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Sans vous, ne fais je pas que ma mort affurée
De Pharnace en ces lieux alloit fuivre l'entrée !
Sais-je pas que mon fang, par fes mains répandu,
Eût fouillé ce rempart contre lui défendu ?
Affurez-vous du cœur & du choix de la Reine.
Du refte, ou mon crédit n'eft plus qu'une ombre vaine,
Ou Pharnace, laiffant le Bofphore en vos mains,
Ira jouir ailleurs des bontés des Romains.

XIP HARÈS.

Que ne devrai-je point à cette ardeur extrême ?
Mais on vient. Cours, ami. C'est la Reine elle-même.

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SEIGNEUR, je viens à vous. Car enfin, aujourd'hui,
Si vous m'abandonnez, quel fera mon appui!
Sans parens, fans amis, défolée & craintive,
Reine long-tems de nom mais en effet captive,
Et veuve maintenant fans avoir eu d'époux,
Seigneur, de mes malheurs ce font là les plus doux.
Je tremble à vous nommer l'ennemi qui m'opprime.
J'espère, toutefois, qu'un cœur fi magnanime
Ne facrifiera point les pleurs des malheureux
Aux intérêts du fang qui vous unit tous deux.
Vous devez à ces mots reconnoître Pharnace.
C'eft lui, Seigneur, c'eft lui dont la coupable audace
Veut, la force à la main, m'attacher à fon fort,
Par un hymen, pour moi plus cruel que la mort.
Sous quel aftre ennemi faut il que je fois née è
Au joug d'un autre hymen fans amour destinée,
A peine je fuis libre, & goûte quelque paix,
Qu'il faut que je me livre à tout ce que je hais..

Peut-être je devrois, plus humble en ma mifère,
Me fouvenir du moins que je parle à fon frère.
Mais, foit raison, deftin, foit que ma haine en lui
Confonde les Romains dont il cherche l'appui,
Jamais hymen formé fous le plus noir aufpice,
De l'hymen que je crains n'égala le fupplice.
Et fi Monime en pleurs ne vous peut émouvoir,
Si je n'ai plus pour moi que mon feul désespoir;
Au pied du même autel, où je fuis attendue
Seigneur, vous me verrez, à moi-même rendue,
Percer ce trifte cœur qu'on veut tyrannifer,
Et dont jamais encor je n'ai pu difpofer.

XIPHAR È s.

Madame, affurez-vous de mon obéiffance.
Vous avez dans ces lieux une entière puiffance.
Pharnace ira, s'il veut, fe faire craindre ailleurs:
Mais vous ne favez pas encor tous vos malheurs.
MONIME.

Hé, quel nouveau malheur peut affliger Monime,
Seigneur ?

XIPHARE S.

Si vous aimer c'eft faire un fi grand crime, Pharnace n'en eft pas feul coupable aujourd'hui ; Et je fuis mille fois plus criminel que lui.

Vous !

MONIME.

XIPHARE S.

Mettez ce malheur au rang des plus funeftes, Atteftez, s'il le faut, les puiflances céleftes

Contre un fang malheureux, né pour vous tourmenter,
Père, enfans animés à vous perfécuter.

Mais, avec quelque ennui que vous puiffiez apprendre
Cet amour criminel qui vient de vous furprendre,
Jamais tous vos malheurs ne fauroient approcher
Des maux que j'ai foufferts en le voulant cacher.
Ne croyez point pourtant que, femblable à Pharnace,
Je vous ferve aujourd'hui pour me mettre en fa place

Vous voulez être à vous, j'en ai donné ma foi,
Et vous ne dépendrez ni de lui, ni de moi.
Mais, quand je vous aurai pleinement fatifaite,
En quels lieux avez-vous choifi votre retraite ?
Sera-ce loin, Madame, ou près de mes Etats?
Me fera-t-il permis d'y conduire vos pas?
Verrez-vous d'un même œil le crime & l'innocence;
En fuyant mon rival, fuirez-vous ma présence?
Pour prix d'avoir fi bien secondé vos fouhaits,
Faudra-t-il me réfoudre à ne vous voir jamais ?

MONIME.

Ah, que m'apprenez-vous!

XIPHARE s.

Hé quoi, belle Monime,
Si le tems peut donner quelque droit légitime,
Faut-il vous dire ici que le premier de tous

Je vous vis, je formai le deffein d'être à vous,
Quand vos charmes naiffans, inconnus à mon père,
N'avoient encor paru qu'aux yeux de votre mère ?
Ah! fi par mon devoir forcé de vous quitter,
Tout mon amour alors ne put pas éclater,

Ne vous fouvient-il plus, fans compter tout le refte,
Combien je me plaignis de ce devoir funeste !

Ne vous fouvient-il plus, en quittant vos beaux yeux, Quelle vive douleur attendrit mes adieux?

Je vous

Je m'en fouviens tout feul. Avouez-le, Madame, rappelle un fonge effacé de votre ame. Tandis que, loin de vous, fans efpoir de retour, Je nourriffois encore un malheureux amour 2 Contente & réfolue à l'hymen de mon père, Tous les malheurs du fils ne vous affligeoient guère.

Hélas!

MONIME.

XIPHARE S.

Avez-vous plaint un moment meз ennuis

MONIME.

Prince... N'abufez point de l'état où je fuis.

XIPHARE S.

En abufer! O Ciel! Quand je cours vous défendre, Sans vous demander rien, fans ofer rien prétendre a

Que vous dirai-je enfin ? Lorfque je vous promets
De vous mettre en état de ne me voir jamais.

MONIME.

C'eft me promettre plus que vous ne sauriez faire.

XIPHARES.

Quoi, malgré mes fermens, vous croyez le contraire?
Vous croyez qu'abufant de mon autorité,
Je prétends attenter à votre liberté.

On vient, Madame, on vient. Expliquez-vous de grace.

Un mot.

MONIME.

Défendez-moi des fureurs de Pharnace. Pour me faire, Seigneur, confentir à vous voir, Vous n'aurez pas befoin d'un injufte pouvoir.

Ah, Madame!

XIPHARE S.

MONIME.

Seigneur, vous voyez votre frère.

SCENE III.

MONIME, PHARNACE, XIPHARÈS.

PHARN AСЕ.

JUSQUES à quand, Madame, attendrez-vous mon père?
Des témoins de fa mort viennent, à tous momens,
Condamner votre doute & vos retardemens.
Venez, fuyez l'aspect de ce climat fauvage,
Qui ne parle à vos yeux que d'un trifte esclavage.
Un peuple obliant vous attend à genoux,
Sous un Ciel plus heureux & plus digne de vous.
Le Pont vous reconnoît dès long-tems pour fa Reine,
Vous en portez encor la marque fouveraine ;
Et ce bandeau royal fut mis für votre front
Comme un gage affuré de l'Empire de Pont.

Maître de cet Etat que mon père me laisse,
Madame, c'est à moi d'accomplir fa promeffe.
Mais il faut, croyez-moi, fans attendre plus tard,
Ainfi que notre hymen preffer notre départ.

Nos intérêts communs & mon cœur le demandent.
Prêts à vous recevoir, mes vaiffeaux vous attendent ;
Et du pied de l'autel vous y pouvez monter,
Souveraine des mers qui vous doivent porter.
MONIME.

Seigneur, tant de bontés ont lieu de me confondre.
Mais, puifque le tems preffe, & qu'il faut vous répondre,
Puis je, laiflant la feinte & les déguisemens,
Vous découvrir ici mes fecrets sentimens?

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Je crois que je vous fuis connue. Ephèfe eft mon pays. Mais je fuis defcendue D'Ayeux, ou Rois, Seigneur, ou Héros, qu'autrefois chez les Grecs, mit au-deffus des Rois.

Leur vertu,

Mithridate me vit. Ephèfe & l'Ionie
A fon heureux Empire étoit alors unie.
Il daigna m'envoyer ce gage de fa foi.
Ce fut pour ma famille une fuprême loi.
Il fallut obeir. Efclave couronnée

Je partis pour l'hymen où j'étois destinée.
Le Roi, qui m'attendoit au fein de fes Etats,
Vit emporter ailleurs fes deffeins & fes pas ;
Et, tandis que la guerre occupoit fon courage,
M'envoya dans ces lieux éloignés de l'orage.
J'y vins. J'y fuis encor. Mais cependant, Seigneur,
Mon père paya cher ce dangereux honneur ;

Et les Romains vainqueurs, pour première victime,
Prirent Philopamen le père de Monime.

Sous ce titre funefte il fe vit immoler,

Et c'eft de quoi, Seigneur, j'ai voulu vous parler.
Quelque juite fureur dont je fois animée,

Je ne puis point à Rome oppofer une armée.
Inutile témoin de tous fes attentats,

Je n'ai, pour me yenger, ni fceptre ni foldats.

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