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qu'ils eussent présentée au roi pour avoir la liberté de conscience; et celui qui conduisoit tout fut La Renaudie, un faussaire, et condamné comme tel à de rigoureuses peines par l'arrêt d'un parlement où il plaidoit un bénéfice; qui ensuite réfugié à Genève, hérétique par dépit, «< brûlant du désir de se venger, et de couvrir l'infamie de >> sa condamnation par quelque action hardie 1, » entreprit de soulever autant qu'il pourroit trouver de mécontents; et à la fin retiré à Paris, chez un avocat huguenot, ordonnoit tout de concert avec Antoine Chandieu, ministre de Paris, qui depuis se fit nommer Sadaël. Il est vrai que l'avocat huguenot chez qui il logeoit, et Lignères autre huguenot, eurent horreur d'un crime si atroce, et découvrirent l'entreprise 2: mais cela n'excuse pas la réforme, et ne fait que nous montrer qu'il y avoit des particuliers dans la secte dont la conscience étoit meilleure que celle des théologiens et des ministres, et que celle de Bèze même et de tout le gros du parti, qui se jela dans la conspiration par toutes les provinces du royaume. Aussi avonsnous vu que le même Bèze accuse de déloyauté ces deux fidèles sujets qui seuls dans tout le parti eurent horreur du complot, et le découvrirent: de sorte que, de l'avis des ministres, ceux qui entrèrent dans ce noir dessein sont les gens de bien, et ceux qui le découvrirent sont des perfides.

Il ne sert de rien de dire que La Renaudie et tous les conjurés protestèrent qu'ils ne vouloient rien attenter contre le roi, ni contre la reine, ni contre la famille royale: car s'ensuit-il qu'on soit innocent pour n'avoir pas formé le dessein d'un si exécrable parricide? N'étoitce rien dans un état que d'y révoquer en doute la majorité du roi, et d'éluder les lois anciennes qui la mettoient à quatorze ans du commun consentement de tous les ordres du royaume ? d'entreprendre sur ce prétexte de lui donner un conseil tel qu'on voudroit? d'entrer dans son palais à main armée? de l'assaillir, et de le forcer? d'enlever dans cet asile sacré, et entre les mains du roi, le duc de Guise et le cardinal de Lorraine, à cause que le roi se servoit de leurs conseils? d'exposer toute la cour et la propre personne du roi à toutes les violences et à tout le carnage qu'une attaque si tumultuaire et l'obscurité de la nuit pouvoit produire? enfin de prendre les armes par tout le royaume, avec résolution de ne les poser qu'après qu'on auroit forcé le roi à faire tout ce qu'on voudroit ? Quand il ne faudroit ici regarder que l'injure particulière qu'on faisoit aux Guises, quel droit avoit le prince de Condé de disposer de ces princes; de les livrer

1 Thuan., 1569. tom. 1. liv. xxiv. p. 733, 738. — Bèze, Thuan., La Poplin., ibid. —3 Cîdessus, p. 346.—4 Ordonnance de Charles V. 1373-74 et les suiv.-5 Voyez La Poplin., I. VL pag. 155 et suiv,

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entre les mains de leurs ennemis, qui, de l'aveu de Bèze 1, faisoient une grande partie des conjurés; et d'employer le fer contre eux, comme parle M. de Thou, s'ils ne consentoient pas volontairement à se retirer des affaires ? Quoi ! sous prétexte d'une commission particulière, donnée, comme le dit Bèze 3, « à des hommes d'une pru» d'hommie bien approuvée, (tel qu'étoit un La Renaudie), de s'en» quérir secrètement, et toutefois bien et exactement, des charges > imposées à ceux de Guise,» un prince du sang, de son autorité particulière, les tiendra pour bien convaincus, et les mettra au pouvoir de ceux qu'il saura être «< aiguillonnés d'appétit de vengeance » pour les outrages reçus d'eux, tant en leurs personnes que de leurs » parents et alliés! » car c'est ainsi que parle Bèze. Que devient la société, si de tels attentats sont permis? Mais que devient la royauté, si on ose les exécuter à main armée dans le propre palais du roi, arracher ses ministres d'entre ses bras, le mettre en tutelle, mettre sapersonne sacrée dans le pouvoir des séditieux, qui se seroient emparés de son château, et soutenir un tel attentat par une guerre entreprise dans tout le royaume? Voilà le fruit des conseils des plus doctes théologiens réformés, et des jurisconsultes du plus grand renom. Voilà ce que Bèze approuve, et ce que défendent encore aujourd'hui les protestants *.

On nous allègue Calvin, qui, après que l'entreprise eut manqué, a écrit deux lettres, où il témoigne qu'il ne l'avoit jamais approuvée . Mais lorsqu'on est averti d'un complot de cette nature, en est-on quitte pour le blâmer sans se mettre autrement en peine d'empêcher le progrès d'un crime si noir? Si Bèze eût cru que Calvin eût autant détesté cette entreprise qu'elle méritoit de l'être, l'auroit-il approuvée lui-même, et nous auroit-il vanté l'approbation des plus doctes théologiens du parti? Qui ne voit donc que Calvin agit ici trop mollement, et ne se mit guère en peine qu'on hasardât la conjuration, pourvu qu'il pût s'en disculper, en cas que le succès en fût mauvais ? Si nous en croyons Brantôme, l'amiral étoit bien dans une meilleure disposition: et les écrivains protestants nous vantent ce qu'il a écrit dans la Vie de ce seigneur, qu'on n'osa jamais lui parler de cette entreprise, « parce qu'on le tenoit pour un seigneur de probité, homme de » bien, aimant l'honneur; et pour ce eût bien renvoyé les conjura» teurs rabroués, et révélé le tout, voire aidé à leur courir sus 7. » Mais cependant la chose fut faite; et les historiens du parti racontent avec complaisance ce qu'on ne devroit regarder qu'avec horreur.

4 Burn., liv. III. p. 616.- 5 Crit.,

1 Bèze, 250.-2 Thuan., 732, 738.3 Bèze, ibid. de Maimb., tom. 1. lett. xv. n. 6. p. 263; Calv. Ep., p. 312, 313. Brant,, Vie de l'amiral de Châtillon.

6 Crit., ibid., lett. 11. n. 2. —

Il n'est pas ici question d'éluder un fait constant, en discourant sur l'incertitude des histoires et sur les partialités des historiens 1. Ces lieux communs ne sont bons que pour éblouir *. Quand nos réformés douteroient de M. de Thou qu'ils ont imprimé à Genève, et dont un historien protestant vient d'écrire encore, que la foi ne leur fut jamais suspecte2; ils n'ont qu'à lire La Poplinière un des leurs, et Bèze un de leurs chefs, pour trouver leur parti convaincu d'un attentat, que l'amiral, tout protestant qu'il étoit, trouva si indigne d'un homme d'honneur.

Mais cependant ce grand homme d'honneur qui eut tant d'horreur de l'entreprise d'Amboise, ou parce qu'elle étoit manquée, ou parce que les mesures en étoient mal prises, ou parce qu'il trouva mieux ses avantages dans la guerre ouverte, ne laissa pas deux ans après de se mettre à la tète des calvinistes rebelles. Alors tout le párti se déclara. Calvin ne résista plus à cette fois; et la rébellion fut le crime de tous ses disciples. Ceux que leurs histoires célèbrent comme les plus modérés disoient seulement qu'il ne falloit point commencer. Au reste, on se disoit les uns aux autres, que se laisser égorger comme des moutons sans se défendre, ce n'étoit pas le métier de gens de cœur. Mais quand on veut être gens de cœur de cette sorte, il faut renoncer à la qualité de réformateurs, et encore plus à celle de confesseurs de la foi et de martyrs: car ce n'est pas en vain que saint Paul a dit après David : On nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie ; et Jésus-Christ lui-même : Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Nous avons en main des lettres de Calvin, tirées de bon lieu, où dans les commencements des troubles de France il croit avoir assez fait d'écrire au baron des Adrets contre les pillages et les violences, contre les briseimages, et contre la déprédation des reliquaires et des trésors des églises sans l'autorité publique. Se contenter, comme il fait, de dire à des soldats ainsi enrôlés: Ne faites point de violence, et contentezvous de votre paye, sans rien dire davantage; c'est parler de cette milice comme on fait d'une milice légitime, et c'est ainsi que saint Jean-Baptiste a décidé en faveur de ceux qui portoient les armes sous F'autorité de leurs princes. La doctrine qui permettoit de les prendre pour la cause de la religion fut depuis autorisée, non plus seulement

A Critiq., ibid., n. 1. 4.

* L'auteur de la Critique de l'Histoire du Calvinisme du P. Maimbourg, que Bossuet a ici en vue, étoit le fameux Bayle, sophiste adroit, qui, par son artificieuse dialectique, s'efforçoit d'obscurcir les raisonnements les plus clairs, et de mettre en doute les faits les plus certains. (Edit. de Versailles.)

2 Burn., tom. 1. Préf. — 3 La Poplin., Ilv. vırı ; Bèze, tom. 11. liv. v1. p. 5. — 4 Rom., VIIL 36.5 Matth., x. 16.6 Luc., III. 14.

par tous les ministres en particulier, mais encore en commun dans les synodes; et il en fallut venir à cette décision pour engager à la guerre ceux des protestants qui, ébranlés par l'ancienne foi des chré→ tiens, et par la soumission tant de fois promise au commencement de la nouvelle réforme, ne croyoient pas qu'un chrétien dût soutenir la liberté de conscience autrement qu'en souffrant, selon l'Evangile, en toute patience et humilité. Le brave et sage La Noue, qui d'abord étoit dans ce sentiment, fut entraîné dans un sentiment et dans une pratique contraire par l'autorité des ministres et des synodes. L'Eglise alors fut infaillible, et on céda aveuglément à son autorité contre sa propre conscience.

Au reste, les décisions expresses sur cette matière furent faites pour la plupart dans les synodes provinciaux : mais pour n'avoir pas besoin de les y aller chercher, il nous suffira de remarquer que ces décisions furent prévenues par le synode national de Lyon en 1563, art. XXXVIII des faits particuliers où il est porté : « Qu'un ministre de >> Limosin, qui autrement s'étoit bien porté, par menace des enne>> mis a écrit à la reine-mère, qu'il n'avoit jamais consenti au port » des armes, jaçoit qu'il y ait consenti et contribué. Item, qu'il pro» mettoit de ne point prêcher jusqu'à ce que le roi lui permettoit. >> Depuis, connoissant sa faute, il en a fait confession publique de>>vant tout le peuple, et un jour de cène, en la présence de tous les >> ministres du pays et de tous les fidèles. On demande s'il peut ren> trer dans sa charge. On est d'avis que cela suffit; toutefois il écrira » à celui qui l'a fait tenter, pour lui faire reconnoître sa pénitence, » et le priera-t-on qu'on le fasse ainsi entendre à la reine : et là où il > adviendroit que le scandale en demeurât à son église, sera en la » prudence du synode de Limosin de le changer de lieu. >>

C'est un acte si chrétien et si héroïque dans la nouvelle réforme de faire la guerre à son souverain pour la religion, qu'on fait un crime à un ministre de s'en être repenti, et d'en avoir demandé pardon à la reine. Il faut faire réparation devant tout le peuple dans l'action la plus célèbre de la religion, c'est-à-dire, dans la cène, des excuses respectueuses qu'on en a faites à la reine, et pousser l'insolence jusqu'à lui déclarer à elle-même qu'on désavoue ce respect, afin qu'elle sache que dorénavant on ne veut garder aucunes mesures : encore ne sait-on pas, après cette réparation et ce désaveu, si on a ôté le Scandale que cette soumission avoit causé parmi le peuple réformé. Ainsi on ne peut nier que l'obéissance n'y fût scandaleuse : un synode national le décide ainsi. Mais voici, dans l'article XLVIII, une autre décision qui ne paroîtra pas moins étrange : « Un abbé, venu à » la connoissance de l'Evangile, a brûlé ses titres, et n'a pas permis

>> depuis six ans qu'on ait chanté messe en l'abbaye. » Quelle réforme! Mais voici le comble de la louange : « Ainsi s'est toujours porté » FIDÈLEMENT, ET A PORTÉ LES ARMES POUR MAINTENIR L'EVANGILE. » C'est un saint abbé, qui très-éloigné du papisme, et tout ensemble de la discipline de saint Bernard et de saint Benoît, n'a souffert dans son abbaye ni messe ni vêpres, quoi qu'aient pu ordonner les fondateurs; et qui de plus, peu content de ces armes spirituelles tant célébrées par saint Paul, mais trop foibles pour son courage, a généreusement porté les armes et tiré l'épée contre son prince pour la défense du nouvel évangile. Il doit être reçu à la cène, conclut tout le synode national; et ce mystère de paix est la récompense de la guerre qu'il a faite à sa patrie.

Cette tradition du parti s'est conservée dans les temps suivants; et le synode d'Alais, en 1620, remercie M. de Châtillon qui lui avoit écrit avec protestation de vouloir employer, à l'exemple de ses prédécesseurs, tout ce qui étoit en lui pour l'avancement du règne de Christ. C'étoit le style. La conjoncture des temps, et les affaires d'Alais, expliquent l'intention de ce seigneur; et on sait ce qu'entendoient par le règne de Christ l'amiral de Châtillon et de Dandelot ses prédéces

seurs.

Les ministres qui enseignoient cette doctrine crurent imposer au monde, en établissant dans leurs troupes cette belle discipline tant louée par M. de Thou. Elle dura bien environ trois mois : au surplus, les soldats bientôt emportés aux derniers excès, s'en crurent assez excusés, pourvu qu'ils sussent crier Vive l'Evangile; et le baron des Adrets connoissoit bien le génie de cette milice, lorsqu'au rapport d'un historien huguenot', sur le reproche qu'on lui faisoit, que l'ayant quittée on ne lui voyoit plus rien entreprendre qui fût digne de ses premiers exploits, il s'en excusoit en disant, qu'en ce temps il n'y avoit rien qu'il ne pût oser avec des troupes soudoyées de vengeance, de passion et d'honneur, à qui même il avoit ôté tout l'espoir du pardon par les cruautés où il les avoit engagées. Si nous en croyons les ministres, nos réformés sont encore dans les mêmes dispositions; et celui de tous qui écrit le plus, l'auteur des nouveaux systèmes, et l'interprète des prophéties, vient encore d'imprimer que <«< la fureur où sont aujourd'hui ceux à qui on fait violence, et la » RAGE qu'ils ont d'être forcés, fortifie l'amour et l'attache qu'ils » avoient pour la vérité 2. » Voilà, selon les ministres, l'esprit qui anime ces nouveaux martyrs.

Il ne sert de rien à nos réformés de s'excuser des guerres civiles

1 D'Aub., tom. 1. liv. 1. ch. 9. pag. 155, 156. — 2 Jurieu, Accompliss. des proph. Avis à tous les Chrét., à la tête de cet ouvrage, vers le milieu.

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