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Armez-les, et soudain envahissez le fort;
Les ombres vous mettront à l'abri de la mort.
C'est là le seul moyen que j'ose vous soumettre ;
Encor n'est-il pas sûr, et je ne puis promettre
Que vous réussirez au gré de vos souhaits.
LE PERE.

Je dois donc avant tout ne chercher que la paix?
RAYMOND.

Oui, Seigneur, autrement, de tristes destinées
Pourraient s'appesantir sur vos vieilles années.....
LE PERE.

Chut! le voici...

(Roger entre avec deux sauvages et Richard; Raymond s'esquive.)

SCENE VIII.

LE PERE, RICHARD, ROGER, GARAKONTHIE, WAMPUN.

ROGER.

Voici le chef des Iroquois,

C'est cet homme fameux dont le nom, les exploits,
L'adresse, la valeur, la fine politique

Sont aujourd'hui connus dans toute l'Amérique :
C'est Garakonthié. Dans mille occasions

Il ramena la paix au sein des nations.

Par sa dextérité, par son adroit génie,

Mon père, voulez-vous qu'il nous réconcilie?

Wampun, ce vieux guerrier, ce héros de nos bois,
Seconde aussi mes vœux.

WAMPUN.

Amis, plus de cent fois

Ma cabane m'a vu revenir des batailles,

Et de mille ennemis j'ai fait les funérailles.
GARAKONTHIE.

Moi, le sang autrefois rougit mon tamohawk,
Mais la main de la paix l'a jeté dans le lac.

LE PERE.

Mais ces héros, mon fils, si leur justice est pure,
Ont-ils permis jamais d'outrager la nature?

ROGER.

Non, mon père, jamais : leurs parents sont toujours
Après le sol natal leurs plus chères amours,

Ils aiment tendrement l'auteur de leur naissance.

Roger...

RICHARD.

ROGER.

Cher précepteur, oh! ma reconnaissance

Ne saurait oublier quels furent vos bienfaits.
Votre mémoire en moi ne périra jamais,

Jusqu'à mon dernier jour, dans le fond de mon âme,
Elle sera, Richard, gravée en traits de flamme.
Vous m'avez inspiré, dès mes plus jeunes ans,
L'amour de mon pays, l'amour de mes parents,
Ce trésor des bons cœurs, cette vertu céleste.
Si j'ai quelque équité, si mon âme déteste
Le sacrilége impie et son discours trompeur ;
Si mon œil effrayé ne voit qu'avec horreur
Le fourbe, l'homme injuste, et ces âmes flétries
Qui trament en secret les noires perfidies;
Enfin si j'ai gagné l'estime de mon roi,

C'est à vous, cher mentor, à vous que je le dois.
RICHARD.

Je vous aime, Roger, et je vous le confesse;
Mais je suis cependant accablé de tristesse.
En savez-vous la cause ?... ô cruelle douleur...
J'ai su que l'on avait perverti votre cœur...
Que ce cœur autrefois et si noble et si tendre
S'est changé tout-à-coup, et ne veut plus se rendre
Aux désirs empressés de l'auteur de vos jours;
Et que malgré ses pleurs vous persistez toujours
A ne lui point céder ce que son droit de père
Vous ravira bientôt dans sa juste colère.

ROGER.

Si mon père consent à me laisser parler
Je pourrai vous répondre avant de m'en aller.
LE PERE.

O Roger, voudrais-tu renouveler ma peine?
Chers amis, néamoins s'il faut que je vous gêne,
Parlez; peut-être aussi que de cet entretien
Dieu fera par bonheur résulter quelque bien...
GARAKONTHIE.

Roger, prends garde à toi, le grand roi de la terre
Sur les enfants ingrats fait gronder le tonnerre.
ROGER.

O mes amis! cessez d'aggraver mes tourments,
Soyez plutôt témoins de tous mes sentiments.
Sachez qu'il m'est cruel de ne pouvoir encore
Contenter le désir d'un homme que j'honore.
Mon père me connaît; il n'en saurait douter,
Je le chéris autant qu'avant de le quitter.

Il connaissait alors quelle était ma tendresse ;
Aujourd'hui, pourquoi donc m'accuser de bassesse ?
Mais n'importe, mon cœur le chérira toujours,
Et quand même il faudra pour conserver ses jours
D'un zèle trop ardent risquer d'être victime,
J'affronterais les feux, je braverais l'abîme;
Plein de crainte et d'amour, ne sachant résister,
Pour le sauver, partout on me verrait jeter.
Oui, si je vous voyais terrassé par la rage
D'un animal féroce ou d'un monstre sauvage,
Pour appaiser sa faim et conserver vos ans,
J'irais m'offrir moi-même à ses cruelles dents.
Enfin, demandez-moi tout ce qui se peut faire
Sans altérer les traits d'un noble caractère,
Parlez, je vous le jure à la face des cieux,
Mon père, en l'accordant, je serai trop heureux.
RICHARD

Mais l'amour filial peut-il avoir un terme ?

ROGER.

Oui, certes, je le pense, et je dois rester ferme,
Si pour plaire à l'objet de mon affection

Je ne suis qu'un ingrat envers ma nation;
S'il faut perdre ma gloire, à tant de frais acquise,
Exposer le succès d'une noble entreprise,
Trahir une patrie et ne la plus revoir,
Enfin, s'il faut manquer au plus sacré devoir.

LE PERE.

Roger, tu vas trop loin; ce coin de l'Acadie,
Ce terroir hérissé, ce sol de barbarie
Que la France naguère a commis à ton bras,
Voilà ce que je veux: ne me rebute pas.
J'ai soigné ton enfance, et pendant vingt années
Mes soins te préparaient d'heureuses destinées.
O gage si chéri de mon premier amour,
Quand j'ai perdu ce sein qui t'a donné le jour,
Ah! oui, je m'en souviens, quand ta mère expirante
Me pressa sur son cœur de sa main défaillante,
Et voulut m'embrasser pour la dernière fois,
Elle pleura longtemps, et sa mourante voix
Proféra pour adieu cette seule parole:

Mon cher époux, je meurs... que Roger te console...
O Roger... ô mon fils... regarde vers les cieux!
Ta mère y prie encor, rends-toi donc à mes vœux,

Toi qui dois m'adoucir les peines de ce monde...
ROGER.

Ah! cessez, ma douleur est déjà trop profonde.
Ne pleurez plus, pourquoi chercher à m'attendrir?
Je vous chéris encore et je veux vous chérir,
Et je ferai pour vous tout ce qu'on peut attendre
De l'ami le plus cher, et du fils le plus tendre.
Que voulez-vous de plus? pour avoir votre amour
Faudra-t-il mériter de ne plus voir le jour ?

GARAKONTHIE.

Ton cœur est un grand cœur et tu n'es pas un traître. RICHARD.

Songez du moins, Roger, que votre père est maître. LE PERE.

Pense aux maux effrayants qui vont fondre sur toi;
Pense au bien que tu peux t'acquérir près de moi.
ROGER.

Vainement voudrait-on me déclarer la guerre,
En vain l'on m'offrirait le reste de la terre,
Non tant que je vivrai, ce fort et ce pays
Seront soumis, mon père, aux armes de Louis.
LE PERE.

Où prends-tu, fils ingrat, une telle insolence?
Tu veux, je le vois bien, provoquer ma vengeance,
Tu voudrais m'irriter; cruel, ne sais-tu pas

Que mes vaisseaux au port sont remplis de soldats?
RICHARD.

Réfléchissez, Roger... s'il faut que votre père
Fasse aux plus doux transports succéder la colère.....
Mais non, songez plutôt, songez à son amour...
Peut-être il va demain vous quitter sans retour.
Ne vous abusez pas; vous lui devez la vie,
Lui refuseriez-vous ce coin de l'Acadie?
Mais il est temps, je erois, de prendre du repos.
La nuit qui des humains fait oublier les maux,
La nuit sur l'univers étend son noir empire;
Allons, reposons-nous, et que Dieu vous inspire
De pieux sentiments pendant votre sommeil,
Et faites-nous-en part après votre réveil.

Fin du premier acte

CHANSON.

AIR: La Brigantine.

O perfidie,

Fuis loin de moi,
Puisque ma vie
N'est pas pour toi.
O France chérie,
J'irais te trahir!
Non, ma patrie,
Plutôt mourir.

Douce nature,
J'entends tes cris,
Ta voix si pure,
Ah! j'en frémis.
Mais, France chérie

Faut-il te trahir!
Non, ma patrie,

Plutôt mourir.

La mort apprête
Ses dards, ses feux,

Voilà ma tête

Devant ses yeux.
Car, France chérie,
Puis-je te trahir!

Non, ma patrie,

Plutôt mourir.

ACTE SECOND.

SCENE I.

LE PERE, RICHARD, RAYMOND.

LE PERE.

Je n'ai pu résister dans cette inquiétude,
Je veux enfin sortir de mon incertitude.
Le calme de la nuit règne encore en ces lieux,
Rien ne viendra troubler nos moments précieux,
Parlons en sûreté. Dites-moi que prétendre ?
Albion envers moi sera-t-elle plus tendre ?
Pourra-t-elle accorder un pardon généreux
A celui que son fils éloigne de ses yeux ?
Non, chez ce peuple fier si je retourne encore,
Je serai rejeté, car je sais qu'il abhorre
Celui qui par malheur trompe ses intérêts.
J'ai prêté devant lui des serments indiscrets :

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