporté tous les dogmes qu'il en reçoit : « Nous embrassons, dit-il, de tout notre cœur tous ces dogmes de Luther; mais en voici qui lui sont propres que Dieu par sa volonté nous REND DAMNABLES NÉCESSAIREMENT; que c'est en vain qu'on excuse Dieu en accusant le libre arbitre; qu'il n'étoit point au pouvoir de Judas de n'être point traître; que Dieu damne les hommes par sa propre volonté; qu'il damne des innocents comme il couronne des indignes; qu'il ne peut y avoir de libre arbitre, ni dans l'homme, ni dans l'ange, ni dans aucune créature, et que tout ce qui se fait par nous, se fait non point par le libre arbitre, mais par une pure nécessité. Nous rejetons, poursuit-il, toutes ces choses, et nous les rejetons avec horreur, comme choses QUI DÉTRUISENT TOUTE reliGION, et qui ressentent le MANICHÉISME. Je le dis à regret, et malgré moi, favorisant autant que je le puis la mémoire de ce grand homme : » grand homme comme vous voyez, qui vomit des impiétés et des blasphèmes qu'on n'entendra peut-être pas dans l'enfer même. Mais voilà les grands hommes de la réforme, et voilà comme ils sont traités par ceux-là mêmes qui font profession de les révérer. Et parce qu'on pourroit penser en faveur de Luther, qu'il auroit du moins changé de sentiment; quoiqu'en avoir eu un seul moment de si damnables, et avoir commencé par de tels blasphèmes la réformation de l'Eglise, ce seroit toujours une preuve d'un homme livré à Satan; il ne laisse pas même aux luthériens cette misérable consolation: « Car, poursuit-il, on me dira qu'il s'est rétracté mais qu'on me montre où est cette rétractation. On ne voit, dit-il, sur le libre arbitre aucune rétractation. S'il a rétracté et condamné son livre du Libre arbitre, où est l'anathème qu'il lui a dit? comment l'a-t-il laissé parmi ses ouvrages? Il a parlé plus doucement dans la Visite Saxonique, en reconnoissant le libre arbitre dans les choses civiles et morales, et pour les œuvres extérieures de la loi; mais il ne nie nulle part ce qu'il avoit assuré dans son livre du Serf 'arbitre; et on peut aisément concilier ce qu'il a dit dans ces deux livres. » Il le concilie en effet, en remarquant que Luther pour1 Pag. 213. -2 Page 214. -3 Page 217,

roit avoir admis le libre arbitre, « en entendant sous ce mot, qu'on n'agit pas malgré soi, mais très-volontairement; ce qui, poursuit-il, n'empêcheroit pas qu'il ne fût toujours véritable, comme Luther l'avoit dit dans le livre du Serf arbitre, que Dieu par sa volonté rend les hommes nécessairement damnables, et que par sa pure volonté il damne des innocents. Luther, dit-il ', n'a point rétracté cela. » Il a raison on a quelque part adouci, quoique foiblement, les expressions: on a nommé le libre arbitre même dans la Confession d'Augsbourg, sans bien expliquer ce que c'étoit; mais on ne trouve en aucun endroit la condamnation d'un livre si abominable, ni aucune rétractation de tous ces excès. Il ne falloit pas attendre de Luther, que jamais il avouât, ou qu'il crût avoir failli; et il valoit mieux certainement laisser en leur entier tous les blasphèmes du livre du Serf arbitre, que de se rabaisser jusque-là. Ainsi le luthérien n'a point de réplique; et le bienheureux Luther (car c'est ainsi qu'on affecte de le nommer dans le parti) demeure convaincu, par notre ministre, non-seulement d'avoir commencé sa réforme, mais encore d'avoir persévéré jusqu'à la fin dans cette impiété.

Il est donc plus clair que le jour, que le ministre n'a pas seulement avoué, mais encore qu'il a prouvé invinciblement les impiétés de Luther; et s'il les nie maintenant, s'il tâche de révoquer son aveu, c'est qu'il a honte pour la réforme de la voir commencer par des blasphèmes, et de lui voir pour ses chefs des blasphémateurs et des impies et si, pour repousser ce juste et inévitable reproche, il s'emporte jusqu'à m'appeler au redoutable tribunal de Dieu, et à invoquer contre moi à témoin ce juste Juge; il ressemble manifestement à ces profanes qui se servent d'un si grand nom pour éblouir les simples, et donner de l'autorité au mensonge.

Ce n'a donc pas été une calomnie, mais une vérité, non-seulement avouée, mais encore démontrée par M. Jurieu, de dire que les réformateurs ont fait Dieu auteur du péché. Ce ministre passe déjà condamnation pour Luther et pour Mélanchton, c'est-à-dire, pour les premiers des réformateurs. Mais j'ai fait voir que Calvin et Bèze n'en avoient pas moins dit que les deux autres ; et qu'aussi M. Jurieu sans oser entreprendre de les justifier, n'en avoit pu dire autre chose sinon qu'ils étoient sobres en comparaison de Luther3: ce qui montre, non pas qu'il les croit innocents, mais qu'il les croit seulement moins coupables, c'est-à-dire, moins impies et moins grands blasphémateurs. Mais en cela il se trompe: car j'ai produit les passages de Calvin et de Bèze, où ils disent «< que Dieu fait toutes 2 Var., liv. XIV. n, 1, 2, 3, 4; Addit., n. 9. — 3 Jur. de Pac., p. 214. — 4 For..

1 Pag. 218.

ibid.

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