Pour vous, fi vous voulez qu'en quelque autre contré
Nous allons confier votre tête facrée,
Madame, confultez: maître de ce palais,
Mes fidèles amis attendront vos fouhaits;
Et moi, pour ne point perdre un tems fi falutaire,
Je cours où ma préfence est encor nécetfaire ;
Et, jufqu'au pied des murs que la mer vient laver,
Sur mes vailleaux tout prêts je viens vous retrouver.
ENFIN, c'en eft donc fait ; & par mes artifices,
Mes injuftes foupçons, mes funeftes caprices
Je fuis donc arrivée au douloureux moment
Où je vois par mon crime expirer mon amant.
N'étoit-ce pas affez, cruelle deftinée,
Qu'à lui furvivre, hélas! je fuffe condamnée ?
Et falloit-il encor que, pour comble d'horreurs,
Je ne puffe imputer fa mort qu'à mes fureurs ?
Oui, c'est moi, cher amant, qui t'arrache la vie;
Roxane ou le Sultan ne te l'ont point ravie :
Moi feule j'ai tiffu le lien malheureux
Dont tu viens d'éprouver les déteftables nœuds:
Et je puis, fans mourir, en fouffrir la penfée,
Moi, qui n'ai pu tantôt, de ta mort menacée
Retenir mes efprits prompts à m'abandonner?
Ah! n'ai-je eu de l'amour que pour t'affaffiner?
Mais c'en eft trop. Il faut, par un prompt facrifice,
Que ma fidelle main te venge & me puniffe.
Vous, de qui j'ai troublé la gloire & le repos, Héros, qui deviez tous revivre en ce héros; Toi, mère malheurcufe, & qui, dès notre enfance, Me confias fon cœur dans une autre espérance;