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ces esprits libertins. Leur vanterez-vous le quatrième et cinquième siècle, l'autorité de leurs conciles, et les lumières admirables de leurs docteurs? Mais c'est la source et le siége de l'idolâtrie antichrétienne. Irez-vous aux siècles précédents ? Mais tout y est plein d'erreurs et d'ignorance; et vos ministres leur y font trouver plus de partisans que de censeurs. Qu'y a-t-il donc d'entier dans le christianisme, et où le trouverons-nous dans sa pureté ?

Dans l'Ecriture, dites-vous? Voilà de quoi on vous flatte; mais vous ne considérez pas que pour l'honneur de l'Ecriture, il faut trouver quelqu'un qui l'ait entendue :or, si nous en croyons votre ministre, il n'y eut jamais de livre plus universellement mal entendu que cette Ecriture, ni de doctrine plus tôt oubliée que celle de Jésus-Christ, ni enfin de docteurs plus malheureux que les apôtres; puisqu'à peine avoient-ils les yeux fermés, que l'Eglise qu'ils avoient plantée fut toute défigurée par des erreurs capitales. Et par qui est arrivé ce malheur sur le travail des apôtres? Par leurs disciples, par leurs successeurs, par ceux qui remplirent leurs chaires incontinent après eux, par ceux qui versoient leur sang pour leur doctrine: tant ils avoient mal instruit leurs disciples; tant leur travail, qui devoit être si solide et si permanent, fut tôt dissipé.

Là vous aurez à essuyer la risée et les railleries des libertins. Où sont, diront-ils, les promesses de Jésus-Christ? où la fermeté de son Eglise? où la pureté tant vantée du christianisme? Les sociniens déclarés ne seront pas moins terribles: Pourquoi nous condamnezvous avec tant d'aigreur pour des dogmes qui nous sont communs avec les martyrs? Mais ceux qui pressent le plus M. Jurieu, sont ceux qu'il appelle les tolérants; c'est-à-dire des sociniens déguisés, mitigés, si vous le voulez, dont toute la religion, dit votre ministre1, est dans la tolérance des différentes hérésies. « Ces sortes de gens, poursuit-il, tirent avantage des variations des anciens, et ils disent : Il faut bien que les mystères de la Trinité et de l'incarnation ne soient pas couchés si clairement dans l'Ecriture, puisque les premiers Pères ont varié là-dessus. »

Assurément il n'y a rien de plus pressant que cet argument des tolérants. Car ces anciens, qu'on accuse d'avoir varié sur ces mystères, ne sont pas les simples et les ignorants; ce sont les docteurs et les évêques : ce ne sont pas quelques esprits contentieux qui obscureissoient exprès les Ecritures, ce sont les saints et les martyrs. Si donc on avoue aux sociniens, ou, si vous voulez, à ces tolérants, que ces mystères n'étoient pas connus dans les premiers siècles, il s'ensuit 1 Leu. vII. p. 53.

qu'ils n'étoient pas clairs dans l'Ecriture, et qu'il faut encore maintenant excuser ceux qui ne peuvent les y voir.

Que répond ici votre ministre? Ecoutez et étonnez-vous de la prodigieuse contradiction de sa doctrine. « Il faut répondre à cela, ditil', qu'il n'est pas vrai que les anciens Pères aient varié sur les parties essentielles de ces mystères. Car ils ont tous constamment reconnu qu'il n'y avoit qu'un Dieu, et un seule essence divine : dans cette seule essence trois personnes, et que la seconde de ces trois >personnes s'est incarnée et a pris chair humaine. » Voilà une réponse qui tranche: mais les tolérants lui feront bien voir qu'il ne la peut avancer sans se contredire. Vous nous assurez maintenant, diront-ils, que les anciens n'ont point varié dans les parties essentielles de ces mystères : mais vous nous disiez tout à l'heure qu'ils nioient l'éternité de la personne du Fils, et qu'ils croyoient que, pour en expliquer la génération, il falloit dire qu'il étoit arrivé du changement en Dieu; en sorte que son propre Fils ne lui étoit pas coéternel: par conséquent, ni l'éternité de sa personne, ni l'immutabilité de son éternelle génération, ne sont pas parties essentielles du mystère de la Trinité.

Cela est embarrassant pour votre ministre, et vous voyez bien qu'il n'en sortira jamais. Mais ces tolérants le poussent encore plus avant : Les anciens Pères, dites-vous, n'ont point varié là-dessus, c'est-à-dire sur le mystère de la Trinité et sur celui de l'incarnation : et c'est une preuve évidente que l'Ecriture est claire sur ces articles. Tout ce donc où ils ont varié n'étoit pas clair : or, selon vous, ils ont varié, non-seulement sur l'éternité de la personne du Verbe, et sur l'immutabilité de l'être divin, mais encore sur la providence particulière, sur la spiritualité et l'immensité de Dieu, sur la grâce, sur le libre arbitre, sur la satisfaction de Jésus-Christ, et sur tous les autres points qu'on a vus : donc l'Ecriture n'est pas claire sur tous ces points, et il faut tolérer ceux qui les rejettent.

Que sert ici à votre ministre la distinction de la foi et de la théologie? La foi des anciens, dit-il, n'a pas varié, mais seulement leur théologie. Ces importuns tolérants ne le laisseront pas en repos. Qu'appelez-vous leur théologie, que vous distinguez de leur foi? C'est, dit le ministre, l'explication qu'ils ont voulu faire des articles de la foi. Mais voyons encore, quelle explication? étoit-ce une explication qui laissât en son entier le fond des mystères, ou bien une explication qui le détruisit en termes formels ?

Ce n'étoit pas une explication qui laissât en son entier le fond du mystère, puisqu'on lui a démontré que, selon lui, c'étoient les

& Lett. vii. pag. 53.

choses les plus essentielles, que les anciens ignoroient; comme sont l'éternité du Fils de Dieu, la perfection de l'être divin, et les autres choses semblables. Ainsi leurs explications regardoient immédiatement le fond de la foi la distinction de théologie, dont on vous amuse, n'est qu'une illusion et un discours jeté en l'air pour tromper les simples.

Reconnoissez donc, mes chers Frères, que votre docteur, incertain de ce qu'il doit dire, hasarde tout ce qui lui vient dans la pensée, selon qu'il se sent pressé par les difficultés qu'on lui propose, et vous le donne pour bon, sans vous ménager. Dans son Système de l'Eglise1, il a eu besoin de dire qu'elle n'avoit jamais varié dans les articles fondamentaux: il l'a dit ; et s'il y a une vérité qui ne puisse être contestée, c'est celle-là: puisqu'il est de la dernière évidence que l'Eglise ne subsiste plus quand on en a renversé jusqu'aux fondements. D'ailleurs il n'a point trouvé de meilleur moyen pour distinguer les articles fondamentaux d'avec les autres, qu'en disant que les articles fondamentaux sont ceux qui ont toujours été reconnus: on n'a donc jamais varié sur ces articles. C'étoit ici une doctrine où il falloit absolument demeurer ferme, et selon ses principes particuliers, et selon la vérité même : mais l'Histoire des Variations a fait changer un principe si constant. Pour justifier les variations de la réforme il a fallu en trouver dans l'ancienne Eglise. Votre ministre avoit cru d'abord qu'il lui suffiroit d'en montrer dans la manière seulement d'expliquer les choses; mais dans la suite de la dispute, il a bien vu qu'il n'avançoit rien, s'il ne montroit des variations dans le fond même : il a donc fallu en attribuer aux premiers siècles, et dans les matières les plus essentielles. Les tolérants sont venus, qui lai ont prouvé, par ses principes, que ces matières n'étoient donc plus si essentielles, s'il étoit vrai que les premiers siècles les eussent ignorées ou rejetées. Alors il a fallu revenir à ses premières pensées,et répondre que les premiers siècles n'avoient point varié dans tous ces points. Ainsi dans la même lettre 'on trouve les trois premiers siècles accusés d'erreurs capitales sur la personne du Fils de Dieu, sur la foi de la providence, sur la satisfaction et la grâce de Jésus-Christ; et le reste que nous avons vu; et on y trouve en même temps, qu'on n'a jamais varié sur les parties essentielles de ces mystères 3. Le même homme dit ces deux choses dans la même lettre; et pour s'expliquer plus clairement, il commence par assurer que « la foi des simples n'a jamais varié sur la Trinité, sur l'incarnation, et sur les autres articles fondamentaux, comme sur la satisfaction que Jésus-Christ a offerte par sa mort pour nos péchés ; et enfin sur la Providence qui 1 Syst, de l'Egl., p. 256 et suiv.; 453 et suiv., etc. - Lett. vII. p. 49 et suiv.—3 Ibid., p. 56.

seule gouverne le monde, et dispense tous les événements particuliers. » Voilà donc déjà la foi des simples, c'est-à-dire, du gros des fidèles, en sûreté : mais de peur qu'on ne s'imagine que les docteurs ne fussent ceux dont la subtilité eût tout brouillé, il ajoute que «< cette foi des simples étoit en même temps la foi des docteurs. >> Voilà ce qu'on trouve en termes formels dans les mêmes lettres de votre ministre : c'est-à-dire qu'on y trouve en termes formels, dans une matière fondamentale, les deux propositions contradictoires; tant il est peu ferme dans le dogme, et tant il est manifestement de ceux dont parle saint Paul : qui n'entendent ni ce qu'ils disent euxmêmes, ni les choses dont ils parlent avec le plus d'assurance 1.

Il faudra enfin toutefois que ce ministre choisisse, puisqu'on ne peut pas soutenir ensemble les deux contradictoires. Mais, mes Frères, que choisira-t-il; puisqu'il est également pris, quoi qu'il choisisse? Dira-t-il que la foi de l'Eglise n'a jamais varié? Il fait pour moi, et il confirme ma proposition qu'il a trouvée si étrange, si prodigieuse, si pleine de témérité et d'ignorance, et plus digne enfin d'un païen que d'un chrétien. Prendra-t-il le parti de dire que l'Eglise des premiers siècles a varié dans ses dogmes? Ils ne seront donc plus fondamentaux, ni si certains que le prétend ce ministre même il sera forcé de recevoir ceux qui les nieront; et les tolérants, c'est-à-dire, comme on a vu, des sociniens déguisés, gagneront leur cause.

Peut-être que, pour couvrir ses contradictions et son erreur, il dira qu'à la vérité les Pères qu'il a cités ont enseigné ce qu'il avance: mais que c'étoit des particuliers qui n'entendoient pas les vrais sentiments de l'Eglise. Mais déjà, s'il est ainsi, ma proposition, tant condamnée par votre ministre, est en sûreté; puisqu'il demeure pour constant qu'on ne peut plus accuser la foi de l'Eglise, ni soutenir qu'elle ait varié : et d'ailleurs, ce n'est ici qu'une échappatoire; puisque le ministre n'a pas prétendu montrer de l'erreur dans la doctrine des particuliers, mais, par la doctrine des particuliers, en faire voir dans l'Eglise même, y faire voir, comme il dit, des erreurs capitales dans la théologie de ces siècles-là, une opinion régnante et constante, et le reste que nous avons vu 2: et quand il n'auroit voulu rapporter que des erreurs particulières, il ne laisseroit pas d'être convaincu de ne les avoir pas rejetées; puisque, pour les rejeter autant qu'il faut, il faut les rejeter jusqu'à dire qu'elles sont damnables. Or elles ne sont pas damnables, si elles se sont trouvées dans les martyrs, si l'Eglise les y a vues, et les y a tolérées : il faudra donc mettre au rang de ceux qu'on tolère, ceux qui nient que la génération et la personne du Fils de Dieu soient éternelles. La conséquence 1 1 Tim., 1. 7. — 2 Lett. vI. pag. 45; vII. p. 49; Ci-dessus, n. 15.

est si bonne, que votre ministre a été contraint de l'avouer; d'avouer, dis-je, que l'erreur où l'on nioit l'éternité de la personne du Fils de Dieu, n'étoit pas essentielle et fondamentale: ce qui donne aux défenseurs de cette impiété la même entrée qu'aux luthériens dans la communion de la vraie Eglise.

Mais enfin, direz-vous, venons au fond. Est-il vrai ou ne l'est-il pas, que les saints docteurs aient varié sur tous ces dogmes? Hélas! où en êtes-vous, si vous avez besoin qu'on vous prouve que les articles les plus essentiels, et même la Trinité et l'Incarnation ont toujours été reconnues par l'Eglise chrétienne? Il n'y a que les sociniens qui aient besoin d'être instruits sur ce sujet-là. Que si vous êtes ébranlés par l'autorité de M. Jurieu, qui vous dit si hardiment que ces importantes vérités n'étoient pas connues des anciens, vous devez en même temps vous souvenir que sa doctrine ne se soutient pas; et que ce qu'il assure si clairement dans un endroit, il ne le désavoue pas moins clairement en l'autre. Ce ministre n'est donc plus bon qu'à vous faire voir la confusion qui règne dans vos Eglises, où ce qu'il y a de plus important et de plus certain devient douteux.

Mais après tout, que vous dit-on pour vous prouver les variations qu'on attribue aux anciens? Pour vous faire croire, par exemple, que les anciens admettoient en Dieu du changement, on vous produit Athénagoras: mais cet auteur, dans le propre endroit qu'on vous allègue', répète trois et quatre fois que Dieu est non-seulement un être immense, éternel, incorporel, qui ne peut être entendu que par l'esprit et par la pensée; mais encore, ce qui est précisément ce qu'on nous conteste, indivisible, immuable: ou qu'on me montre ce que veut dire ce mot axons, si ce n'est inaltérable, immuable, imperturbable, incapable de rien recevoir de nouveau en lui-même, ni d'être jamais autre chose que ce qu'il a été une fois. Voilà, ce me semble, assez clairement l'immutabilité de l'Etre divin, et en passant son immense perfection, que votre ministre ne veut pas qu'on ait connue distinctement en ce temps-là. Il ne me seroit pas plus difficile de défendre les autres Pères d'une si grossière erreur; et si je parle d'Athénagoras à votre ministre, c'est à cause que c'est le premier qu'il a cité, et le premier de ces saints auteurs qui m'est tombé sous la main : mais à Dieu ne plaise, mes Frères, que j'aie à défendre la doctrine des premiers siècles contre vous, sur l'éternelle génération du Fils de Dieu..

Si votre ministre en doute, et qu'il ne veuille pas lire les doctes traités d'un Père Thomassin, qui explique si profondément les an

1 Athenag. Legat. pro Christ. Edit. Bened. inter Opera Just., n. 8. pag. 285. — ± Dọgm. theol. Thomass., tom. 111.

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