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gradé, ne pouvait donc offrir une réparation suffisante, et égale à l'injure du Créateur. Vous parlez de la médiation des anges qui auraient uni leur intercession aux efforts de l'homme. Ajoutons-la, j'y consens, généreuse et abondante, elle ne rendra pas la satisfaction condigne. Car cette coopération de simples créatures, toujours bornées et imparfaites, ne s'élèvera jamais à une réparation infinie.

LE D. Est-il bien vrai que le péché de l'homme soit d'une malice infinie? Ne, dit-on pas plutôt que cette malice est très grande, très grande sans doute, indéfinie, si vous voulez ; mais enfin, elle ne va pas jusqu'à l'infini. Dans cette opinion, il me semble que l'homme, avec le secours des anges, pouvait offrir une réparation suffisante.

LE TH. J'espère vous convaincre du contraire; car en admettant que l'offense n'aie pas une malice infinie,comme son objet, elle devra au moins s'accroître dans la proportion de la dignité de la personne offensée. Le simple bon sens fait comprendre que l'outrage adressé à un roi est d'une malice plus grande que l'injure faite à un de ses sujets. Or,supposons une créature très supérieure et à l'homme, et aux anges, de sorte qu'en réunissant leurs moyens, ils puissent lui offrir exactement, et point au-delà, la réparation d'une offense leur suffisance sera donc épuisée par cette satisfaction? Mais Dieu n'est-il pas infiniment plus parfait qu'une simple créature, quelques qualités que vous lui supposiez ? et l'offense

qui lui est adressée, n'aura-t-elle pas une malice indéfiniment plus grande? Comment donc recevrat-il une réparation suffisante de ces créatures, dont la satisfaction pourrait tout au plus égaler l'offense d'un être créé? Ainsi, lors même que la malice de l'injure faite à Dieu ne serait pas infinie, comme elle doit augmenter dans la proportion de ses perfections sans bornes, l'homme et les anges ne la réparefaient jamais d'une manière

suffisante.

LE D. Je n'ai pas bien saisi ce raisonnement; ne pourriez-vous pas l'exposer avec plus de précision et de simplicité?

LE TH. Supposez que les qualités de la créature offensée s'élèvent à quatre-vingt, l'injure montera proportionnellement jusqu'à cinquante, si vous voulez. Les perfections infinies de Dieu n'ayant point de terme, l'offense qui lui sera adressée, aura donc une malice indéfinie. Mais si la réparation des anges et de l'homme ne peut s'élever qu'à cinquante, comment satisfera-t-elle pour l'offense faite au Seigneur, puisqu'elle monte à un degré indéfini?

LE D. Cette argumentation est passablement ardue: n'auriez-vous pas quelqu'autre moyen, pour montrer l'insuffisance des anges et des hommes, relativement à la réparation du péché?

LE TH. Oui, il est une autre manière de résoudre cette difficulté; vous n'aurez, j'espère, aucune peine à la comprendre : une satisfaction rigoureuse, complette, doit se faire avec des moyens

propres à celui qui veut offrir la réparation; car si ces moyens lui viennent de la bienveillance de la personne offensée, vous conviendrez qu'il n'y a plus de satisfaction rigoureuse possible. Or, telle était la condition de l'homme vis-à-vis de Dieu. Il ne pouvait satisfaire que par des actes de vertu, et il lui était impossible de les concevoir, de les réaliser, sans la grâce que le Seigneur était le maître d'accorder ou de refuser. Dans cet état, il n'aurait satisfait à Dieu qu'avec les moyens reçus de sa bonté, mis à exécution, rendus dignes, méritoires par sa grâce; ce qui exclut l'idée de satisfaction rigoureuse, propre, et personnelle. Vous direz peut-être : Mais les anges du moins étaient en position d'offrir à Dieu la réparation exigée? Détrompez-vous ils né le pouvaient pas plus que l'homme; car, n'étant plus dans la voie du mérite, ils intercèdent, sans pouvoir mériter. D'ailleurs, vous accorderait-on qu'ils aient été capables de mérite, ils l'auraient acquis par la grâce du Seigneur. Vous le voyez encore pour les anges: ils étaient dans l'impossibilité d'offrir à Dieu une réparation rigoureuse pour le péché del'homme. Elle ne pouvait être accomplie par une pure créature, et il ne restait au coupable que la médiation volontaire du Fils de Dieu, qui est venu opérer sa rédemption.

LE D. Le Fils de Dieu aurait-il pù racheter l'homme sans s'unir une autre nature? et dans l'hypothèse où il en fallût une, pourquoi n'a-t-il

pas préféré la nature angélique qui eût été, ce semble, moins indigne de lui?

LE TH. Il ne paraît pas possible que le Fils de Dieu nous rachetât par une satisfaction rigoureuse, sans l'union avec une autre nature, puisqu'alors le mérite de ses actions réparatrices aurait été commun aux trois personnes divines. D'ailleurs, l'homme ayant péché par désobéissance, par esprit d'orgueil, Dieu exigeait une réparation par les vertus contraires, et le médiateur devait être soumis à l'obéissance et à l'humilité; ce que le Fils de Dieu ne pouvait accomplir sans prendre une autre nature susceptible de ces actes. Quant au choix et à la convenance dont vous parlez, je vous répondrai que le Fils de Dieu n'entendait pas s'honorer, ni s'élever dans l'accomplissement de notre rédemption; il voulait au contraire s'humilier jusqu'à l'anéantissement, subir l'ignominie de la croix pour inspirer à l'homme plus l'horreur de ses crimes, exciter davantage sa reconnaissance son amour lui apprendre à souffrir avec résignation, en esprit de sacrifice, toutes les misères de la vie. Tels devaient être les résultats d'une satisfaction visible et sanglante, que nous ne concevons pas possible, dans l'hypothèse de l'union du Verbe avec la nature angélique. Le Seigneur a encore voulu que cette nature humaine, qui s'était rendue prévaricatrice, coopérât ellemême à la réparation exigée.

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et

LE D. Pour opérer cette rédemption, le Fils

de Dieu

en se faisant homme, a donc pris

toutes les infirmités et les faiblesses de notre nature?

LE TH. Jésus-Christ a voulu s'assujétir à nos infirmités, à nos souffrances : Il nous a paru un homme de douleurs, qui sait ce que c'est que souffrir. Il a pris véritablement nos langueurs, et s'est chargé lui-même de nos douleurs. (Isa. 53.) N'est-il pas fait mention dans l'Evangile de ses larmes, de ses tristesses, de son agonie, de ses souffrances, de sa mort? Cependant nous avons, par notre nature déchue, des infirmités que le Sauveur n'a point prises, comme l'ignorance, le trouble involontaire, la concupiscence. Car saint Paul décrit aux Colossiens les trésors de la sagesse et de la science de Jésus Christ, ce qu'Isaïe avait déjà proclamé par ces paroles : L'Esprit du Seigneur se reposera sur lui, l'Esprit de sagesse et d'intelligence. (11.) Saint Jean l'appelle rempli de grâce et de vérité. (1.) Son trouble, il l'exprime par ces mots: Mon âme est troublée; (Joan. 12.) mais il ne pouvait être comme le nôtre, imprévu, involontaire. L'homme l'éprouve malgré lui, par surprise, ignorance ou faiblesse ; défauts qui ne pouvaient se trouver dans le divin Sauveur. Aussi est-il dit qu'il se troublait lui-même, c'est-à-dire volontairement, (Joan. 11.) différence exprimée en ces termes par saint Augustin : « Pour vous, vous êtes troublé involontairement; le Christ éprouvait le trouble, parce qu'il le voulait. » Le Rédempteur ne pouvait non plus ressentir cette

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