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jouveauté. Le synode même de Gap nous en découvre le secret. jous y lisons ces paroles dans le chapitre de la Discipline : « Sur ce que plusieurs sont inquiétés pour avoir nommé le pape Antechrist, la compagnie proteste que c'est la créance et confession commune de NOUS TOUS,» par malheur omise pourtant dans toutes les édijons précédentes; « et que c'est un fondement de notre séparation de l'Eglise romaine : fortement tiré de l'Ecriture, et scellé par le sang de tant de martyrs. » Malheureux martyrs, qui versent leur ang pour un dogme profondément oublié dans toutes les confes→ lons de foi! Mais il est vrai que depuis peu il est devenu le plus imortant de tous, et le sujet le plus essentiel de la rupture. Ecoutons ici un auteur, qui seul fait plus de bruit dans tout son arti que tous les autres ensemble; et à qui il s'emble qu'on ait emis la défense de la cause, puisqu'on ne voit plus que lui sur les angs. Voici ce qu'il dit dans ce fameux livre intitulé : L'accomplisement des prophéties. Il se plaint avant toutes choses « que cette controverse de l'Antechrist ait langui depuis un siècle. On l'a malheureusement abandonnée par politique, et pour obéir aux princes papistes. Si on avoit perpétuellement mis devant les yeux des réformés cette grande et importante vérité, que le papisme est l'antichristianisme; ils ne seroient pas tombés dans le relâchement où on les voit aujourd'hui. Mais il y avoit si longtemps qu'ils n'avoient ouï dire cela, qu'ils l'avoient oublié 1. » C'est donc ici un les fondements de la réforme et cependant, poursuit cet auteur, lest arrivé, par un aveuglement manifeste, « qu'on se soit uniquement attaché à des controverses qui ne sont que des ACCESSOIRES; et qu'on ait négligé celle-ci, que le papisme est l'empire antichrétien 2. » Plus il s'attache à cette matière, plus son imagiation s'échauffe. «< Selon moi, continue-t-il, c'est ici une vérité si capitale, que sans elle on ne sauroit être vrai chrétien. » Et ailleurs : Franchement, dit-il3, je regarde si fort cela comme un article de foi des vrais chrétiens, que je ne saurois tenir pour bons chrétiens ceux qui nient cette vérité, après que les événements et les travaux de tant de grands hommes l'ont mise dans une si grande évidence. » Voici un nouvel article fondamental, dont on ne s'étoit as encore avisé, et qu'au contraire on avoit malheureusement abanlonné dans la réforme : « car, ajoute-t-il *, cette controverse étoit si bien amortie, que nos adversaires la croyoient morte, et ils s'imaginoient que nous avions renoncé à cette prétention, ET A CE FONDEMENT de toute notre réforme. >>

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Avis, tom. 1. p. 48. — 2 Ibid., p. 48 et suiv. — 3 Acc. des Prop., 1 part. c. xvI. p. 292. —Avis, etc.; Ibid., p. 49, 50.

Il est vrai pour moi, que depuis que je suis au monde je n'ai jamais trouvé parmi nos prétendus réformés aucun homme de bon sens qui fit fort sur cet article: de bonne foi, ils avoient honte d'un si grand excès; et ils étoient plus en peine de nous excuser les emportements de leurs gens qui avoient introduit au monde ce prodige, que nous ne l'étions à le combattre. Les habiles protestants nous déchargeoient de ce soin. On sait ce qu'a écrit sur ce sujet le savant Grotius, et combien clairement il a démontré que le pape ne pouvoit être l'Antechrist 1. Si l'autorité de Grotius ne paroît pas assez considérable à nos réformés, parce qu'en effet ce savant homme en étudiant soigneusement les Ecritures, et en lisant les anciens auteurs ecclésiastiques, s'est désabusé peu à peu des erreurs où il étoit né; le docteur Hammond, ce savant anglois, n'étoit pas suspect dans le parti. Cependant il ne s'est pas moins attaché que Grotius à détruire les rêveries des protestants sur l'antichristianisme imputé au pape.

Ces auteurs, avec quelques autres, qu'il plaît à notre ministre d'appeler la honte et l'opprobre non-seulement de la réforme, mais encore du nom chrétien, étoient entre les mains de tout le monde, et recevoient des louanges non-seulement des catholiques, mais encore de tout ce qu'il y avoit de gens habiles et modérés parmi les protestants. M. Jurieu lui-même étoit ébranlé par leur autorité. C'est pourquoi, dans ses Préjugés légitimes, il nous donne tout ce qu'il dit de l'Antechrist comme une chose qui n'est pas unanimement reçue, comme une chose indécise, comme une peinture de laquelle les traits sont applicables à divers sujets; dont quelques-uns sont déjà venus, et d'autres peut-être sont à venir 3. Aussi l'usage qu'il en fait lui-même est d'en faire un préjugé contre le papisme, et non pas une démonstration. Mais cet article est redevenu à la mode : que dis-je? ce qui étoit indécis est devenu le fondement de toute la réformation. << Car certainement, dit notre auteur, je ne la crois bien fondée, >> cette réformation, qu'à cause de cela, que l'Eglise que nous avons » abandonnée est le véritable antichristianisme. » Qu'on ne se tourmente pas à chercher, comme on a fait jusqu'ici, les articles fondamentaux voici le fondement des fondements, sans lequel la réforme seroit insoutenable. Que deviendra-t-elle donc si cette doctrine que le papisme est le vrai antichristianisme, se détruit en l'exposant? La chose sera claire pour peu qu'on écoute:

Il faut seulement songer que tout le mystère consiste à faire bien voir ce qui constitue cet antichristianisme prétendu. Il en faut en

↑ Avis, p. 4; Acc., 1 part. c. xvI. p. 291. — 2 Avis, p. 4. — 3 Prėj, lég., 1. part. c. IV. p. 72, 73.4 Ibid., p. 50.

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suite marquer le commencement, la durée, et la fin la plus prompte qu'on pourra pour consoler ceux qui s'ennuient d'un si longue attente. On croit trouver dans l'Apocalypse une lumière certaine pour développer ce secret; et on suppose, en prenant les jours pour années, que les douze cent soixante jours destinés dans l'Apocalypse à la persécution de l'Antechrist, font douze cent soixante ans. Prenons tout cela pour vrai; car il ne s'agit pas de disputer, mais de rapporter historiquement la doctrine qu'on nous donne pour le fondement de la réforme.

D'abord on y est fort embarrassé de ces douze cent soixante ans de persécution. La persécution est fort lassante, et on voudroit bien trouver que ce temps finira bientôt : c'est ce que notre auteur témoigne ouvertement; car depuis les dernières affaires de France, « l'âme abimée, dit-il, dans la plus profonde douleur >> que j'aie jamais ressentie, j'ai voulu pour ma consolation trouver >> des fondements d'espérer une prompte délivrance pour l'Eglise.>> Occupé de ce dessein il va chercher « dans la source même des >> oracles sacrés, pour voir, dit-il, si le Saint-Esprit ne m'ap>> prendroit point, DE LA RUINE PROCHAINE de l'empire antichré>> tien, quelque chose de plus sûr et de plus précis que ce que les >> autres interprètes y avoient découvert. »

On trouve ordinairement bien ou mal tout ce qu'on veut dans des prophéties, c'est-à-dire, dans les lieux obscurs, et dans des énigmes, quand on y apporte de violentes préventions. L'auteur nous avoue les siennes : « Je veux, dit-il, avouer de bonne foi que j'ai abordé >> ces divins oracles plein de mes préjugés, et tout disposé à croire que >> nous étions près de la fin du règne et de l'empire de l'Antechrist. >> Comme il se confesse prévenu lui-même, il veut aussi qu'on le lise avec de favorables préventions: alors il ne croit pas qu'on puisse s'éloigner de ses pensées : tout passera aisément avec ce secours.

Le voilà donc bien convaincu, de son propre aveu, d'avoir apporté à la lecture des livres divins non pas un esprit dégagé de ses préjugés et par là prêt à recevoir toutes les impressions de la divine lumière; mais au contraire un esprit plein de ses préjugés, rebuté de persécutions, qui vouloit absolument en trouver la fin, et la ruine prochaine de cet empire incommode. Il trouve que tous les interprètes remettent l'affaire à longs jours. Joseph Mède, qu'il avoit choisi pour son conducteur, et qui avoit en effet si bien commencé à son gré, s'est égaré à la fin parce qu'au lieu qu'il espéroit sous un si bon guide voir finir la persécution dans vingtcinq ou trente ans; pour accomplir ce que Mède suppose, il fau1 Apoc., XI, XII, XIII. -2 Avis, p. 4. - 3 Ibid., 7, 8. — 4 Ibid., p. 8. - 5 Pag. 53.

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droit plusieurs siècles. « Nous voilà, dit-il, bien reculés, et >> bien éloignés de notre compte il nous faudra encore attendre >> plusieurs siècles. » Cela n'accommode pas un homme si pressé de voir une fin, et d'annoncer de meilleures nouvelles à ses frères. Mais enfin, malgré qu'il en ait il faut trouver douze cent soixante ans de persécution bien comptés. Pour en trouver bientôt la fin, il en faut placer de bonne heure le commencement. La plupart des calvinistes avoient commencé ce compte lorsqu'on avoit selon eux commencé à dire la messe, et à adorer l'eucharistie; car c'étoit là le dieu Maozím, que l'Antechrist devoit adorer, selon Daniel. Entre autres belles allégories, il y avoit un rapport confus entre Maozim et la messe. Crespin étale ce conte dans son Histoire des Martyrs'; et tout le parti est ravi de cette invention. Mais quoi! mettre l'adoration de l'eucharistie dans les premiers siècles, c'est trop tôt : dans le dixième ou dans l'onzième, sous Bérenger, cela se peut : la réforme ne se soucie guère de ces siècles-là : mais enfin, à commencer douze cent soixante ans entiers au dixième et onzième siècle, il y avoit encore six cent soixante ans au moins de mauvais temps à essuyer notre auteur en est rebuté; et son esprit lui serviroit de bien peu, s'il ne lui fournissoit quelque expédient plus favorable.

Jusqu'ici dans le parti on avoit respecté saint Grégoire. A la vérité on y trouvoit bien des messes, même pour les morts; bien des invocations de saints, bien des reliques, et, ce qui est bien fâcheux à la réforme, une grande persuasion de l'autorité de son siége. Mais enfin sa sainte doctrine et sa sainte vie imprimoient du respect. Luther et Calvin l'avoient appelé le dernier évêque de Rome : après ce n'étoit que papes et antechrists: mais pour lui, il n'y avoit pas moyen de le mettre dans ce rang. Notre auteur a été plus hardi; et dans ses Préjugés légitimes (car il commençoit dès lors à être inspiré pour l'interprétation de l'Apocalyse), après avoir souvent décidé, avec tous ses interprètes, que l'Antechrist commenceroit avec la ruine de l'empire romain, il déclare que cet empire a cessé quand Rome a cessé d'être la capitale des provinces, quand cet empire fut démembré en dix parties, ce qui arriva à la fin du cinquième siècle, et au commencement du sixième *. C'est ce qu'il répète quatre ou cinq fois, afin qu'on n'en doute pas, et enfin il conclut ainsi : << Il est donc certain qu'au commencement du sixième siècle les cor>> ruptions de l'Eglise étoient assez grandes, et l'orgueil de l'évêque » de Rome étoit déjà monté assez haut, pour que l'on puisse mar

1 4cc., a part. ch. xv. p. 60. – a Dan., II, 38.−3 Hist, des Mart., par Cresp., liv. L– 4 Préj. lég., 1 part. p. 82.

» quer DANS CET ENDROIT la première naissance de l'empire antichré» tien. » Et encore : « On peut bien compter pour la naissance de » l'empire antichrétien un temps dans lequel on voyoit déjà tous les > germes de la corruption et de la tyrannie future 1. » Et enfin : « Ce » démembrement de l'empire romain en dix parties arriva environ » l'an 500, un peu avant la fin du cinquième siècle, et dans le com>> mencement du sixième. » Il est donc clair que c'est de là qu'il faut commencer à compter les douze cent soixante ans assignés à la durée de l'empire du papisme.

Par malheur on ne trouve pas l'Eglise romaine assez corrompue dans ce temps-là pour en faire une Eglise antichrétienne; car les papes de ces temps-là ont été les plus zélés défenseurs du mystère de l'incarnation et de la rédemption du genre humain, et tout ensemble des plus saints que l'Eglise ait eus. Il ne faut qu'entendre l'éloge que donne Denys le Petit 3, un homme si savant et si pieux, au pape saint Gélase, qui étoit assis dans la chaire de saint Pierre depuis l'an 492 jusqu'à l'an 496. On y verra que toute la vie de ce saint pape étoit ou la lecture ou la prière: ses jeûnes, sa pauvreté, et dans la pauvreté de sa vie son immense charité envers les pauvres, sa doctrine enfin, et sa vigilance qui lui faisoit regarder le moindre relâchement dans un pasteur comme un grand péril des âmes, composoient en lui un évêque tel que saint Paul l'avoit décrit. Voilà le pape que ce savant homme a vu dans la chaire de saint Pierre vers la fin du cinquième siècle, où l'on veut que l'Antechrist ait pris naissance. Encore cent ans après, saint Grégoire le Grand étoit assis dans cette chaire; et toute l'Eglise en Orient comme en Occident étoit remplie de la bonne odeur de ses vertus, parmi lesquelles éclatoient son humilité et son zèle. Néanmoins il étoit assis dans le siége qui commençoit à devenir le siége d'orgueil, et celui de la bête *. Voilà de beaux commencements pour l'Antechrist. Si ces papes avoient voulu être un peu plus méchants, et défendre avec un peu moins de zèle le mystère de Jésus-Christ et celui de la piété, le système cadreroit mieux mais tout s'accommode; l'Antechrist ne faisoit encore que de naître, et dans ses commencements rien n'empêche qu'il ne fût saint, et très-zélé défenseur de Jésus-Christ et de son règne. Voilà ce que voyoit notre auteur au commencement de l'année 1685, et quand il composa ses Préjugés légitimes.

Lorsqu'il eut vu sur la fin de la même année la révocation de l'édit de Nantes, et toutes ses suites, ce grand événement lui fit changer ses prophéties, et avancer le temps de la destruction du règne de

1 Prėj. leg., 1 part. p. 83, 85. — 2 Ibid., 128.-3 Præf. coll, decret, cod. hist., t. 1. p. 183.4 Préj. lég., 1. part. p. 147.- 5 Ibid., 128.

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