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exploré, étudié, travaillé par lui, ce qui ne peut se faire que par la société civilisée et son brillant cortége d'arts et de sciences; juste et bienfaisant, il n'a pu vouloir que des créatures sensibles, nos semblables, fussent exploitées par nous: voilà la liberté; les faisant sortir nos égales des mains de la nature, il n'a pu vouloir non plus que nous changeassions leur destinée par nos institutions sociales: il a donc voulu que nous nous unissions tous pour travailler à l'œuvre commune, pour en supporter également les peines, comme pour en partager fraternellement les avantages. Voilà donc notre théorie sociale enfantant sans effort, avec la société civilisée, la liberté, l'égalité, la fraternité. Si l'arbre se reconnaît aux fruits, voici, ce me semble, une mère qui vous présente une famille assez recommandable.

Voilà la société telle qu'elle a dû être conçue dans l'origine, telle qu'elle découle de l'évangile, telle qu'on travaille à la refaire après de longs et funestes écarts, dus à la prédominance du matérialisme, et en plusieurs cas à l'influence d'un spiritualisme exagéré, faux ou fourvoyé, écarts auxquels prêtres et laïques ont participé plus ou moins. Mais n'oublions jamais que le feu sacré du spiritualisme a été allumé par le prêtre, et que lui seul par état, comme par devoir, saura l'entretenir au sein de la société. Restreignons-le par l'opinion, par la loi même, s'il le faut, dans ses saintes attributions; mais laissons-les lui intactes. Otezlui le glaive, mais laissez-lui la parole; mais aussi exigez de lui qu'il remplisse en entier sa mission divine; ou plutôt cessez de lui opposer vos préjugés, vos préventions, et, instruit par l'expérience du passé, il la remplira bien.

Il est si vrai que c'est au spiritualisme, personnifié dans le prêtre, qu'est dû principalement la société, que la première comme la plus auguste figure qu'offre l'histoire des sociétés, c'est le prêtre. Il a été partout le père et l'appui de la société, et lui seul pouvait l'être, car lui seul concevait et présentait un but suffisant à la société. Si l'on eût pu résoudre les hommes à se constituer et à vivre en société, à CANCELLES

faire les sacrifices individuels qu'exige l'état social, que les hommes dans l'état sauvage devaient sentir plus vivement que nous,-(et on ne pourrait en citer une preuve plus frappante que l'inutilité des efforts que l'on a faits jusqu'à présent pour civiliser les peuples indigènes d'Amérique,)— si, dis-je, on eût pu résoudre les hommes à ces sacrifices par la considération des intérêts matériels, pourquoi voit-on partout les fondateurs des sociétés faire intervenir la divinité à leur aide par le ministère des prêtres? Si l'on a fait jouer ce puissant mobile, n'est-ce pas qu'il fallait aux hommes le sentiment d'une obligation morale pour être induits à vivre en société? n'est-ce pas que l'état social répugne à la partie matérielle de l'homme? A la Chine, il n'a fallu rien moins que le fils du soleil pour fonder et maintenir le céleste empire, et le souverain y est le chef de la religion. Dans l'Inde, on peut juger de ce qu'a dû être le prêtre dans les commencements, quand on voit de nos jours l'orgueil et la puissance britannique obligés d'y respecter un culte monstrueux. En Egypte, les prêtres étaient les instituteurs des rois de leur vivant, et leurs juges après la mort. La société juive fut, à l'origine, une vraie théocratie entre les mains de ses prêtres et de ses prophètes. L'on sait l'importance de ces oracles de la Grèce, que les prêtres faisaient parler, ces prêtres qui étaient assez puissants encore du temps de Socrate pour faire boire la ciguë à ce premier des Sages de la Grèce, que quelqu'un a appelé le précurseur payen du Christ. Numa Pompilius se mit sous l'inspiration de la déesse Egérie pour donner des lois à la ville de Romulus, qui, lui, avait commencé par l'institution des augures, sans la sanction desquels rien ne se faisait à Rome. Cela veut dire que les augures, qui étaient prêtres, gouvernèrent le monde jusqu'à Constantin, époque mémorable où la puissance sacerdotale put se retremper et se purifier en passant au prêtre de l'évangile, à qui l'on dut la réédification de la société européenne après la chute de l'empire romain, et les invasions des barbares. Savez-vous

ce qu'était le prêtre alors? écoutez M. Cousin qui n'est pas une autorité suspecte sur ce point: L'église catholique, "dit-il, était l'âme et la lumière du moyen-âge, le bienfaisant

contre-poids de la fortune et de la puissance, le refuge tou"jours et quelquefois le marche-pied de la pauvreté fière et "du mérite roturier." Certes, voilà un rôle politique bien prononcé, et un rôle bienfaisant encore, et qui plus est dans un sens tout populaire, tout démocratique. Eh! c'est justement ce qui fit l'influence du prêtre catholique, et le rendit bien réellement l'instituteur, le législateur, le directeur suprême du monde civilisé jusqu'au seizième ou dixseptième siècle. Et j'avouerai que, pour l'intérêt de la religion et celui de la société, il fut tout cela beaucoup trop, du moment, surtout, où la réforme évangelique dût s'arrêter aux limites de la société politique. Les puissances de la terre se virent menacées; l'instinct de conservation, qui ne fait jamais défaut à l'humanité, se réveilla de toutes parts, et il s'en suivit une puissante réaction, qui, après avoir ellemême outrepassé le but, tend évidemment de nos jours à rentrer dans la bonne voie.

Depuis cette époque, l'on fait de vains efforts pour reconstruire la société sans le prêtre, ou, ce qui est pis encore, en asservissant le prêtre au pouvoir temporel. A l'heure qu'il est, ce qu'on a pu trouver de mieux, c'est le régime de la majorité. C'est du matérialisme sur une base plus large que celle de l'ancien; mais c'est encore du matérialisme; c'est le gouvernement du partisanisme, d'autant plus redoutable qu'il est plus matériellement fort que ses prédécesseurs. Avec ce gouvernement on peut bien soumettre les corps, mais on ne satisfait pas les esprits, qui pourront s'avouer vaincus, mais non convaincus; on compte les opinions, on ne les pèse pas; l'intérêt tient la balance, non la justice et la raison; on a la force physique, non la force morale; on a l'homme, non Dieu. Or, il est écrit: "Si "Dieu n'érige la maison, vous aurez en vain travaillé à la "construire." Et dites-moi, comment l'esprit de Dieu pourra

se faire sentir dans votre vie sociale ou politique, si ceux qui personnifient le spiritualisme en sont exclus ou s'en excluent eux-mêmes? Les minorités auront la liberté de la parole, me direz-vous; et si la justice et la raison sont de leur côté, elles ramèneront à elles l'opinion publique. Oui, sans doute, elles pourront, comme leurs adversaires, en appeler aux intérêts matériels de l'homme, intéresser à leur cause ses plus mauvais instincts, enflammer ses plus mauvaises passions, fausser, exagérer ses meilleurs penchants. Et tels sont malheureusement les moyens et les armes dont les partis ne font que trop souvent usage. Avec cela, vous ne réussissez guère qu'à perpétuer un système de bascule, qui ne pourra que ralentir la marche de l'humanité en la chargeant du lourd bagage de tous les partis qui se succèderont à la manoeuvre. Et remarquez qu'ici je suppose que les minorités se soumettront toujours aux résultats des scrutins. Mais supposez des ambitions audacieuses dans une minorité puissante ayant de grands intérêts en jeu; supposez à cette minorité certains avantages de position et de circonstances, que devient votre système? Vous venez d'entendre Paris menacer de son véto la France départementale entière; et l'on sait que ce n'est pas une folle menace. Ce qui peut se faire en France peut se faire partout ailleurs.

C'est un grand progrès, sans doute, que le système de la majorité; mais soyons assurés que ce n'est pas le dernier mot du progrès; ou s'il l'est, il ne le sera pleinement que lorsque l'élément spirituel épuré, rénové, aggrandi lui-même exercera dans la nouvelle société, la somme et l'espèce d'influence et d'action qui lui est propre, influence et action qu'il a exercées partout et de tout temps, comme nous venons de le voir, quoique pas toujours avec la mesure et de la manière la plus sage et la plus utile.

Vous devrez convenir, cependant, que c'est un fait bien important, et qui doit avoir une grande signification, que cette universalité de l'action directrice du sacerdoce sur les

sociétés humaines, quelques formes qu'elles aient affectées dans les différents pays. Si le fait ne prouve pas que le prêtre est un élément nécessaire et recherché dans toute société, il prouve, au moins, que le prêtre est une puissance avec laquelle il faut compter dans le gouvernement de ce monde, et que si on ne lui fait pas sa part, il pourra se la faire lui-même tôt ou tard. Pour ma part, je pense qu'il est l'un et l'autre : c'est-à-dire, qu'il est un élément nécessaire de la société politique, et qu'il est en même temps une puissance, une grande puissance sociale, d'autant plus grande qu'elle sait et peut attendre. N'a-t-elle pas Dieu et l'éternité pour elle? Vous la persécutez: c'est une épreuve qui ne servira qu'à retremper son courage et son énergie. Vous profitez de ses fautes pour lui faire perdre ses avantages: c'est une leçon dont elle profitera, soyez-en sûrs, et vous la reverrez reparaître bientôt sur la scène plus pure, plus forte qu'auparavant. Vous avez détrôné les rois que vous croyiez bien erronément être son appui, et en déplaçant le pouvoir, en le confiant à la démocratie, vous croyez que tout est dit. Détrompez-vous; le prêtre, mieux que vous, saura s'emparer de l'esprit de votre nouveau souverain. Il sait que le peuple que l'on flatte, comme tous les rois, et leurre avec des mots, n'est souverain qu'à la façon du levier, et, s'il le faut, il saura, mieux que vous, être le bras qui fera mouvoir cette puissance. Il sait que la souveraineté de ce monde réside en réalité et en définitive dans les hautes et fortes intelligences humaines, de même que la souveraineté de l'univers réside dans l'intelligence suprême. Eh bien; le clergé sera, comme il l'a déjà été, ces hautes et fortes intelligences, assemblages vénérés de science et de vertus, auxquelles il joindra l'amour et le dévouement, et cet esprit de sacrifice qui va jusqu'à la mort. Et c'est ce que vous ne ferez pas, vous adeptes du matérialisme, car le sacrifice est antipathique à votre doctrine comme à votre nature. Vous succomberez donc dans la lutte. Sera-ce bon, avantageux à l'humanité? Non, car le prêtre est

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