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aux mêmes influences naturelles qui l'ont dominé jusqu'ici, partout il portera ses usages, ses coutumes, son caractère sociable et son unanimité de cœur et de pensée.

En exprimant cette espérance que la patrie canadienne s'étendra dans ces régions, je ne crois pas, messieurs, m'abandonner à une illusion vaine ou présomptueuse. Tout dans notre caractère indique que nous sommes assimilés à notre sol, à notre climat, et à la distribution de nos établissements conformes eux-mêmes à la nature du pays. Le sol de la patrie nous est cher, nous y sommes attachés par tous les liens depuis deux siècles; notre tempérament est fait à la rigueur des hivers, et notre instinct de sociabilité nous empêche de nous en éloigner en grandes masses, quoique d'autres causes obligent beaucoup de Canadiens à sortir isolément du pays dans le temps présent. Où irons-nous donc maintenant que nos terres deviennent trop étroites pour contenir la surabondance de notre population rapidement croissante, où irons-nous ?-Vers le nord, messieurs; et de proche en proche, sans jamais consentir à être trop éloigné du voisin, nos établissements suivront le cours des rivières, les bords des lacs, et s'étendront sur de vastes espaces sans cesser d'être contiguës, sans que jamais un Canadien soit privé de la société, du secours d'un autre Canadien.

Cette patrie plus étendue sera en tout point la même que la patrie d'aujourd'hui, sauf plus d'espace pour le terrain et plus de nombre pour les hommes. Le nord du Canada sera le domaine des Canadiens-français, tout le nord. Eux seuls aimeront à y vivre. En effet, remarquez les populations qui arrivent chaque année par milliers dans notre pays, elles s'en vont vers l'ouest et le midi, elles suivent la route du grand fleuve, jusques au-delà de nos limites; les efforts du gouvernement de l'Angleterre, malgré les lois moderues d'établissement qui sont toutes en faveur de l'émigré, ne peuvent le retenir dans le Bas-Canada, et le nombre de ceux qui s'y fixent diminue chaque année, excepté dans les villes,

où j'ai dit que ne résidait point la force d'un peuple. Le Bas-Canada, la campagne nous restera donc, et ne cessera de s'étendre, et le nord sera à nous. Quels que soient les événements, d'ici à vingt-cinq ans, la patrie canadienne comptera plus d'un million d'enfants du sol, et quel fait humain, quelle puissance au monde pourrait éteindre, anéantir ce peuple, défendu par cette force d'inertie qu'il possède à un si haut degré et qui lui permet de résister à toutes les influences, par cette sociabilité qui lui donne l'unanimité, l'union et la force, et par-dessus tout défendu par cette position isolée vers le nord, à l'extrémité d'un continent, position inexpugnable presque de tous les côtés; qui fait ressembler le Canada à une île bordée de toutes parts de bancs de glaces redoutés de l'envahisseur. Telles sont les raisons sur lesquelles je fonde mes espérances et qui me font croire que, grâce à notre sol et à notre climat, grâce au caractère et à l'état social qui en résultent, ainsi qu'à notre isolement, notre nationalité ne périra pas, que le peuple canadien ne s'effacera pas de la terre, mais qu'il aura une longue durée et survivra à bien d'autres nations qui croient leur existence et leurs destinées éternelles.

1848.

GUILLAUME LEVESQUE.

DISCOURS PRONONCÉ DEVANT L'INSTITUT CANADIEN DE MONTRÉAL.

CONSIDÉRATIONS SUR NOTRE SYSTÈME D'ÉDUCATION POPULAIRE, SUR L'ÉDUCATION EN GÉNÉRAL ET LES MOYENS LÉGISLATIFS D'Y POURVOIR.

MESSIEURS,-Avant d'entrer en matière, je dois vous faire remarquer que, pour me conformer à l'acception commune du mot éducation en ce pays, j'ai dû, dans le cours de cette lecture, l'employer fréquemment dans le sens plus restreint des mots enseignement ou instruction. Le mot

éducation, comme vous savez, comprend tous les perfectionnements dont l'homme en société est susceptible. Ainsi, l'éducation est morale et religieuse, physique et intellectuelle tout à la fois. L'enseignement, l'instruction, dans leur acception ordinaire, ne se rapportent qu'à l'intelligence, et ne comportent conséquemment qu'une partie du sens du mot éducation. Ceci expliqué, entrons en matière.

Au milieu de la tourmente politique, qui nous a ballotés pendant le demi-siècle écoulé, et dont nous ressentons encore les oscillations, l'éducation du peuple, comme l'éclair au milieu de l'orage, est, de tous les sujets qui ont attiré l'attention pendant cette période, celui qui a su le mieux percer les nuages qui obscurcissaient l'horizon politique, et partager l'opinion publique avec les grandes questions de réforme et de liberté constitutionnelles, qui n'ont cessé d'être à l'ordre du jour. La presse, comme toujours, a pris sur le sujet une vive et féconde initiative; la tribune lui a fait un éloquent et fidèle écho, et la législature, cédant à ces deux voix du peuple, a été, depuis une quinzaine d'années surtout, prodigue de lois et de secours en faveur de l'éducation. Aussi, je crains presque d'être accusé de témérité, en venant vous entretenir d'un sujet sur lequel le dernier mot doit avoir été dit depuis longtemps.

Oui, le dernier mot a été dit; les hommes éclairés et amis de leur pays sont tous d'accord sur les avantages, sur la nécessité, sur l'obligation d'instruire le peuple. Mais que signifie donc cette opposition si vive et en apparence si générale sur plusieurs points du pays que rencontrent vos lois d'éducation parmi le peuple? Ici, vous voyez ce peuple, si plein de vénération pour ses pasteurs spirituels, rester sourd à leurs exhortations en faveur de l'éducation. Là, le ministre de l'évangile, pour ne pas compromettre son saint ministère, juge prudent de s'abstenir. Plus loin, les hommes les plus influents, les plus justement respectés sont l'objet de la défiance publique. Ailleurs, nos bons habitants toujours si paisibles, si soumis aux lois, opposent la force ouverte aux a

gents de la justice. Sur d'autres points, nous avons à déplorer des attaques nocturnes contre la propriété, contre des maisons d'école même. Un jour, rencontrant un des plus notables citoyens d'une de nos principales paroisses, je le félicitais de ce qu'il n'y avait pas de trouble dans sa paroisse à propos de l'acte d'éducation, et de ce que tout allait bien chez lui: "Oui, dit-il, tout va bien chez nous, parce que, voyant "l'inutilité de parler en faveur de la loi, nous nous sommes "tus."

En présence de pareils faits, que doivent faire les bons citoyens? J'en ai rencontrés qui levaient les épaules et courbaient la tête comme pour dire: Que voulez-vous faire avec un pareil peuple? Ce sont les hommes du découragement, ceux-là; ils désespèrent, mais à tort, du salut de la patrie.

D'autres plus ardents ne voient de salut que dans la coërcition, et veulent user, pour soumettre le peuple, de toute l'autorité de la loi et du gouvernement. Mais ils oublient que nous vivons sous un gouvernement représen tatif, et qu'il est au pouvoir, dans certaines circonstances, même d'une minime section du peuple, chez nous où le suffrage électoral est presque universel, de déplacer le pouvoir et de le mettre entre les mains d'hommes qui cèderont à ses préventions, à ses préjugés. Le remède violent qu'on nous propose là, d'ailleurs, n'est possible qu'avec l'arbitraire; pour l'administrer, il faudrait voiler pendant un temps l'image de la liberté, fermer le sanctuaire de la constitution.

Mais avant d'abattre notre pavillon, ou de le clouer au mât, tristes alternatives l'une et l'autre, n'y aurait-il pas moyen de voir s'il n'y a pas quelque chance de salut autre que le désespoir? Ne vaudrait-il pas la peine de s'enquérir, plus attentivement qu'on ne l'a fait peut-être, si l'opposition du peuple est aussi aveugle, aussi irraisonnable qu'elle paraît l'être au premier abord? N'y aurait-il rien dans votre loi qui, au moins, expliquerait la conduite du peuple, s'il ne la justifiait pas. Il vaut la peine d'y penser avant

de recourir à des moyens extrêmes ou d'abandonner la partie. Il y a presque toujours dans les mouvements de l'esprit populaire une haute raison cachée, qu'il faut avoir soin de rechercher, de connaître et d'apprécier. Sans cela vous vous exposez à commettre faute sur faute, la dernière en entraînant toujours une plus grande, jusqu'à ce que cette pyramide renversée, manquant par sa base, s'écroule sur la société, et la couvre de débris.

Pour moi, messieurs, je ne désespère pas du peuple; je ne le crois pas ennemi de l'éducation. Eh! que sommesnous pour la plupart? les enfants du peuple, issus de laboureurs ou d'artisans, vivant dans une médiocre aisance, et qui cependant ont fait des sacrifices immenses pour eux, pour nous procurer l'éducation que nous avons eue. On n'en demande pas autant, certes, au peuple de nos campagnes. On n'exige pas de lui qu'il envoie ses enfants dans des pensionnats coûteux. Tout ce qu'on lui demande, c'est le temps de ses enfants et une modique rétribution, charge qu'un bon nombre sont en état de supporter sans trop se gêner; et la loi pourvoit à l'exemption des pauvres. Le cri "aux taxes " ne m'explique donc pas suffisamment l'opposition du peuple à l'acte d'éducation: ce n'est à mes yeux qu'un cri de ralliement, un épouvantail, un prétexte. Il faut qu'il y ait quelque chose de plus; et si on peut découvrir cette cause cachée au fond de l'instinct populaire, il sera peut-être facile de trouver un remède plus doux, plus efficace, moins dangereux que la coërcition.

C'est une arme à double tranchant que la coërcition. Aujourd'hui on l'emploierait à une œuvre sainte et salutaire, demain à faire prévaloir des mesures spoliatrices et liberticides. Il suffirait aux hommes qui auraient le pouvoir en main de dire et de faire répéter à leurs complaisants: C'est pour le plus grand bien du peuple qu'on le force à adopter cette loi, cette mesure. Eh! messieurs, est-ce dans ce pays qu'il est nécessaire de s'appesantir sur cette vérité? combien de fois ne nous a-t-on pas tenu ce langage? Non, n'habi

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