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Si on demande comment ils pouvoient reconnoître Jean Hus, comme ils font partout, pour un docteur évangélique, pour un saint martyr, pour leur maître et pour l'apôtre des Bohémiens, et en même temps rejeter comme sacrilége la messe que leur apôtre avoit dite constamment jusqu'à la fin, la transsubstantiation et les autres dogmes qu'il avoit toujours retenus c'est qu'ils disoient que Jean Hus n'avoit fait que commencer le rétablissement de l'Evangile ; et ils vouloient croire qu'il auroit bien changé d'autres choses, si on lui en eût laissé le temps '. En attendant il ne laissoit pas d'être martyr et apôtre, encore qu'il persévérât dans des pratiques si damnables selon eux; et les frères en célébroient le martyre dans leurs églises le huitième juillet, comme nous l'apprenons de Rudiger 2.

Camérarius demeure d'accord de leur extrême ignorance, et fait ce qu'il peut pour l'excuser. Ce qui est de bien certain, c'est que Dieu ne fit pas des miracles pour les éclairer. Tant de siècles après que la question du baptême des hérétiques avoit été si bien éclaircie du commun consentement de toute l'Eglise, ils furent si ignorants qu'ils rebaptisèrent tous ceux qui venoient à eux des autres Eglises3. Ils persistèrent cent ans durant dans cette erreur, comme ils l'avouent dans tous leurs écrits; et ils reconnoissent dans la préface de 1558 qu'il n'y avoit que très-peu de temps qu'ils en étoient revenus. Il ne faut pas s'imaginer que ce fût une erreur médiocre, puisque c'étoit dire que le baptême étoit perdu dans toute l'Eglise, et ne restoit que parmi eux. C'est ce qu'osèrent penser deux ou trois mille hommes, plus ou moins, également révoltés et contre les calixtins parmi lesquels ils vivoient, et contre l'Eglise romaine dont ils s'étoient séparés les uns et les autres trente ou quarante ans auparavant. Une si petite parcelle d'une autre parcelle, détachée depuis si peu d'années de l'Eglise catholique, osoit rebaptiser tout le reste de l'univers, et réduire tout l'héritage de Jésus-Christ à un coin de la Bohême. Ils se croyoient donc les seuls chrétiens, puisqu'ils se croyoient les seuls baptisés; et quoi qu'ils aient pu dire pour se défendre de ce crime, leur rebaptisation les en convainquoit. Pour toute excuse, ils répondoient que s'ils rebaptisoient les catholiques, les catholiques aussi les rebaptisoient. Mais on sait assez que l'Eglise romaine n'a jamais rebaptisé ceux qui avoient été baptisés par qui que ce fût au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; et quand il y auroit eu dans la Bohême des catholiques assez ignorants pour ne savoir pas une chose si' triviale, ceux qui se disoient leurs réformateurs ne devoient-ils pas en

1 Apol. 1532. 1 part. ap. Lyd., t. 1. p. 116, 117, 118, etc. -2 Rudig. narr. post Cam, hist., p. 151.-3 Camer. hist. narr., p. 102.-4 Præf. Apol., 1538. apud Lyd., t. 11. p. 105 ; Ibid., Apol., part, 4. p. 274; Conf. fid., 1558. art. 12; Synt, Gen., p. 195; Ibid., p. 170.

savoir davantage? Après tout, comment ces nouveaux rebaptisateurs ne se firent-ils pas rebaptiser eux-mêmes? Si lorsqu'ils vinrent au monde le baptême avoit cessé dans toute la chrétienté, celui qu'ils avoient reçu ne valoit pas mieux que celui des autres; et en cassant le baptême de ceux qui les avoient baptisés, que pouvoit devenir le leur? Ils devoient donc aussitôt se faire rebaptiser, que de rebaptiser le reste de l'univers ; et il n'y avoit à cela qu'un inconvénient c'est que, selon leurs principes, il n'y avoit plus personne sur la terre qui leur pût rendre cet office, puisque le baptême de quelque côté qu'il pût venir, étoit également nul. Voilà ce que c'est d'être réformés de la façon d'un cordonnier, qui de leur aveu, dans une préface de leur Confession de foi, ne sut jamais un mot de latin, et qui n'étoit pas moins présomptueux qu'ignorant. Voilà les hommes qu'on admire parmi les protestants. S'agit-il de condamner l'Eglise romaine, ils ne cessent de lui reprocher l'ignorance de ses prètres et de ses moines. S'agit-il des ignorants de ces derniers siècles, qui ont prétendu réformer l'Eglise par le schisme: ce sont des pécheurs devenus apôtres; encore que leur ignorance demeure marquée éternellement dès le premier pas qu'ils ont fait. N'importe : si nous en croyons les luthériens dans la préface qu'ils mirent à la tête de l'Apologie des frères, en l'imprimant à Vitemberg du temps de Luther; si, dis-je, nous les en croyons, c'étoit dans cette ignorante société et dans cette poignée de gens que « l'Eglise de Dieu s'étoit >> conservée, lorsqu'on la croyoit tout à fait perdue. »

Cependant ces restes de l'Eglise, ces dépositaires de l'ancien christianisme, étoient eux-mêmes honteux de ne voir dans tout le monde aucune Eglise de leur croyance. Camérarius nous apprend qu'au commencement de leur séparation, il leur vint en la pensée de s'informer s'ils ne trouveroient point en quelque endroit de la terre, et principalement en Grèce ou en Arménie, ou quelque part en Orient, le christianisme que l'Occident avoit perdu tout à fait dans leur pensée. En ce temps, plusieurs prêtres grecs qui s'étoient sauvés, du sac de Constantinople, en Bohême, et que Roquesane y avoit reçus dans sa maison, eurent permission de célébrer les saints mystères selon leur rit. Les frères y virent leur condamnation, et la virent encore plus dans les entretiens qu'ils eurent avec ces prêtres. Mais quoique ces Grecs les eussent assurés qu'en vain ils iroient en Grèce y chercher des chrétiens à leur mode, et qu'ils n'en trouveroient jamais; ils nommèrent des députés, gens habiles et avisés, dont les uns coururent tout l'Orient, d'autres allèrent du côté du

1 Conf. fid., 1558; Synt. Gen., 2 part. p. 164. — 2 Joan. Ensleb, in orat, præfixa Apol, frat. sub hoc titulo: OEconomia, etc., ap. Lyd., t. 1. p. 95.3 De Eccl. frat., p. 91.

rd, dans la Moscovie; et d'autres prirent leur route vers la Palese et l'Egypte; d'où s'étant rejoints à Constantinople, selon le proqu'ils en avoient fait, ils revinrent enfin en Bohême, dire à leurs res, pour toute réponse, qu'ils se pouvoient assurer d'être les is de leur croyance dans toute la terre.

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eur solitude, dénuée de la succession et de toute ordination léme, leur fit tant d'horreur, qu'encore du temps de Luther ils oyoient de leurs gens qui se couloient furtivement dans les ordijons de l'Eglise romaine un traité de Luther, que nous avons ailleurs, nous l'apprend. Pauvre Eglise, qui, destituée du prinBe de fécondité que Jésus-Christ a laissé à ses apôtres et dans dre apostolique, étoit contrainte de se mêler parmi nous pour y ir mendier ou plutôt dérober les ordres!

u reste, Luther leur reprochoit qu'ils ne voyoient goutte, non s que Jean Hus, dans la justification, qui étoit le point principal l'Evangile car «< ils la mettoient, poursuit-il 1, dans la foi et dans s œuvres ensemble, ainsi qu'ont fait plusieurs Pères; et Jean Hus loit plongé dans cette opinion. » Il a raison: car ni les Pères, ni Hus, ni Viclef son maître, ni les orthodoxes, ni les hérétiques, es albigeois, ni les vaudois, ni aucun autre, n'avoient songé nt lui à la justice imputative. C'est pourquoi il méprisoit les frères Bohême, «< comme des gens sérieux, rigides, d'un regard faJuche, qui se martyrisoient avec la loi et les œuvres, et qui n'apient

pas la conscience joyeuse 2. » C'est ainsi que Luther traitoit plus réguliers, à l'extérieur, de tous les réformateurs schismales, et les seuls restes de la vraie Eglise, à ce qu'on disoit. Il fut ntôt satisfait les frères outrèrent la justification luthérienne, qu'à donner aveuglément dans les excès des calvinistes, et même is ceux dont les calvinistes d'aujourd'hui tâchent de se défendre. luthériens vouloient que nous fussions justifiés sans y coopérer, ans y avoir part. Les frères ajoutèrent que c'étoit même « sans savoir et sans le sentir, comme un embryon est vivifié dans le entre de sa mère 3. » Après qu'on étoit régénéré, Dieu commentà se faire sentir et si Luther vouloit qu'on connût avec certile sa justification, les frères vouloient encore qu'on fût entièrement ndubitablement assuré de sa persévérance et de son salut. Ils pousent l'imputation de la justice jusqu'à dire que les péchés, quelque rmes qu'ils fussent, étoient véniels, pourvu qu'on les commît avec ugnance; et que c'étoit de ces péchés que saint Paul disoit, qu'il avoit point de damnation pour ceux qui étoient en Jésus-Christ". Luth. coll., p. 286. edit. Franc., an. 1676. 2 Ibid. -3 Apol., part. iv. ap. Lyd., tom. 11. 44, 248. — 4 Įbid., 2 part. p. 172, 173; 4 part. p. 282; Ib., part. 2. p. 168.5 Rom., VIII. 1.

Les frères avoient comme nous sept sacrements dans la Confes sion de 1504, présentée au roi Ladislas. Ils les prouvoient par les Ecritures, et ils les reconnoissoient établis pour l'accomplissement des promesses que Dieu avoit faites aux fidèles 1.

Il falloit qu'ils conservassent encore cette doctrine des sept sacrements du temps de Luther, puisqu'il le trouva mauvais. La Confession de foi fut réformée, et les sacrements réduits à deux, le baptême et la cène, comme Luther l'avoit prescrit. L'absolution fut reconnue, mais hors du rang des sacrements. En 1504, ou parloit de la confession des péchés comme d'une chose d'obligation. Cette obligation ne paroît plus si précise dans la Confession réformée, et on y dit seulement qu'il faut « demander au prêtre l'absolution de » ses péchés par les clefs de l'Eglise, et en obtenir la rémission par » ce ministère établi de Jésus-Christ pour cette fin 3. >>

Pour la présence réelle, les défenseurs du sens littéral et les défenseurs du sens figuré ont également tâché de tirer à leur avantage les Confessions de foi des Bohémiens. Pour moi, à qui la chose est indifférente, je rapporterai seulement leurs paroles; et voici d'abord ce qu'ils écrivirent à Roquesane, comme ils le rapportent eux-mêmes dans leur Apologie: « Nous croyons qu'on reçoit le corps et le sang >> de Notre-Seigneur sous les espèces du pain et du vin : » et un peu après : « Nous ne sommes pas de ceux qui entendent mal les paroles » de Notre-Seigneur, disent qu'il a donné le pain consacré en mé>> moire de son corps, qu'il montroit avec le doigt, en disant: Ceri » est mon corps. D'autres disent que ce pain est le corps de Notre>> Seigneur qui est dans le ciel, mais en signification. Toutes ces ex>>plications nous paroissent éloignées de l'intention de Jésus-Christ, >> et nous déplaisent beaucoup. »

Dans leur Confession de foi de 1504, ils parlent ainsi : Toutes les fois << qu'un digne prêtre avec un peuple fidèle prononce ces paroles: » Ceci est mon corps, ceci est mon sang, le pain présent est le corps » de Jésus-Christ qui a été offert pour nous à la mort, et le vin est le >> sang répandu pour nous; et ce corps et ce sang sont présents sous >> les espèces du pain et du vin en mémoire de sa mort. » Et pour montrer la fermeté de leur foi, ils ajoutent qu'ils en croiroient autant d'une pierre, si Jésus-Christ avoit dit que ce fût son corps'.

On voit ici le même langage dont se servent les catholiques : on voit le corps et le sang sous les espèces incontinent après les paroles;

1 Conf. fid. ap. Lyd., t. 11. p. 8 et seq. citat. in Apol., 1531. ap. eumd. Lyd., 296. t. 1; he Germ., liv. de l'ador., p. 229, 230. - Ibid., art. 11, 12, 13.—3 Ibid., art. 5, 14; Prof. pd. Lad. cap. de pænit. laps. ap. Lyd., t. 11. p. 15.-4 Apol., 1532. 4 part. ap. Lyd., 295. — profe fid. ad Lad. cap. de Euch. ap. Lyd., t. 11. p. 10. citat. Apol., 4 part. Ibid., 296. — 6 Prof. fu ad Lad. cap. de Euch. ap. Lyd., t. 1. p. 12.

et on les y voit non point en figure, mais en vérité. Ce qu'ils ont de particulier, c'est qu'ils veulent que ces paroles soient prononcées par un digne prêtre. Voilà ce qu'ils ajoutoient à la doctrine catholique. Pour accomplir l'œuvre de Dieu dans le pain de l'eucharistie, la parole de Jésus-Christ ne suffisoit pas, et le mérite du ministre étoit nécessaire: c'est ce qu'ils avoient appris de Jean Viclef et de Jean Hus.

Ils répètent la même chose dans un autre endroit : « Lors, disent>> ils, qu'un digne prêtre prie avec son peuple fidèle, et dit : Ceci » est mon corps, ceci est mon sang; aussitôt le pain présent est le >> même corps qui a été livré à la mort, et le vin présent est son sang, >> qui a été répandu pour notre rédemption. » On voit donc qu'ils ne changent rien sur la présence réelle dans la doctrine catholique : au contraire, ils semblent choisir les termes les plus forts pour l'établir, en disant << qu'incontinent après les paroles le pain est le vrai corps de >> Jésus-Christ, le même qui est né de la Vierge et qui devoit être li» vré à la croix ; et le vin son vrai sang naturel, le même qui devoit >> être répandu pour nos péchés et tout cela sans délai, et au mo>>ment même, et d'une présence très - réelle et très - véritable, » præsentissimè, comme ils parlent. Et le sens figuratif leur parut, disent-ils, si odieux, dans un de leurs synodes, qu'un des leurs, nommé Jean Czizco, qui avoit osé le soutenir, fut chassé de leur communion*. Ils ajoutent qu'ils ont publié divers écrits contre cette présence en signe, et que ceux qui la défendent les tiennent pour leurs adversaires; qu'ils les appellent des papistes, des antechrists et des idolâtress.

C'est encore une autre preuve de leur sentiment de dire que Jésus-Christ est présent dans le pain et dans le vin par son corps et par son sang: autrement, continuent-ils, » ni ceux qui sont dignes ne >> recevroient que du pain et du vin, ni ceux qui sont indignes ne se>> roient coupables du corps et du sang, ne pouvant être coupables » de ce qui n'y est pas. » D'où il s'ensuit qu'ils y sont, non- seulement pour les dignes, mais encore pour les indignes.

Il est vrai qu'ils ne veulent pas qu'on adore Jésus-Christ dans l'eucharistie pour deux raisons : l'une, qu'il ne l'a pas commandé; l'autre, qu'il y a deux présences de Jésus-Christ la personnelle, la corporelle et la sensible, laquelle seule doit attirer nos adorations; et la spirituelle ou sacramentelle, qui ne les doit pas attirer 7. Mais encore qu'ils parlent ainsi, ils ne laissent pas de reconnoître la substance du

▲ Apol. ad Lad., ibid., 42. — 2 Prof. fid. ad Ladisl., ibid., p. 27; Apol. 66, etc. — 3 Ibid., Apol. 132. 1 part. 290.— 4 Ibid., p. 298. — 5 Ibid., p. 291, 299.—6 lb., 309. —7 Apol. ad Lad., p. 67. et alibi passim.

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