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jeune lorsque la grâce lui inspira le dessein de quitter le monde. Docile à ses impressions, il se retira dans une petite cellule, située auprès d'un village en Egypte. Au travail des mains, qui consistait à faire des paniers, il joignait une prière continuelle et la pratique des plus grandes austérités. La paix qu'il goûtait dans le service de Dieu fut bientôt troublée par la plus délicate des épreuves. Une fille du voisinage, devenue enceinte, l'accusa de l'avoir déshonorée. Il n'en fallut pas davantage pour l'exposer aux plus indignes traitemens: on le traîna ignominieusement dans les rues; on le battit, et l'on l'outragea comme un hypocrite qui cachait le cœur le plus corrompu sous l'habit d'un anachorète.

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Macaire, assuré de son innocence, ne se mit point en peine de la justifier; il souffrit les coups et les insultes avec une patience admirable: il fit plus, il se chargea de pourvoir à la subsistance de son accusatrice, en lui envoyant ce qu'il retirait de ses corbeilles. « Eh bien, » Macaire, se disait-il à lui-même tu as trouvé une » femme, tu dois donc redoubler ton travail, afin d'être » en état de la nourrir. » Mais Dieu ne tarda pas à manifester l'innocence de son serviteur. Le terme de cette misérable fille étant arrivé, elle ressentit d'horribles douleurs, et ne put mettre au monde son enfant, que lorsqu'elle en eut nommé le véritable père. Le peuple ouvrit les yeux, et sa fureur se changea en admiration, quand il vint à réfléchir sur la patience et l'humilité de notre Saint (2); il lui aurait même donné des preuves publiques du respect et du répentir dont il était pénétré, si Macaire, qui redoutait le poison de l'estime et des louanges, ne se fût retiré dans le désert de Scété (a), où il

(2) Cotel. ibid. Rosweide, Vit. Patr. 1. 3. c. 99; 1. 5 c. 15, p. 623. (a) La montagne de Nitrie était environ à seize lieues d'Alexandrie,

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passa les soixante dernières années de sa vie. Malgré le soin qu'il prenait de cacher ses vertus, elles ne laissèrent pas de jeter au loin le plus vif éclat; aussi plusieurs personnes vinrent-elles se mettre sous sa conduite, pour apprendre de lui les moyens de parvenir à la perfection. De tous ses disciples, il n'en retenait qu'un avec lui pour avoir soin des étrangers; les autres demeuraient dans des hermitages séparés les uns des autres.

Un évêque d'Egypte, qui connaissait l'éminente sainteté de Macaire, jugea qu'il était à propos de l'élever au sacerdoce Il l'ordonna donc prêtre, afin qu'il pût célébrer les divins mystères pour la commodité de cette sainte colonie, qui croissait de jour en jour. Comme elle se trouva considérablement augmentée au bout de quelque temps, on bâtit quatre églises dans le désert, et chacune d'elles eut un prêtre pour la desservir.

Les austérités de Macaire étaient extraordinaires : il ne mangeait qu'une fois la semaine; aussi son visage étaitil fort pâle, et son corps extrêmement faible. Evagre son disciple, brûlé d'une soif ardente, lui ayant un jour demandé la permission de boire un verre d'eau, il lui répondit : «< Contentez-vous d'être à l'ombre, plusieurs personnes sont actuellement privées du même soulagement.

entre le couchant et le midi. Le désert de Scété était encore à plus de seize lieues au-delà, et plutôt dans la Lybie que dans l'Egypte. Comme il était fort vaste, et qu'il n'y avait point de route frayée, on ne pouvait y aller qu'en observant le cours des astres, et on avait tout lieu de craindre de se perdre, si l'on s'égarait tant soit peu. Voyez Tillemont sur saint Amon et sur saint Macaire d'Egypte, et Bolland. 17 Jan. p. 208, §. 3. Le désert des Cellules était éloigné de la montagne de Nitrie d'environ cinq lieues, et faisait presque un même désert. L'église de Nitrie était fort grande, et desservie par huit prêtres. Dans le désert de Scété, il y avait quatre églises pour les solitaires. Un décurion ou doyen veillait sur neuf moines, et un centenier sur dix décuries. Chaque désert avait souvent un supérieur général.

T. I.

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Depuis vingt ans je n'ai jamais mangé, ni bu, ni dor» mi, qu'autant qu'il le fallait pour soutenir la nature (3). » Il avait entièrement renoncé à sa volonté propre, pour ne faire que celle des autres, et c'était pour cela qu'il ne refusait point de boire le vin qu'on lui présentait; mais ensuite il se privait de toute espèce de boisson pendant deux ou trois jours, afin de se punir en quelque sorte de sa complaisance. Evagre qui s'en aperçut, pria les étrangers de ne lui plus offrir de vin (4).

Les instructions qu'il donnait aux autres étaient conçues en peu de paroles, et avaient pour but principal de recommander le silence, la prière, le recueillement, l'humilité et la mortification, vertus qu'il possédait lui-même dans le plus parfait degré. « Quand vous priez, disait-il, >> il n'est pas besoin d'user de beaucoup de paroles. Il suf» fira de répéter souvent, dans la sincérité du cœur, ce » peu de mots: Seigneur, faites-moi miséricorde de la » manière que vous jugerez m'être la plus utile. Mon Dieu, » secourez-moi (5). » Il connaissait par expérience l'efficacité de ces oraisons jaculatoires, et il n'y en avait point qu'il aimât tant que celle-ci, qui est tout à la fois le langage de la résignation et de l'amour : « Seigneur, ayez » pitié de moi de la manière que vous le voulez, et que » vous savez être plus conforme à votre bonté (b).

On ne pouvait se lasser d'admirer la douceur et la patience de Macaire; rien n'était capable d'altérer en lui ces deux vertus. Un prêtre païen et plusieurs autres infidèles en furent si frappés, qu'ils se convertirent à la religion

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(4) Rosweide, 1. 3. §. 3. p. 5o5; l. 5, c. 4, §. 26, p. 569.

(5) Rosweide, 1. 3, c. 207; l. 5, c. 12. Cotel. p. 537.

(b) Domine, sicut sis et vis, miserere mei.

chrétienne (6). Son humilité n'était pas moins admirable : elle tira un jour cet aveu du démon lui-même. « Macaire, » disait-il au serviteur de Dieu, je peux bien te surpas» ser en veilles, en jeûnes et en plusieurs autres choses; » mais ton humilité me confond et me désarme (7). »

Plusieurs personnes s'empressaient de toutes parts d'aller consulter le saint abbé : de ce nombre fut un jeune homme qui voulait embrasser la vie solitaire. Macaire lui ordonna de se rendre dans un lieu rempli de morts, et de leur dire des injures. Il l'y fit retourner une seconde fois pour leur donner des louanges. A son retour, il lui demanda quelle réponse les morts lui avaient faite. « Ils n'ont répondu, dit le jeune homme, ni aux injures, ni aux louanges. Allez donc, reprit le Saint, et imitez leur in» sensibilité. Si vous mourez au monde et à vous-même, » vous commencerez à vivre pour Jésus-Christ. »> Comme nous ne pouvons rapporter toutes les paroles remarquables de Macaire, nous nous contenterons de citer quelques exemples; on jugera par-là des progrès qu'il avait faits dans la vie spirituelle.

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Il dit un jour à une personne : « Si vous recevez de la » main de Dieu la pauvreté comme les richesses, la faim » et la nécessité comme l'abondance et les festins, vous » terrasserez à coup sûr l'ennemi de votre salut, et vous » dompterez toutes vos passions (8). » Un anachorète se plaignant à lui de ce qu'une faim dévorante le sollicitait toujours à rompre le jeûne dans la solitude, au lieu que dans le monastère il passait aisément des semaines entières sans manger; il lui répondit agréablement : « C'est, mon fils, que dans le désert vous n'avez personne qui

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(6) Rosweide, 1. 3, c. 127. Cotel. t. I, p. 547.

(7) Rosweide, l. 5, c. 15.

(8) Rosweide, 1. 7, c. 38. Cotel. t. I, p. 537.

>> soit témoin de vos jeûnes, qui vous soutienne et vous nourrisse de ses louanges, au lieu que la vaine gloire » était votre nourriture dans le monastère, où le plaisir de » vous distinguer des autres par votre abstinence, vous va» lait un bon repas (9). » Un autre anachorète l'ayant consulté sur les moyens de vaincre les efforts de l'esprit impur qui le tentait violemment, le Saint, qui vit que ces tentations venaient de l'oisiveté, lui conseilla de s'occuper fortement de son travail, de ne pas le discontinuer pendant tout le jour, et de ne manger qu'après le coucher du soleil. Le solitaire obéit de point en point, et fut délivré de ses peines.

Macaire apprit un jour par révélation qu'il n'était pas encore aussi parfait que deux femmes mariées qui demeuraient dans une ville voisine. Il partit aussitôt pour les visiter il trouva effectivement qu'elles menaient la vie la plus sainte. Attentives à veiller sur leurs langues, elles ne prononçaient jamais de paroles inutiles. Humbles, patientes, douces, complaisantes pour leurs maris, elles se conformaient en tout à leurs volontés, lorsque la loi de Dieu n'y mettait point d'obstacles. Toujours recueillies, elles recouraient fréquemment à Dieu par des oraisons jaculatoires, afin de lui consacrer sans cesse toutes les puissances de leurs ames et de leurs corps (10).

Outre le don de prophétie, notre Saint avait encore celui des miracles : il en donna une preuve éclatante dans une occasion où il s'agissait de confondre l'erreur. Un hérétique de la secte des hiéracites (c) s'était insinué dans

(9) Cassien, collat. 5, c. 32.

(10) Rosweide, 1. 3, c. 97; 1. 6, c. 3, §. 17, p. 657.

(c) Ainsi appelés d'Hiérax, leur chef, qui dogmatisait en Egypte vers le temps de l'Empereur Dioclétien. Entr'autres erreurs, il niait la résurrection des corps.

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