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CHAPITRE VII.

De la fin que nous devons nous propofer dans
nos actions.

Nous avons deja fait voir que nos actions doivent

etre entierement degagées de toute forte de vanité & de refpect humain; & par là nous avons enfeigné à fuir le mal. Maintenant nous parlerons de la fin & de Pintention que nous devons avoir dans tout ce què nous faifons; & nous montrerons que la plus grande gloire de Dieu, eft l'unique but que nous nous devons propofer. Saint Ambroise allegue à ce propos ce que difent les Na turaliftes, que lors que l'Aigle veut connoitre fi fes Aiglons font legitimes ou non, il les prend dans fa ferre, & les tenant fufpendus en l'air, les expofe aux plus ardents raions du Soleil.S'ils le regardent fixement, il les eftime dignes de lui, les reporte dans leur aire, & les eleve comme fes petits, mais s'ils viennent à filler les yeux, il croit qu'ils ne font pas legitimes, & les laifle tomber de haut en bas. On connoitra de la meme forte que nous fommes veritablement enfants de Dieu, fi nous arre tons fixement notre veuê fur le veritable Soleil de Juftice, qui eft Dieu; lui referant tellement toutes nos actions qu'elles n'aient point d'autre but que de lui plai re, & d'accomplir fa volonté. Les paroles du Sauveur dans l'Evangile s'accordent tres bien à ce que nous di fons: Quiconque fait la volonté de mon Pere, qui eft dans les Cieux, il eft mon frere,ma fœur,& ma mere. (a) On lit d'un ancien Pere du defert, qu'à chaque chofe qu'il vouloit commencer, il s'arretoit un peu, & un jour quelqu'un lui aiant demandé ce qu'il faifoit : Songez, repondit-il, que toutes les actions n'ont aucun me rite d'elles memes, fi elles ne fe font avec une bonne fin. C'eft pourquoi, de meme que celui qui tire au blanc eft quelque temps auparavant à prendre fa vifée, & à bien ajufter fon coup; aufli moi, avant que je faffe ce a Matth, 12, 50,

que

que je me propofe, je dirige mon intention à Dieu, qui doit etre l'unique but de toutes nos oeuvres; & ce n'eft que pour cela que je m'arrete toujours un peu au commencement de chaque action. Nous devons en faire autant; & comme pour mieux donner dans le blanc, on ferme l'œil gauche, & l'on ouvre feulement le droit afin que la veuë foit plus ramaffée, & fe diffipe à moins de chofes: de meme, nous devons fermer l'oeil gauche, c'est-à-dire, n'avoir aucune veuë humaine, & n'ouvrir que l'oeil droit, c'est-à-dire, n'envisager que Dieu feul; & de cette forte nous ne manquerons pas de frapper au but, & de toucher infailliblement le coeur de Dieu; Vous avez bleffe mon cœur, ma fœur, mon epouse; vous avez bleffé mon cœur avec un de vos yeux. (a)

Pour parler plus clairement, & defcendre davantage dans le detail des chofes, je dis que nous devons effaier de rapporter, & de diriger actuellement toutes nos ac tions à Dieu, & en cela il y a du plus ou du moins. Car premierement nous devons le matin, lors que nous nous levons, offrir à Dieu toutes les penfées, les paro, les, & les actions de ce jour-là, & lui demander que le tout foit pour fon honneur, & pour fa gloire; afin que lors que la vaine gloire fe prefentera pour y participer, nous puiffions lui repondre avec verité, Vous venez trop tard, tout eft donné. Mais il ne faut pas encore fe contenter de cela; il faut s'accoutumer le plus qu'on peut à ne commencer, aucune chofe, que premierement nous ne la referions actuellement à la plus grande gloire de Dieu ; & de meme que dans les batiments on ne pofe aucune pierre, qu'on n'y applique le plomb & la regle'; ainfi à chaque action que nous faifons, nous devons ap❤ pliquer la regle de la volonté & de la plus grande gloire de Dieu. De plus, comme un habile ouvrier ne fe contente pas de fe fervir une fois de la regle & de l'équerre, mais qu'il s'en fert plufieurs fois, & jufques à tant que la pierre foit tout à fait bien affife: de meme, ce n'eft pas affez que nous ay ions offert une fois nos actions à Dieu,

a Cant. 4. 9.

au

au commencement de chacune; mais dans le temps meme que nous les faifons, il faut les faire de maniere que nous les offrions continuellement à Dieu,en lui difant, Seigneur, c'est pour vous que je fais ceci, c'eft parce que vous me le commandez, c'est parce que vous le defirez de la forte.

CHAPITRE VIII.

De ce qu'il faut faire, pour agir toujours avec une grande pureté d'intention.

expliquer de quelle forte on peut faire les actions avec une extreme perfection, ils ont coutume de faire une comparaison tres-jufte. Comme les Mathematiciens, difent-ils, ne confiderent dans les corps que les dimenfions & les figures, & font toujours abstraction de la matiere, parce qu'elle ne fait rien à leur fujet: de me me, le veritable ferviteur de Dieu ne doit fonger dans toutes fes actions, qu'à faire la volonté de Dieu ; & pour cet effet, il faut qu'il faffe une entiere abstraction de la matiere, c'est-à-dire, qu'il ne regarde point, ni dans quelle charge on l'emploie, ni quelle chofe on lui com. mande; parce que ce n'eft pas en cela que confifte notre perfection, mais feulement à faire la volonté de Dieu & à chercher fa gloire dans tout ce que nous faifon C'est ce que nous enfeigne le grand S. Bafile aprés l'Apotre: Toute la conduite d'un Chretien, dit-il, ne fe propofe qu'un but, qui eft la gloire de Dieu; c'est pour quoi, foit que vous mangiez, foit que vous beuviez &quelque chofe enfin que vous faffiez, faites tout dans la veuë de la gloire de Dieu.

Le Sauveur du monde fe trouvant fatigué du chemin, fes difciples qui etoient allé acheter à manger pendant qu'il fe repofoit fur le Puits de Jacob, & qu'il s'entretenoit avec la Samaritaine, le prefferent à leur retour de prendre quelque chofe pour reparer fes forces. Mais il I. Parties,

H

leur

leur repondit, J'ai une viande à manger que vous ne connoiflex pas. Et là-deffus, comme ils fe demandoient entre eux. Quelqu'un lui a-t-il apporté à manger ? Ma nourriture, leur adjouta-t-il, eft de faire la volonté de celui qui m'a envoié (a). Voilà quelle doit etre notre nourriture dans tout ce que nous faisons. Quand vous etudiez en votre particulier, que vous enfeignez en public, ou que vous préchez la parole de Dieu, ne vous nourriffez pas du plaifir de fçavoir, & de precher; mais nourriffez-vous du plaifir qu'il y a à faire la volonté de Dieu, qui veut que ce foit à ces chofes-là que vous foyicz alors occupé. Que fi vous etes emploié dans les fonctions qui regardent le service temporel de vos Freres, ufez-en encore de meme: la nourriture du Portier & de l'Infirmier n'eft point differente en cela de celle du Predicateur & du Regent ; & vous devez etre auffi content dans votre emploi, que chacun d'eux l'est dans le fien. Car l'accompliffement de la volonté de Dieu etant le fujet de la fatisfaction qu'ils doivent avoir, vous en pouvez avoir autant qu'eux, pourveu que, comme un bon Mathematicien spirituel, vous ne vous arrestiez pas à la matiere de l'action que vous faites, mais que vous confideriez feulement que vous faites ce que Dieu defire de vous. C'eft pourquoi nous devons effaier d'avoir toujours dans la bouche & dans le cœur ces paroles: C'eft pour vous, Seigneur, que je fais ceci, c'eft pour votre gloire, c'est parce que vous le voulez, & Continuer fans ceffe cet exercice, jufques à tant que nous parvenions à faire les chofes, comme des gens qui fervent Dieu, & non pas les hommes (b) ; c'est-à-dire, jufques à tant que nous nous fentions actuellement echauffez de l'amour de Dieu en ce que nous faifons que nous ayions de la joie d'accomplir en cela fa volon té ; & qu'enfin toutes nos actions ne foient proprement que l'effet de l'amour divin qui nous anime.

Le Pere Avila rapporte à ce fujet une comparaison fa miliere, & dit que nous devons nous comporter dans a Ioan, 4. 32, & feq. Ad Ephef, 6, 7,

tous

toutes nos actions comme une femme qui aimant ex-
tremement fon mari, & le voiant revenir tout pou
dreux, & tout haraffé de la campagne, lui lave elle-
meme les pieds. Elle fe fait une joie fi fenfible du fervi-
ce qu'elle lui rend, qu'on voit bien que c'est l'amour
qui lui fait faire tout ce qu'elle fait. Si nous pouvions
faire les chofes de cette forte; fi nous pouvions rencon
trer ce trefor caché (a) dans le champ; ce trefor expofé,
& fi caché tout enfemble, que nous ferions riches, que
nous deviendrions parfaits! C'est là la veritable pierre
Philofophale, qui change le fer & le cuivre en or; puis
que quelque baffe qu'une action foit d'elle-meme, elle
la rend d'un tres-grand prix. Tachons donc dorefna-
vant de convertir ainfi toutes choses en un or tres-pur,
puis qu'il nous eft fi aifé de le faire ; & comme dans le
Temple de Salomon (b), il n'y avoit rien qui ne fut
d'or, ou revetu d'or; qu'il n'y ait rien non plus en vous,
qui ne foit ou un acte, ou un effet de l'amour de Dieu,
a Matth. 13.44. 63. Reg. 6, 20,

CHAPITRE IX.

Que la caufe de nos distractions, & de notre relachement, ne fe doit pas attribuer à nos occupations exterieures; mais feulement à la nonchalance avec ·laquelle nous nous en acquitons.

PAR

AR tout ce que nous venons de dire, il eft aifé de voir, que fi quelquefois les emplois où nous fommes occupez nous caufent de la distraction, & nous portent au relachement ; la faute ne vient pas des emplois, mais de nous memes, qui ne fçavons pas nous en acqui ter comme nous devons. Si vous vous arreftez à l'exte. rieur, & à l'ecorce de l'action, vous vous travaillerez le corps en vain, & vous vous epuiserez inutilement l'efprit: la volonté de Dieu, qui eft comme le dedans, & la mouëlle de toutes chofes, eft ce qui doit faire votre nourriture:rompez l'ecorce, & penetrez jusques à la

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mouëlle,

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