Obrazy na stronie
PDF
ePub

J'ai dit, parce que cela me semble résulter invinciblement de l'ensemble des documents, que cette querelle des investitures ne fut nullement, de la part des Papes, le résultat d'une mesquine ambition temporelle, mais du désir assurément fort légitime de tarir une source de simonie, et surtout d'affranchir l'Église spirituelle du joug du pouvoir laïque.

A ceux qui ne partageraient pas ce point de vue, je puis opposer la conduite remarquable du Pape Pascal II, qui, au plus fort de la querelle et pour y mettre fin, offrit de renoncer à tous les fiefs que l'Église tenait de l'Empire, de façon à séparer profondément le titre ecclésiastique de la seigneurie temporelle. Mais cette proposition, qui eût enlevé en effet tout prétexte aux investitures par la crosse et l'anneau, ruinait les évêques allemands; ils la repoussèrent donc énergiquement, et elle n'eut pas d'autre suite (Muratori, Annales, ad ann. 1111, tome VI, p. 364 et Script. rer. italic. III, p. 1 et 360).

Faisons, en terminant, cette remarque importante que, dans cette mémorable lutte, les Papes ne songèrent même pas à réclamer pour eux le droit de nommer les évêques. L'élection canonique résultait, dans les premiers siècles, de la libre élection par le clergé et le peuple, puis par le chapitre.

XVII

Note sur les abus de la suprématie papale, aux onzième et douzième siècles. Censures, interdits et excom

munications. — Confusion des deux puissances.

Ainsi qu'on vient de le voir, la lutte de la Papauté au sujet des investitures n'eut certes rien que de fort légi

time dans son principe; quels que pussent être les titres des Empereurs, d'après la constitution féodale de la société, l'Eglise était fondée en justice à réagir contre ces titres et à affirmer son indépendance spirituelle. Mais, comme il arrive souvent dans l'ardeur de la lutte, les Papes, étonnés et sans doute comme enivrés des terribles effets qu'avait produits l'excommunication contre Henri IV, trompés d'ailleurs par les fausses décrétales, les Papes se laissèrent emporter bien au delà du but primitif de la querelle et en arrivèrent à proclamer les plus intolérables prétentions.

Dans l'ordre spirituel, à la suprématie tempérée que la tradition avait reconnue à l'évêque de Rome sur les autres évêques, ils prétendirent substituer une domination tyrannique sur toutes les églises. (Voir ci-dessus, APPENDICE VIII, S 4'.)

Dans l'ordre politique, le seul que nous considérions en ce moment, ils se posèrent en juges et censeurs suprêmes des Rois et des peuples, en dispensateurs des couronnes, en suzerains de toutes les monarchies européennes, en arbitres de la paix et de la guerre. Et, pour soutenir d'aussi étranges prétentions, ils n'hésitèrent pas à user et à abuser, dans un intérêt purement temporel, des armes purement spirituelles de l'excommunication et des autres censures ecclésiastiques. Après avoir combattu, dans les investitures, la confusion du spirituel et du temporel, ils s'efforcèrent de reconstituer cette confusion à leur profit.

Les exorbitantes prétentions de Grégoire VII et de ses successeurs seraient à peine croyables, si elles ne

1. Ajoutez cette lettre de Henri IV à Grégoire VII, Mansi, Concil. collect. XX, 471 :— «Rectores sanctæ ecclesiæ videlicet archiepiscopos, episcopos, presbyteros sicut servos pedibus tuis conculcasti; et quorum conculcatione tibi favorem ab ore vulgi comparasti. › L'Empereur est obligé de reconnaître que dans ces réformes, en tête desquelles figurait le célibat des prêtres, le Pape avait pour lui l'opinion publique.

résultaient très-explicitement des lettres et des actes émanés d'eux on en relatera ici un petit nombre, bien suffisant assurément. Grégoire VII. Les opinions de ce Pontife, le premier qui ait osé afficher des prétentions à la suprématie universelle, se trouvent résumées en vingt-sept propositions, dans un écrit fort connu sous le nom de Dictatus Papæ, et qui a été inséré dans le recueil de

1. Voici le texte de ce fameux dictatus, dans lequel, selon Fleury, à un petit nombre de vérités se trouvent mêlées tant de prétentions exorbitantes; il figure parmi les lettres de Grégoire VII, lib. II, 55.

1. Quod romana Ecclesia a solo Domino sit fundata. — 2. Quod solus romanus Pontifex jure dicatur universalis. — 3. Quod ille solus possit deponere episcopos vel reconciliare. -4. Quod legatus ejus omnibus episcopis præsit in concilio, etiam inferioris gradus, et adversus eos sententiam depositionis possit dare. 5. Quod absentes Papa possit deponere. 6. Quod cum excommunicatis ab illo, inter cætera, nec in eadem domo debemus manere. - 7. Quod illi soli licet, pro temporis necessitate, novas leges condere, novas plebes congregare, de canonica abbatiam facere, et e contra divitem episcopatum dividere, et inopes unire. - 8. Quod solus possit uti imperialibus, insigniis. 9. Quod solius Papæ pedes omnes principes deosculentur. 10. Quod illius solius nomen in ecclesiis recitetur.-11. Quod unicum est nomen in mundo. 12. Quod illi liceat Imperatores deponere. — 13. Quod illi liceat de sede ad sedem necessitate cogente episcopos transmutare. 14. Quod de

[ocr errors]

-

[ocr errors]
[ocr errors]

omni ecclesia, quacumque voluerit clericum valeat ordinare. 15. Quod ab illo ordinatus alii ecclesiæ præesse potest, sed non militare, et quod ab aliquo episcopo non debet superiorem gradum accipere. 16. Quod nulla synodus, absque præcepto ejus, debet generalis vocari. - 17. Quod nullum capitulum, nullusque liber canonicus habeatur absque illius auctoritate. 18. Quod sententia illius a nullo debeat retractari, et ipse omnium solus retractare possit. -19. Quod a nemine ipse judicari debeat. - 20. Quod nullus audeat condemnare Apostolicam Sedem appellantem. — 21. Quod majores causæ cujuscumque ecclesiæ ad eam referri debeant. 22. Quod romana Ecclesia nunquam erravit, nec in perpetuum, Scriptura testante, errabit. 23. Quod romanus Pontifex, si canonice ordinatur, meritis B. Petri indubitanter efficitur sanctus, testante S. Ennodio Papiensi episc., ei multis SS. Patribus faventibus, sicut in decretis B. Symmachi P. continetur 24. Quod illius præcepto et licentia subjectis liceat accusare. 25. Quod absque synodali

ses lettres. Mais s'il est à peu près certain que cette pièce ne fut ni écrite ni dictée par Grégoire VII, tout le monde reconnaît qu'elle résume parfaitement les idées qui se trouvent répandues dans tous les actes de ce Pape. Voici quelques-unes de ces maximes que Fleury signale comme plus particulièrement fausses et pernicieuses (Hist. eccl., livre LXIII, no 11):

Que le Pape, élu canoniquement, devient saint indubitablement. - Que le Pape seul peut porter les ornements impériaux, ce qui est pris de la donation de Con- . stantin. — Qu'il n'y a que le Pape qui puisse déposer les évêques ou les rétablir; qu'il n'y a que lui qui puisse les transférer. Qu'il n'y a que lui qui puisse ériger de nouveaux évêchés, diviser les anciens ou les unir. Que lui seul peut faire de nouvelles lois. Que le Pape peut déposer les Empereurs et absoudre les sujets du serment de fidélité fait aux princes rebelles à l'Eglise. »

[ocr errors]

Cette dernière et monstrueuse proposition fut fondée

[ocr errors]

conventu possit episcopos deponere et reconciliare. 26. Quod catholicus non habeatur, qui non concordat romanæ Ecclesiæ, — 27. Quod a fidelitate iniquorum subjectos potest absolvere.

Si monstrueuses qu'elle nous paraissent, ces prétentions de Grégoire VII résultent de l'ensemble de sa correspondance, où elles se manifestent avec une évidente mais effrayante bonne foi, Nous en donnerons seulement quelques spécimens, en ce qui concerne la suprématie du pouvoir spirituel sur tous les pouvoirs civils.

« Ubi Deus B. Petro principaliter dedit potestatem ligandi aut « solvendi in cœlo et in terra, nihil ab ejus potestate subtraxit.... « Quod si Sedes Apostolica divinitus sibi collata principali potestate a spiritualia decernens dijudicat, cur non et sæcularia?» (Epist. lib. IV, 2, ad Heriman ep. Metensem.)

« Hæc dignitas (regalis) a sæcularibus etiam Deum ignorantibus «< inventa non subjicietur ei dignitati (sacerdotali) quam omnipotens « Dei providentia ad honorem suum invenit mundoque misericor« diter tribuit?... Quis dubitet sacerdotes Christi regum et principum « omniumque fidelium patres et magistros censeri? Nonne misera«bilis insaniæ cognoscitur, si filius patrem, discipulus magistrum «< sibi conetur subjugare?....... » (Ibid. lib. VIII, 21.)

(dit Fleury, en son troisième discours) sur les effets de l'excommunication. Comme, en effet, on doit éviter les excommuniés, n'avoir aucun commerce avec eux, ne pas même leur parler, il en résulte qu'un prince excommunié doit être abandonné de tout le monde; il n'est plus permis de recevoir ses ordres, de lui obéir, de l'approcher; il est exclu de toute société avec les chrétiens; et dès lors il ne saurait régner. Il est vrai (continue Fleury) que Grégoire VII n'osa jaunais formuler cette doctrine en un décret formel; mais il l'a supposée constante, comme tant d'autres maximes qui lui paraissaient certaines; et il y a conformé sa conduite.

En fait, Grégoire VII affirma successivement sa suprématie ou sa suzeraineté sur tous les royaumes de l'Europe.

Quand Grégoire VII vit Guillaume le Conquérant établi en Angleterre, il lui prescrivit de rendre hommage pour le royaume au Saint-Siége apostolique, se fondant sur ce que, depuis deux siècles, les Anglais payaient un tribut connu sous le nom de denier de Saint-Pierre. Mais le Conquérant répondit fièrement qu'il y avait inconséquence à réclamer un hommage à ceux de qui on recevait la charité; et l'affaire en resta là. (Fleury, Hist. eccl., liv. LXII, no 63.)

[ocr errors]

La Sardaigne, la Dalmatie, la Russie n'étaient, aux yeux de Grégoire que des fiefs relevant du Pontife romain. (Greg. epist. I, 29, 41; II, 4; Fleury, Hist., livr. LXII, no 11.)

[ocr errors]

Au prince russe Démétrius, il écrivait : « De la part de saint Pierre, nous avons donné votre couronne à votre fils, qui va la recevoir de nos mains, en nous prêtant serment de fidélité. » (Epist. 14.)

A Nicéphore Botoniate, Empereur grec, il enjoignait d'abdiquer la couronne. (Concil. rom. anno 1078.)

A Boleslas, Roi de Pologne, il écrivait pour le déclarer déchu et lui annoncer que la Pologne ne serait plus un royaume. (Dlugoss. Hist. Polon., III, 295.)

Il renvoyait Salomon, Roi de Hongrie, aux vieillards

« PoprzedniaDalej »