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d'approuver purement et simplement la Confession d'Augsbourg quand il s'agissoit de l'Allemagne; ou par un certain respect pour Luther, auteur de toute la réformation prétendue; ou parce qu'en Allemagne la seule Confession d'Augsbourg avoit été tolérée par les états de l'Empire et hors de l'Empire même elle avoit une si grande autorité, que Calvin et les calvinistes n'osoient dire qu'ils s'en éloignoient qu'avec beaucoup d'égards et de précautions; puisque, même dans l'exception qu'ils faisoient souvent du seul article de la cène, ils se sauvoient plutôt par les éditions diverses et les divers sens de cet article, qu'ils ne le rejetoient absolument 1.

En effet, Calvin, qui traite si mal la Confession d'Augsbourg quand il parle confidemment avec les siens, garde un respect apparent pour elle partout ailleurs, même à l'égard de l'article de la cène, en disant qu'il le reçoit en l'expliquant sainement, et comme Mélanchton, auteur de la Confession, l'entendoit lui-même. Mais il n'y a rien de plus vain- que cette défaite; parce qu'encore que Mélanchton tint la plume lorsqu'on dressa cette Confession de foi, il y exposoit, non pas sa doctrine particulière, mais celle de Luther et de tout le parti, dont il étoit l'interprète et comme le secrétaire, ainsi qu'il le déclare souvent.

Et quand, dans un acte public, on pourroit s'en rapporter tout à fait au sentiment particulier de celui qui l'a rédigé, il faudroit toujours regarder, non pas ce que Mélanchton a pensé depuis, mais ce que Mélanchton pensoit alors avec tous ceux de sa secte; n'y ayant aucun sujet de douter qu'il n'ait tâché d'expliquer naturellement ce qu'ils croyoient tous; d'autant plus que nous avons vu qu'en ce temps il rejetoit le sens figuré d'aussi bonne foi que Luther; et qu'encore que, dans la suite, il ait biaisé en plusieurs manières, jamais il ne l'a ouvertement approuvé.

Il n'y a donc point de bonne foi à se rapporter au sens de Mélanchton dans cette matière ; et on voit bien que Calvin, quoiqu'il se e; vante partout de dire ses sentiments sans aucune dissimulation, a voulu flatter les luthériens.

Au reste, cette flatterie parut si grossière, qu'à la fin on en eut honte dans le parti ; et c'est pourquoi on y résolut dans les actes que nous avons vus, et notamment au colloque de Poissy, d'excepter l'article de la cène ; mais celui-là seul, sans se mettre en peine, en approuvant les autres, de l'atteinte que donnoit cette approbation à la propre Confession de foi qu'on venoit de présenter à Charles IX.

1 Ep., pag. 319. 2 Def. ult. Adm. ad Vest. — 2 Ibid.

LIVRE X.

Depuis 1558 jusqu'à 1570.

SOMMAIRE.

Réformation de la reine Elisabeth. Celle d'Edouard corrigée; et la présence réelle, qu'on avoit condamnée sous ce prince, tenue pour indifférente. L'Eglise anglicane persiste encore dans ce sentiment. Autres variations de cette Eglise sous Elisabeth. La primauté ecclésiastique de la reine, adoucie en apparence, en effet laissée la même que sous Henri et sous Edouard malgré les scrupules de cette princesse. La politique l'emporte partout dans cette réformation. La foi, les sacrements, et toute la puissance ecclésiastique est mise entre les mains des rois et des parlements. La même chose se fait en Ecosse. Les calvinistes de France improuvent cette doctrine, et s'y accommodent néanmoins. Doctrine de l'Angleterre sur la Justification. La reine Elisabeth favorise les protestants de France. Ils se soulèvent aussitôt qu'ils se sentent de la force. La conjuration d'Amboise sous François II. Les guerres civiles sous Charles IX. Que cette conjuration et ces guerres sont affaires de religion, entreprises par l'autorité des docteurs et des ministres du parti, et fondées sur la nouvelle doctrine qu'on peut faire la guerre à son prince pour la religion. Cette doctrine expressément autorisée par les synodes nationaux. Illusion des écrivains protestants, et entre autres de M. Burnet, qui veulent que le tumulte d'Amboise et les guerres civiles soient affaires politiques. Que la religion a été mêlve dans le meurtre de François, duc de Guise. Aveu de Bèze et de l'amiral. Nouvelle Confession de foi en Suisse.

L'Angleterre, bientôt revenue après la mort de Marie à la réformation d'Edouard VI, songeoit à fixer sa foi, et à y donner la dernière forme par l'autorité de sa nouvelle reine. Elisabeth, fille de Henri VIII et d'Anne de Boulen, étoit montée sur le trône, et gouvernoit son royaume avec une aussi profonde politique que les rois les plus habiles. La démarche qu'elle avoit faite du côté de Rome incontinent après son avénement à la couronne, avoit donné sujet de penser ce qu'on a publié d'ailleurs de cette princesse : qu'elle ne se seroit pas éloignée de la religion catholique, si elle eût trouvé dans le pape des dispositions plus favorables. Mais Paul IV, qui tenoit le siége apostolique, reçut mal les civilités qu'elle lui fit faire comme à un autre prince, sans se déclarer davantage, par le résident de la feue reine sa sœur. M. Burnet nous raconte qu'il la traita de bâtarde'. Il s'étonna de son audace de prendre possession de la couronne d'Angleterre, qui étoit un fief du saint Siége, sans son aveu, et ne lui donna aucune espérance de mériter ses bonnes grâces, qu'en renonçant à ses prétentions, et se soumettant au siége de Rome. De tels discours, s'ils sont véritables, n'étoient guère propres à ramener une reine. Elisabeth rebutée s'éloigna aisément d'un Siége dont aussi bien les décrets condamnoient sa naissance, et s'engagea dans la nouvelle réformation: mais elle n'approuvoit pas celle d'Edouard en tous ses chefs. Il y avoit quatre points qui lui faisoient peine; celui

▲ Burn., liv. III. pag. 555. -2 lbid., pag. 558.

des cérémonies, celui des images, celui de la présence réelle, et celui de la primauté ou suprématie royale: et il faut ici raconter ce qui fut fait de son temps sur ces quatre points.

Pour ce qui est des cérémonies «< elle aimoit, dit M. Burnet', celles >> que le roi son père avoit retenues; et recherchant l'éclat et la » pompe jusque dans le service divin, elle estimoit que les ministres » de son frère avoient outré le retranchement des ornements exté>> rieurs, et trop dépouillé la religion. » Je ne vois pas néanmoins qu'elle ait rien fait sur cela de considérable.

Pour les images « son dessein étoit, surtout, de les conserver dans » les églises, et dans le service divin; elle faisoit tous ses efforts pour >> cela : car elle affectionnoit extrêmement les images, qu'elle croyoit >> d'un grand secours pour exciter la dévotion; et tout au moins » elle estimoit que les églises en seroient bien plus fréquentées 2. »> C'étoit en penser au fond tout ce qu'en pensent les catholiques. Si elles excitent la dévotion envers Dieu, elles pouvoient bien aussi en exciter les marques extérieures : c'est là tout le culte que nous leur rendons y être affectionné dans ce sens, comme la reine Elisabeth, n'étoit pas un sentiment si grossier qu'on veut à présent nous le faire croire ; et je doute que M. Burnet voulût accuser une reine qui, selon lui, a fixé la religion en Angleterre, d'avoir eu des sentiments d'idolâtrie. Mais le parti des iconoclastes avoit prévalu: la reine ne leur put résister; et on lui fit tellement outrer la matière, que non contente d'ordonner qu'on ôtôt les images des églises, elle défendit à tous ses sujets de les garder dans leurs maisons: il n'y eut que le crucifix qui s'en sauva; encore ne fut-ce que dans la chapelle royale, d'où l'on ne put persuader à la reine de l'arracher.

Il est bon de considérer ce que les protestants lui représentèrent, pour l'obliger à cette ordonnance contre les images, afin qu'on en voie ou la vanité ou l'excès. Le fondement principal est que le deuxième commandement défend de faire des images à la similitude de Dieu : ce qui manifestement ne conclut rien contre les images ni de Jésus-Christ en tant qu'homme, ni des saints, ni en général contre celles où l'on déclare publiquement, comme fait l'Eglise catholique, qu'on ne prétend nullement représenter la Divinité. Le reste étoit si excessif que personne ne le peut soutenir : car ou il ne conclut rien ou il conclut à la défense absolue de l'usage de la peinture et de la sculpture; foiblesse qui à présent est universellement rejetée de tous les chrétiens, et réservée à la superstition et grossièreté des Mahomé

tans et des Juifs.

↑ Burn., liv. III. pag. 557.—2 Ibid., p. 551, 558.-3 Ibid., p. 590. — 4 Thuar., lib. xxi. an. 1559.5 Burn., ibid.

La reine demeura plus ferme sur le point de l'eucharistie. Il est dé la dernière importance de bien comprendre ses sentiments, selon que M. Burnet les rapporte1: « Elle estimoit qu'on s'étoit restreint, >> du temps d'Edouard, sur certains dogmes, dans des limites trop >> étroites et sous des termes trop précis ; qu'il falloit user d'expres>>sions plus générales, où les partis opposés trouvassent leur » compte.» Voilà ses idées en général. En les appliquant à l'eucharistie,« son dessein étoit de faire concevoir en des paroles un peu » VAGUES la manière de la présence de Jésus-Christ dans l'eucharis>> tie. Elle trouvoit fort mauvais que par des explications si subtiles >> on eût chassé du sein de l'Eglise ceux qui croyoient la présence >> corporelle. » Et encore: « Le dessein étoit de dresser un office » pour la communion, dont les expressions fussent si bien ména>> gées, qu'en évitant de condamner la présence corporelle, on réu>> nit tous les Anglois dans une seule et même Eglise. >>

On pourroit croire peut-être que la reine jugea inutile de s'expliquer contre la présence réelle, à cause que ses sujets se portoient d'eux-mêmes à l'exclure; mais au contraire, « la plupart des gens >> étoient imbus de ce dogme de la présence corporelle: ainsi la reine >> chargea les théologiens de ne rien dire qui le censurât absolument; >> mais de le laisser indécis, comme une opinion spéculative que >> chacun auroit la liberté d'embrasser ou de rejeter. >>

C'étoit ici une étrange variation dans un des principaux fondements de la réformation anglicane. Dans la Confession de foi de 1551, sous Edouard, on avoit pris avec tant de force le parti contraire à la présence réelle, qu'on la déclara impossible et contraire à l'ascension de Notre-Seigneur. Lorsque sous la reine Marie, Cranmer fut condamné comme hérétique, il reconnut que le sujet principal de sa condamnation fut de ne point reconnoître dans l'eucharistie une présence corporelle de son Sauveur. Ridley, Latimer et les autres prétendus martyrs de la réformation anglicane, rapportés par M. Burnet, ont souffert pour la même cause. Calvin en dit autant des martyrs françois, dont il oppose l'autorité aux luthériens. Cet article paroissoit encore si important en 1549, et durant le règne d'Edouard, que lorsqu'on y voulut travailler à faire un système de doctrine qui embrassat, dit M. Burnet, tous les points fondamentaux de la religion, on approfondit surtout l'opinion de la présence de Jésus-Christ dans le sacrement. C'étoit donc alors non-seulement un des points fondamentaux, mais encore parmi les fondamentaux un des premiers. Si c'étoit un point si fondamental, et le principal sujet de ces martyrs

4 Burn., lib. 1. pag. 557. — 2 Ibid., pag. 579.- 3 Calv. Diluc. explic. Opusc., pag. 861.— A Liv. II. pag. 158.

tant vanlés, on ne pouvoit l'expliquer en termes trop précis. Après une explication aussi claire que celle qu'on avoit donnée sous Edouard, en revenir, comme vouloit Elisabeth, à des expressions gé– nérales qui laissassent la chose indécise, et où les partis opposés trouvassent leur compte, en sorte qu'on en pût croire tout ce qu'on voudroit, c'étoit trahir la vérité et lui égaler l'erreur. En un mot ces termes vagues dans une Confession de foi n'étoient qu'une illusion dans la matière du monde la plus sérieuse, et qui demande le plus de sincérité. C'est ce que les réformés d'Angleterre eussent dû représenter à Elisabeth. Mais la politique l'emporta contre la religion, et l'on n'étoit plus d'humeur à tant rejeter la présence réelle. Ainsi l'article XXIX de la Confession d'Edouard, où elle étoit condamnée, fut fort change on y ôta tout ce qui montroit la présence réelle impossible, et contraire à la séance de Jésus-Christ dans les cieux. «Toute cette forte explication, dit M. Burnet, fut effacée dans l'ori>ginal avec du vermillon. » L'historien remarque avec soin qu'on peut encore la lire: mais cela même est un témoignage contre la doctrine qu'on efface. On vouloit qu'on la pût lire encore, afin qu'il restat une preuve que c'étoit précisément celle-là qu'on avoit voulu retrancher. On avoit dit à la reine Elisabeth, sur les images, que «< la >> gloire des premiers réformateurs seroit flétrie, si l'on venoit à ré> tablir dans les églises ce que ces zélés martyrs de la pureté évan>> gélique avoient pris soin d'abattre 2. » Ce n'étoit pas un moindre attentat de retrancher de la Confession de foi de ces prétendus martyrs ce qu'ils y avoient mis contre la présence réelle, et d'en ôter la doctrine pour laquelle ils avoient versé leur sang. Au lieu de leurs termes simples et précis, on se contenta de dire selon le dessein d'Elisabeth, «< en termes vagues, que le corps de Notre-Seigneur » Jésus-Christ est donné et reçu d'une manière spirituelle, et que le » moyen par lequel nous le recevons est la foi 3. » La première partie de l'article est très - véritable, en prenant la manière spirituelle pour une manière au-dessus des sens et de la nature, comme la prennent les catholiques et les luthériens; et la seconde n'est pas moins certaine, en prenant la réception pour la réception utile, et au sens que saint Jean disoit en parlant de Jésus-Christ, que les siens ne le reçurent pas *, encore qu'il fût au monde en personne au milieu d'eux : c'est-à-dire, qu'ils ne recurent ni sa doctrine ni sa grâce. Au surplus ce qu'on ajoutoit dans la Confession d'Edouard sur la communion des impies, qui ne reçoivent que les symboles, fut pareillement retranché; et on prit soin de n'y conserver sur la présence réelle que ce qui pouvoit être approuvé par les catholiques et les luthériens. 1 Burn., liv. 1. p. 601. — 2 lbid., pag. 588. — 3 Ibid., pag. 601. — 4 Joan., I. 10, 11.

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