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pas droit d'ignorer les autres; nous sommes obligés à les garder tous, et par conséquent à les savoir tous.

Enfin la vraie religion n'est pas comme les fausses, qui ne consistent qu'en un culte extérieur et en de vaines cérémonies. C'est (a) une doctrine, une étude, une science. Les fidèles étaient nommés disciples avant qu'ils eussent reçu à Antioche le nom de Chrétiens (b): les évêques sont nommés docteurs chez tous les anciens, et Jésus-Christ fondant son Eglise, dit aux Apôtres (c): Allez, instruisez toutes les nations. Il est donc impossible d'être Chrétien et d'être entièrement ignorant, et celui-là est le meilleur chrétien, qui connaît le mieux et pratique le mieux la loi de Dieu. Or, quoique l'on puisse la connoître sans la pratiquer, il est impossible d'en pratiquer que ce que l'on en

connoît.

Mais il faut avouer que les particuliers ne sont pas seuls coupables de l'ignorance qui règne depuis longtemps dans l'église ; il y a bien de notre faute; je dis de nous autres Prêtres, et de tous ceux qui sont établis pour instruire. Quoique l'on prêche très souvent, et qu'il y ait une infinité de livres qui traitent de toutes les parties de la religion, on peut dire qu'il n'y a pas assez d instruction pour les Chrétiens, même pour les mieux intentionnés. Les livres sont de plusieurs sortes; des traités de théologie, pleins de questions curieuses, dont le commun des fidèles n'a pas besoin, écrits en latin et d'un style qui n'est intelligible qu'à ceux qui ont fréquenté les écoles; des commentaires sur l'écriture, la plupart fort longs, et presque tous en latin; (a) Deut. IV. 7. (c) Matth. xxvII. 15. (b) Act. xi. 16.

des vies des saints, qui ne vont qu'à montrer des exemples particuliers de vertu des livres spirituels, qui donnent de bonnes pratiques pour sortir du péché et pour avancer dans la vertu et dans la perfection; mais qui supposent des Chrétiens suffisamment instruits de l'e sentiel de la religion, et qui par la longueur du style et la grosseur des volumes, ne sont pas à l'usage des gens occupés ou peu attentifs. Il en est de même des sermons. On n'y traite que des sujets particuliers, détachés le plus souvent les uns des autres, selon la fête, l'évangile, ou le dessein du prédicateur. On y explique rarement les premiers principes, et les faits qui sont les fondements de tous les dogmes: on y parle des histoires contenues dans l'Ecriture sainte, comme de choses connues de tout le monde.

De là vient que les lectures publiques de l'Ecriture, qui font partie de l'office de l'église, servent si peu pour l'instruction des fidèles, pour laquelle on les a instituées. Tout le monde n'entend par le latin; peu de gens se servent de traductions; et elles ne suffisent pas, si l'on ne connoît les livres saints, d'où les leçons sont tirées, et si l'on ne les y lit dans leur suite. On devroit suppléer à ce défaut par les sermons : mais ce n'est pas expliquer un évangile, que d'en prendre un mot pour le texte, et y faire venir à propos tout ce que l'on veut. Ainsi on trouve partout de bonnes gens, qui fréquentant les églises depuis quarante ou cinquante ans, et étant fort assidus aux offices et aux sermons, ignorent encore les premiers éléments du christianisme.

Il n'y a que les Catéchismes qui descendent jusques à ces premières instructions si nécessaires à tout le

monde: mais il semble qu'ils ne sont pas assez estimés. La plupart croient savoir le Catéchisme, parce qu'ils l'ont appris en leur enfance; et ne s'aperçoivent pas qu'ils l'ont oublié, ou qu'ils ne l'ont jamais bien entendu. D'autres ont honte d'avouer leur ignorance et leur mauvaise éducation, et ne peuvent s'abaisser jusqu'à ces instructions, qui les remettroient, ce leur semble, aux petites écoles. Les ecclésiastiques, je dis ceux qui cherchent leur intérêt plutôt que ceux de Jésus-Christ, méprisent cet emploi, parce qu'il est pénible, obscur et infructueux. S'ils croient avoir de grands talents, ils cherchent de la réputation par l'éloquence de la chaire: s'ils en ont moins, ils s'appliquent au confessionnal et à la direction. Mais une des plus grandes difficultés de la confession est l'ignorance des Chrétiens et qui les instruiroit bien, trancheroit beaucoup de péchés par la racine.

Il est vrai que la forme et le style des Catéchismes a peu d'attrait pour ceux qui les apprennent. Car pour ceux qui l'enseignent, il ne faut pas espérer qu'ils prennent jamais grand plaisir à répéter souvent des vérités qui leur sont familières: trouvant toujours de nouvelles difficultés de la part des auditeurs, il n'y a que la charité qui puisse en faire l'agrément. Mais pour les disciples, comme la plupart sont des enfants qui ne peuvent voir l'utilité de ces instructions, il seroit à souhaiter qu'elles eussent quelque chose de plus engageant qu'elles n'en ont pour l'ordinaire. Car il semble que ceux qui, dans ces derniers temps, ont composé les Catéchismes, n'ont pas eu cette vue, ou n'ont pas cru qu'il fût possible d'y réussir. Ils ont seulement cherché à renfermer en peu de paroles le plus essentiel

de la doctrine Chrétienne : à le distribuer, suivant un certain ordre, et à le faire apprendre aux enfants par des questions et des réponses qui s'imprimassent fortement dans leur mémoire; et c'est en effet le plus nécessaire. Aussi ces Catéchismes ont-ils produit de très grands fruits, et quelque ignorance qui reste parmi les Chrétiens, elle n'est pas comparable à celle qui régnoit il y a deux cents ans, avant que saint Ignace et ses disciples eussent rappelé la coutume de catéchser les enfants.

Mais enfin on ne peut nier que le style des Caté chismes ne soit communément fort sec, et que les enfants n'aient beaucoup de peine à les retenir, et encore plus à les entendre. Cependant les premières impressions sont les plus fortes; et plusieurs conservent toute leur vie une aversion secrète de ces instructions qui les ont tant fatigués dans leur enfance. Tous les dis cours de religion leur paroissent tristes et ennuyeux. S'ils écoutent des sermons, s'ils lisent des livres de ;' piété, c'est avec dégoût et à contre-cœur, comme on prend des médecines salutaires, mais désagréables. La religion leur semble une loi dure : ils ne la suivent que par crainte, sans goût et sans affection, la mettant où elle n'est pas, et ne s'attachant qu'aux formalités. D'autres plus emportés, s'écartent tout-à-fait; prévenus des fausses idées que leur ont donné la dureté des Catéchismes et la simplicité des femmes qui ont été les premières à leur parler de religion. Ils ne veulent rien écouter, et supposent, sans s'en éclaircir, que tous ces discours ne méritent pas seulement d'être examinés. C'est ce qui fait les libertins, principalement quand leurs passions et leurs mauvaises habitudes leur rendent

odieuses les vérités de la religion : quand ils ont intérêt de les détruire, au moins dans leur esprit, pour apaiser les remords qui les tourmentent. Et voilà jusqu'où peuvent aller les mauvais effets des instructions désagréables.

Cherchons donc avec l'aide de Dieu (a), qui veut le salut de tous les hommes, s'il y a quelque moyen de remédier ou de suppléer à la sécheresse des Catéchismes; et premièrement tâchons d'en découvrir la cause. Elle vient, si je ne me trompe, de ce que les premiers qui les ont composés, étoient des théologiens nourris dans l'école, qui n'ont fait qu'extraire de chaque traité de théologie, les définitions et les divisions qu'ils ont jugées les plus nécessaires, et les traduire en langue vulgaire sans en changer le style. Ils ont aussi suivi la méthode scolastique, et ont voulu faire apprendre aux enfants les raisons de la suite des traités; pourquoi l'on parle des vertus et des sacrements après avoir traité des mystères, et ainsi du reste. Mais je crains qu'ils n'aient pas assez fait de réflexion sur l'état de ceux qu'ils entreprenoient d'instruire; et en effet, il est difficile que des hommes qui ont étudié long-temps, et qui sont fort exercés dans toutes les subtilités d'une science, puissent bien se représenter jusqu'où va l'ignorance de ceux qui n'en ont aucune teinture.

La méthode et le style de la théologie scolastisque sont fort propres à ceux qui ont étudié la logique et les autres parties de la philosophie, tels que sont ordinairement les théologiens. Quand on leur propose d'abord que Dieu peut être considéré en so. (b), ou

(a) Tim. 11. 4.

(b) S. Th. 1. p. quæst. 2.

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