Obrazy na stronie
PDF
ePub

vous paraissent si étonnantes; elle est bien simple et facile à saisir. Pour une véritable amitié, on demande trois conditions essentielles: d'abord qu'il y ait amour réciproque; que cet amour soit de bienveillance, et enfin qu'il soit accompagné de quelque communication de biens entre les amis. Or, tel est l'amour qui règne entre Dieu et nous par la charité. Ces paroles des Proverbes : J'aime ceux qui m'aiment, (8.)nous prouvent qu'il est réciproque. Le caractère de bienveillance y est manifeste, puisque nous aimons Dieu pour luimême, et que, et que, de son côté, il daigne nous aimer pour notre avantage personnel, s'occupant de notre bonheur, jusqu'à nous sacrifier son propre Fils. (Joan. 3.) Cet amour renferme aussi une communication mutuelle de biens; car nous nous donnons librement à Dieu, en lui faisant un hommage continuel de nos actions et de notre vie; tandis que le Seigneur nous prodigue les biens de sa providence, et les grâces surnaturelles qui nous rendent participants de sa nature divine. (2. Petr. 1.) Il nous fait donc, dès cette vie, l'ineffable communication de lui-même, pour la rendre éternelle et plus parfaite dans le ciel.

Le prochain, pris en un sens universel, est l'objet secondaire de la charité, qui renferme dans son sein l'infidèle, le juif, l'hérétique, le pécheur, les âmes qui souffrent dans le purgatoire, et les saints qui triomphent dans le ciel. Cette vertu divine ne peut se trouver en ceux qui n'ont pas la foi, non plus que dans une âme coupable de pé

ché mortel, puisque Dieu aime ceuxqui sont dans la charité, et qu'il établit sa demeure en eux.

LE D. Je vous prie de m'expliquer comment une vertu, une qualité habituelle, peut être détruite par un seul acte de la volonté.

LE TH. Il faut établir une distinction entre vertu infuse et acquise. On avoue qu'un acte isolé ne détruit pas une qualité acquise par l'habitude; elle est, pour ainsi dire, dépendante du sujet, qui ne la perdra ordinairement que par le vice contraire. Il n'en est pas de même pour les vertus infuses; elles dépendent de l'action de Dieu et de sa volonté, qui les conserve dans le juste. Que celui-ci se rende coupable d'une faute mortelle, il devient son ennemi, et détruit la charité dans son cœur.

LE D. La foi, l'espérance sont aussi des vertus infuses, et cependant elles ne se perdent point par tout péché mortel.

LE TH. C'est vrai: Dieu, dans sa miséricorde, laisse ordinairement au coupable la foi et l'espérance surnaturelles, dont il aurait pu le priver aussitôt après son péché. Il faut, pour les perdre, une faute mortelle, opposée à ces vertus mêmes, comme nous l'avons dit précédemment. Quant à la charité, tout péché mortel la détruit en nous, parce qu'il rompt l'union d'amour et d'amitié réciproque qui constitue cette vertu théologale; au lieu que l'espérance et la foi, qui sont un hommage à la véracité de Dieu et à sa fidélité, demeurent compatibles avec le péché mortel. Le coupable ne cesse pas, par son crime même, de

[ocr errors]

croire ni d'espérer; il lui est encore possible de produire les actes de ces vertus surnaturelles. Mais la charité ne peut être associée au péché mortel; il brise le lien qui nous unissait à Dieu, et nous fait ses ennemis. Cette vertu théologale est, par son essence, intérieure, surnaturelle, sans restriction pour son objet, pure et souveraine. Les trois premières de ces qualités se trouvent suffisamment expliquées dans ce qui précède; je n'ai donc à vous parler que des dernières, en , terminant cet entretien. La charité peut être souveraine en intensité et en appréciation : en intensité, si l'on éprouve un amour véhément, qui produit dans notre âme une impression vive, sensible et profonde. Elle sera souveraine en appréciation, si l'on préfère Dieu à tout, à cause de ses perfections infinies, avec la disposition de faire tous les sacrifices, plutôt què de se séparer de cette charité divine.

Après ces préliminaires, voici la solution d'une difficulté qui a dû se présenter à votre esprit, concernant cette intensité de l'amour de Dieu. Il n'est pas nécessaire, pour avoir la charité, d'éprouver un amour sensible, profond, véhément, qui est le partage de peu d'âmes privilégiées; et si Dieu avait voulu l'exiger de nous, il aurait fallu, au moins depuis le péché d'Adam, nous constituer autrement que nous sommes; car, dans notre condition déchue, les choses sensibles seules nous émouvront vivement par sympathie, tandis que les objets spirituels, bien que plus parfaits, n'ex

citeront que faiblement notre partie sensitive; et, sous ce rapport, une mère chrétienne aimera presque toujours son enfant plus que son Dieu.

LE D. Ne faudra-t-il pas au moins que la charité ait plusieurs degrés, si elle n'est pas la plus intense possible?

LE TH. Certains théologiens l'ont prétendu; c'est surtout le systême de quelques hérétiques rigides; mais d'après l'enseignement commun, cette intensité à plusieurs degrés n'est pas non plus nécessaire. Dans les vrais principes théologiques, ce n'est point l'intensité qui constitue les vertus. Ainsi, celui qui croit, qui espère avec les conditions dont nous avons parlé, a vraiment la foi et l'espérance, sans mesurer les degrés auxquels il possède ces vertus. Un autre croira, espérera avec plus d'intensité, à la bonne heure! il en sera plus agréable à Dieu; mais le premier aura suffisamment ces vertus pour accomplir le précepte de la foi et de l'espérance chrétienne. Il en est de même pour la charité : « La plus petite goutte, » dit saint Thomas, « est vraiment charité, et suffit pour nous unir à Dieu. »

LE D. La charité d'appréciation suffira donc en elle-même ?

LE TH. C'est le sentiment commun des théolo

giens. Et n'allez pas dire qu'on en fait une vertu de l'esprit, tandis que nous devons aimer Dieu de tout notre coeur ! Il est ordonné aussi de l'aimer de tout notre esprit, de toute notre âme ; expressions qui doivent s'entendre de l'amour

possible sur la terre, et conforme à notre état, relativement à Dieu que nous ne voyons ici qu'en énigme et par la foi; et, sans avoir besoin de déterminer si la charité appréciative sera plus dans l'esprit, moins dans le coeur, que l'homme fasse en son âme cet acte de préférence, qu'il se conduise d'une manière analogue, et il sera suffisamment dans la charité et l'amitié de son Dieu.

LE D. Faut-il la charité si pure, si désintéressée, que nous devions rejeter toute idée de bonheur personnel, en faire du moins abstraction, pour n'aimer absolument que Dieu, à cause de lui-même, et de ses amabilités infinies?

LE TH. Il y a eu à ce sujet, vous le savez, une célèbre controverse entre Bossuet et Fénélon. L'illustre archevêque prétendait que la charité n'était parfaite qu'à la condition d'en exclure toute idée, tout sentiment, toute espérance de bonheur personnel. De son côté, Bossuet assurait que cette charité si pure est impossible, parce que l'homme cherche toujours sa félicité; et que c'est pour lui, en l'état présent, la condition essentielle de sa nature, qu'il n'a pas le pouvoir de modifier.

LE D. Pour lequel de ces deux grands hommes allez-vous opiner?

LE TH. Pour aucun; je crois qu'ils sont l'un et l'autre en dehors de la vérité. Fénélon exagère la perfection de la charité prescrite, en affirmant qu'elle n'est jamais parfaite, suffisante, sans exclure toute idée d'espérance, de propre félicité. Cet état de charité est impossible, dans notre con

« PoprzedniaDalej »