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Nous lifons de quelques Peres du Deiert, (a) quë ne pouvant pas vaquer continuellement ou à la lecture fpirituelle, ou à l'oraison ; & ne voulant pas d'ailleurs demeurer oififs, ils emploioient tout le temps qui leur reftoit à faire des corbeilles de palme, où quelques autres ouvrages de main ; & que quelques-uns d'entre eux bruloient à la fin de l'année tout ce qu'ils avoient fait, comme n'aiant travaillé que pour s'occuper, & pour fuir l'oifiveté. C'eft ainfi que nous en devons user ; faire notre principale attache de ce qui concerne notre avancement fpirituel, & ne nous appliquer à toutes les autres affaires, meme à celles qui regardent l'edifica tion du prochain, que dans le meme efprit avec lequel ces SS. Peres s'amufoient à faire leurs corbeilles ; c'eftà-dire, fans que pour cela nous nous relacions le moins du monde des obligations que nous avons de faire notre falut, & d'afpirer fans ceffe à la Perfection. Il faut donc agir fur ce fondement, & le tenir pour un principe infaillible; que les exercices fpirituels, qui contribuent à notre progrés dans la pieté, doivent etre toujours preferez à toutes chofes, & que nous ne nous en devons jamais relacher pour quoi que ce foit : car c'est ce qui nous entretient, & qui nous fait profiter dans la vertu; & fi une fois nous les negligeons, nous nous appercevrons bientot, du prejudice que nous en aurons receu. Nous n'avons que trop d'experience, que quand nous ne fommes pas interieurement comme nous devons, cela ne provient jamais que de notre relachement dans les exercices fpirituels. Mon cœur eft devenu fec, dit le Pfalmifte, parce que j'ai oublié de manger le pain dont j'avois accoutumé de me nourrir (b). Si la nourriture de l'ame nous manque, il eft certain que nous deviendrons foibles & languiffans. S. Ignace nous recommande extremement ce point, & infiste fouvent là-deffus. L'etude, dit il en un endroit, tant des Novices que des autres, doit etre de l'entiere abne

a Caff, 1.10. Inftit.c.24. de Abbat. Paul, 6 Pfal. 101. 5.

gation de foi-meme, & des moiens les plus propres pour s'avancer dans la vertu & dans la perfection. Que tous. dit-il en un autre lieu, donnent un temps convenable aux exercices fpirituels, & tachent d'augmenter chaque jour dans la pieté, à proportion de la grace que Dieu leur donne. Et enfin ailleurs il ajoute: Que chacun apporte toute l'exactitude poffible à bien emploier tout le temps qui lui aura eté marqué pour vaquer à l'oraison, à la meditation, & à la lecture; & ces mots, toute l'exactitude possible, meritent fans doute que l'on y faffe une reflexion particuliere.

Par-là il eft aifé de voir, que quelques occupations qu'on puiffe avoir, ou à caufe de la charge qu'on exer ce, ou à caufe de l'obeïflance qu'on doit à fes Supe rieurs, leur intention n'eft pas que l'on quitte pour cela les exercices fpirituels que l'on a accoutumé de faire: parce qu'il n'y a point de Superieur qui veuille que l'on manque aux regles, & particulierement à de regles fi importantes & ii indifpenfables. Que perfonne donc ne pretende colorer fes manquemens & fa negligence dans les exercices fpirituels, du pretexte fpecieux de l'obeïffance, alleguant qu'on n'aura pu vaquer à l'orai fon, ou à l'examen de fa confcience, ou à quelque lecture pieufe, parce qu'on aura eté obligé de fatisfaire aux devoirs de l'obeiffance. Car aprés tout, ce n'est point l'obeïffance qui nous empeche de toutes ces chofes; c'est notre feule tiedeur particuliere, & le peu de ferveur que nous avons pour la pieté. S. Bafile dit que nous devons etre extremement fidelles à donner à Dieu les temps qui font deftinez pour nos exercices fpirituels; & que comme lors que nous n'avons pas eu le loifir, ou de manger, ou de dormir, parce qu'il aura fallu paffer la nuit auprés d'un malade, & l'aider à bien mourir, nous tachons de reparer auffitot les befoins du corps, & nous fçavons bien en trouver le temps: de meme, s'il arrive qu'il nous foit impoffible de faire notre oraifon, ou notie examen aux heures ordinaires, nous devons fou

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fouhaiter avec ardeur d'y fuppléer promptement, & nous en acquiter en effet le plutot que nous pouvons. Quand par quelque neceflité les Superieurs emploient quelqu'un dans le temps de fes exercices fpirituels, ils ne veulent pas pour cela qu'il les quitte, mais feulement qu'il les differe, & qu'il y fatisfafle en fuite entierement, felon ces paroles du Sage, Que rien ne vous empeche de prier toujours. Il ne dit pas, n'empechez perfonne, mais que rien ne vous empeche (a); c'est-à-dire, qu'il n'y ait aucun empechement qui vous faffe perdre l'oraifon: & certainement rien n'eft capable de la faire perdre à un bon Religieux, parce qu'il trouve toujours du temps pour y vacquer.

On raporte dans la Bibliotheque des Peres, que S. Dorothée etant obligé de fe coucher souvent fort tard, & de ferelever quelquefois la nuit pour recevoir les etran gers & les paffans dont on lui avoit donné le foin, il ne laiffoit pas neanmoins de fe lever avec les autres Reli gieux pour faire l'oraison ; & que voiant que celui qui avoit la charge de les reveiller, ne venoit point fraper à fa cellule, à caufe des occupations qu'on fçavoit qu'il avoit euës, il avoit prié un de fes compagnons de lui rendre cet office, quoi-qu'alors il ne fut pas encore trop bien remis d'une fievre qui l'avoit fort affoibli. C'etoit-là fans doute avoir un veritable defir de ne point manquer à fes exercices fpirituels, & etre bien eloigné de s'en difpenfer fur la moindre indifpofition, pour etre en fuite deconcerté tout le rette dujour. Nous lifons au meme endroit, qu'un faint vieillard apperceut une fois un Ange qui encenfoit tous les Religieux qui s'etoient hatez de fe trouver à l'oraison, & meme les places vuides de ceux qui par un empechement legiti me n'avoient pu y affifter; mais pour les places de ceux qui n'y avoient manqué que par leur pareffe, il paffoit devant fans y donner de l'encens. Ceci eft tres-propre, & pour confoler ceux, qui etant appellez ail leurs par l'obeïflance, ne peuvent affifter avec les

a Ecclef. 18. 22.

autres

autres aux exercices de devotion, & pour nous apprendre à n'y point manquer par notre faute.

CHAPITRE II.

De l'amour, & de l'ardeur que nous devons avoir pour la Perfection.

Ienheureux, dit l'Evangile, ceux qui font affamez,

Balterez de la justice, car ils feront raffafiez (2).

Quoi-que ce mot de juftice foit un nom, qui fe donne particulierement à une des quatre Vertus Cardinales diftinguée des autres, il ne laitle pas neanmoins de convenir auffi à toute forte de vertu & de fainteté en general. Nous nommons juftice, la candeur & la fainteté de la vie ; & nous appellons juftes, ceux qui font faints & vertueux. La juftice des gens de bien les delivrera, dit le Sage (b): c'est-à-dire, ils feront fauvez par la fainteté de leur vie ; & c'est ainfi que ce meme mot fe prend en plufieurs autres endroits de l'Ecriture. Si votre juftice, dit le Sauveur, n'eft plus grande que celle des Docteurs de la Loi & des Pharifiens, vous n'entrerez point dans le Roiaume du Ciel (c), c'est-à-dire, fi vous n'avez plus de vertu, plus de religion, & plus de fainteté qu'eux. On doit entendre aufli dans le meme fens, ce que dit le meme Sauveur à S. Jean qui refusoit de le baptifer: C'est ainsi qu'il faut que nous faffions, pour accomplir toute forte de justice (d) ; comme voulant dire, c'eft ainfi qu'il faut que je faffe, pour donner un exem. ple d'obeiffance, d'humilité,& de toute forte de per fection: Nous devons donc interpreter de la meme maniere les paroles que nous avons citées au commencement de ce Chapitre,& croire que JESUS-CHRIST nous a voulu dire, Bienheureux ceux qui ont tant d'a mour & tant de paffion pour la vertu & pour la perfection, qu'ils en font tourmentez comme d'une faim & d'une foíf violente. S. Jerome parlant fur ce paffage,

A 6

dit

a Matth.s.6. Prov.11.6. c Matth.5.20. d Matth, 3.15.

dit qu'il ne fuffit pas d'avoir quelque leger defir de la vertu & de la perfection; qu'il faut en avoir une faim & une foif ardente, & que nous puiffions nous ecrier avec le Prophete: De meme qu'on voit un cerfbaleter aprés les fources des eaux, ainfi mon ame afpire inceffamment à vous,ô mon Dieu ! (a)

*

fleft fi important d'etre vivement touché de ce defir, que, comme nous difions dans le precedent Chapitre, c'eft de là que depend tout notre avancement fpirituel, c'eft-là le premier principe qui nous y difpofe, & l'uni que moien qui nous peut faire acque la Perfection. Le commencement de la Sageffe,qui n'est autre chofe que la connoiffance & l'amour de Dieu, en quoi cette perfection confifte, est d'avoir un veritable & violent defir de l'obtenir (b). Aufli les Philofophes difent tresbien, qu'en toutes chofes, & principalement dans les actions morales, la fin eft la premiere cause qui nous fait agir de-forte que plus nous fouhaitons cette fin avec paffion, plus nous aportons de foin & d'ardeur pour y parvenir. Ileft donc, encore une fois,fi necef faire pour notre avancement, de le defirer fortement, & que ce delir nous parte veritablement du cœur, & nous emporte aprés lui, fans qu'il foit befoin que nous foyions excitez d'ailleurs, qu'il y aura peu à esperer de quiconque n'aura pas ces fentimens. Donnons-en un exemple dans la perfonne d'un Religieux; & chacun pourra en fuite s'en faire l'application, conformement à la fituation particuliere où il fe trouve. Il eft neceffaire dans la Religion que les Superieurs veillent avec un tres-grand foin fur leurs inferieurs, qu'ils ufent de correction envers eux, & qu'ils leur impofent des peniten ces: cependant on ne devra pas beaucoup s'affeurer fur un Religieux qui ne fera les chofes que par ce motif; parce qu'enfin cela fera tout au plus, que pendant quel que temps, & lors qu'on aura une extreme attention fur lui, il fe comportera affez bien mais fi tout ce qu'il fait ne part effectivement du fond du cœur, & a 181.40.1. 4. Sap. 6. 18.

d'un

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