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tront notre INCONNU au rang d'Homere, de Theochrite, d'Anacreon, ce ne lui fera pas un grand defavantage, il aura de quoi fe confoler en fi bonne Compagnie.

LXVI. Qui chante. ] P. Belon vient déja de nous dire que cet oifeau chante plaifamment; mais ce n'eft pas affez dire à mon gré, je trouve que cet oifeau chante fi bien, furtout lorsqu'il s'éleve de terre jusques aux nuës, qu'on peut dire de lui ce que Berfamnus dit du Roffignol.

Verfalitem namque cantuum necit fonum,
Fractafque titillationes fabricat

Peritia artis fingulari musica.

D'où vient qu'Aneau devant fa Traduction de 3e Livre de la Metamorphofe, dit de Clement Marot.

Clement Marot ce bon Poëte François
Qui en hault vol, plus hault chant reclama,
Chantant mourant ainfi que l'Aloëtte.

LXVII. Au point du jour. ] C'eft une maniére de parler très-Françoife & trèsufitée. Menage n'en a rien dit dans fon Dictionaire Etymologique; elle méritoit bien toutefois qu'on en découvrît

l'origi

P'origine, & il lui auroit été très-facile de le faire en découvrant celle de Poindre. En effet, le substantif point vient de ce vieux verbe neutre poindre, ufité chez nos Anciens pour fignifier, fe faire on verture, percer, piquer. C'eft ainfi, comme l'observe fort bien Furetiere, qu'on appelle point la douleur que caufe un vent qui voudroit fortir, & qui fe trouve trop compreffé. C'est auffi de même qu'on dit l'herbe point, pour dire l'herbe commence à pouffer,

Viens paiftre en mon verd bois fleuri, Où l'herbette verdoye & point. Et c'est ainfi apparemment qu'on dit le jour point, parceque les premiers rayons de la lumiere percent, fe font ouverture au travers des nuages & de l'obscurité. Mais j'ai là-deffus un foupçon que je ne croi pas mal fondé, c'est qu'on n'auroit pas tant dit, le jour point, eu égard à ces rayons de lumieres qui percent les nuages, qu'eu égard à un certain froid qui pique quand le jour commence à paroître d'où vient qu'on dit, fentir la pointe du jour. Dès que je fens le point du jour. Auffi les Hol fandois ont-ils en leur Langue cette expreffion de Krikije van den dag, la poin

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te du

Molinet.

P. 166.

P 133.

Strophe IV.

te du jour. Or la pointe & le point font deux mots à-peu-près fynonymes, qui dérivent du même verbe poindre.

Après cette Remarque Grammaticale, faifons-en une autre ; en faveur de notre Poëte, obfervons que c'eft l'Alonette qu'il fait chanter au point du jour, & que cet oifeau chante effectivement aux premiers rayons de la lumiere; ce que ne font pas tout les oifeaux. Ceci fait voir combien notre INCONNU avoit une grande connoiffance de la Nature, auffi bon Philofophe qu'il eft excellent Poëte.

LXVIII. Amant. ] Remarquez toujours la proprieté des termes. Amant eft ici beaucoup mieux que Galant. Aulieu que dans ce qui précéde, Galant a plutôt dû être employé qu'Amant. Qu'on réfléchiffe fur ceci, & l'on verra combien il y de goût & de finesse dans le choix de ces deux mots. Peu de gens pourroient les placer fi bien.

Non cuivis datum eft adire Corinthum.

LXIX. Si vous eft honête.] Remarquez qu'auparavant le Poëte a dit que COLIN étoit bonête.

Le Galant qui fut honête.

Et

Et à préfent il met un fi, comme s'il y avoit lieu d'en douter. Cette figure que les Latins appellent dubitatio, & les Grecs Topia, eft d'une très-grande force pour convaincre, pour perfuader. Par elle on fait que celui à qui on s'adreffe devient lui-même fon propre juge, il faut qu'il prononce fur l'état où il eft, & qu'il le prouve en faisant ce qu'on lui demande. Et s'il fe trouve dans l'état dont on fait femblant de douter, le fi, prend alors la force de puifque, & la propofition devient un vrai enthymême. Ainfi cette propofition, Amant, fi vous eft' honêts retirezvous, eft comme fi l'on difoit, Amant, puifque vous eft honête retirez-vous. C'eft ainfi que dans la Traduction des Epîtres d'Ovide, Medée dit à Jafon :

Mais ce fut dans ce lieu que tu te fis connoître, Et qu'avec un visage auffi beau que menteur Tu me tins ce difcours auffi doux que flateur: Sous vos divins appas la fortune affervie, Vous a fait aujourd'hui l'arbitre de ma vie. Et par un peu de haine, ou par un peu d'amour, Vous pouvez ou m'âter, ou me rendre le jour. Si vous pouvez me perdre avec tant de puiffance, Vous pouvez me fauver avec plus de clémence Et toujours plus de gloire, après un tel malheur, Suit l'excès de bonté que l'excès de rigueur.

C'eft

C'eft à-peu-près dans le même ufage que Mr. Racine a employé le fecond f des Vers fuivans. Andromaque parle d'Hector.

Chere Epoufe, dit-il, en effuyant mes larmes,
J'ignore quel fuccès le forr garde à mes armes;
Je te laiffe mon fils pour gage de ma foi,
S'il me perd je prétends qu'il me retrouve en toi.
Si d'un Epoux chéri la mémoire t'eft chere,
Montre au fils à quel point tu fus aimer le Pere.

LXX. Eft honête. ] Avec une élifion, & non pas êtes honêtes. Le Poëte a pris cette licence avec d'autant plus de raifon que les perfonnes qui parlent le mieux n'ont aucun égard à l's dans la prononciation d'êtes, lorfque c'est une voyelle qui fuit. Vous eft' un brave homme, & non vous êtes un brave bomme. Vous eft affez heureux, & non vous êtes affez heureux.

Auffi Voiture, qui peut-être a vû ce CHEF-D'OEUVRE, n'a pas fait difficulté de prendre cette même licence. Il dit dans une Elégie,

Car vous ne croiriez pas tant vous êt' inhumaine, Qu'il ait beaucoup d'amour s'il n'a beaucoup de peine.

Je fai bien qu'il y a des personnes, &

j'en

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