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UN

FABLE I I I.

Du Théfaurifeur & du Singe.

N homme accumuloit. On fait que cette er

reur

Va fouvent jufqu'à la fureur.

Celui-ci ne fongeoit que Ducats & Piftoles. Quand ces biens font oififs, je tiens qu'ils font frivoles.

Pour sûreté de fon tréfor,

Notre Avare habitoit un lieu, dont Amphitrite
Défendoit aux voleurs de toutes parts l'abord.
Là, d'une volupté, felon moi fort petite,
Et felon lui fort grande, il entafsoit toujours.
Il paffoit les nuits & les jours

A compter, calculer, fupputer, fans relâche:
Calculant, fupputant, comptant comme à la

tâche,

Car il trouvoit toujours du mécompte à son fait, Un gros Singe plus fage, à mon sens, que fon Maître,

Jettoit quelques doublons toujours par la fenêtre, Et rendoit le compte imparfait.

La chambre bien cadenacée

Permettoit de laisser l'argent sur le comptoir.

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Un beau jour Dom Bertrand fe mit dans la pensée
D'en faire un facrifice au liquide manoir,

Quant à moi, lorfque je compare
Les plaifirs de ce Singe à ceux de cet Avare,
Je ne fai bonnement auquel donner le prix.
Dom Bertrand gagneroit près de certains efprits:
Les raifons en feroient trop longues à déduire.
Un jour donc l'animal, qui ne fongeoit qu'à
nuire,

Détachoit du morceau tantôt quelque Doublon,
Un Jacobus, un Ducaton,

Et puis quelque Noble à la rose,
Eprouvoit fon adreffe & fa force à jetter
Ces morceaux de métal qui fe font fouhaiter
Par les humains fur toute chose.

S'il n'avoit entendu fon Compteur à la fin,
Mettre la clef dans la ferrure,

Les Ducats auroient tous pris le même chemin,.
Et couru la même aventure.

Il les auroit fait tous voler jusqu'au dernier
Dans le gouffre enrichi par maint & maint nau-
frage.

Dieu veuille préserver maint & maint Financier
Qui n'en fait pas meilleur ufage.

FABLE IV.

Les deux Chevres.

Des que les Chevres ont brouté,

Certain efprit de liberté

Leur fait chercher fortune: elles vont en voyage Vers les endroits du pâturage

Les moins fréquentés des humains.

Là s'il eft quelque lieu fans route & fans che

mins,

Un rocher, quelque mont pendant en préci

pices,

C'eft où ces Dames vont promener leurs caprices:
Rien ne peut arrêter cet animal grimpant.
Deux Chevres donc s'émancipant,
Toutes deux ayant patte blanche,
Quitterent le bas près, chacune de la part.

L'une vers l'autre alloit pour quelque bon hafard. Un ruiffeau fe rencontre, & pour pont une planche:

Deux Belettes à peine auroient paffé de front
Sur ce pont:

D'ailleurs, l'onde rapide & le ruiffeau profond
Devoient faire trembler de peur ces Amazones.
Malgré tant de danger, l'une de ces perfonnes

Pose un pied fur la planche, & l'autre en fait

autant.

Je m'imagine voir, avec Louis-le-Grand,

Philippe Quatre qui s'avance
Dans l'Ile de la Conférence.
Ainfi s'avançoient pas à pas,
Nez à nez nos aventurieres,
Qui toutes deux étant fort fieres,
Vers le milieu du pont ne fe voulurent pas
L'une à l'autre céder. Elles avoient la gloire
De compter dans leur race (à ce que dit l'hif
toire ),

L'une, certaine Chevre au mérite fans pair,
Dont Polyphême fit préfent à Galathée,
Et l'autre, la Chevre Amalthée

Par qui fut nourri Jupiter.

Faute de reculer leur chûte fut commune:
Toutes deux tomberent dans l'eau.

Cet accident n'eft pas nouveau
Dans le chemin de la Fortune.

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LE DUC DE BOURGOGNE,

Qui avoit demandé à M. de la Fontaine une Fable qui fût nommée le Chat & la Souris.

Por plaire au jeune Prince à qui la Renommée
Define un Temple en mes Ecrits,

Comment compoferai je une Fable nommée
Le Chat & la Souris ?

Dois-je repréfenter dans ces Vers une Belle, Qui douce en apparence, & toutefois cruelle, Va se jouant des cœurs que fes charmes ont pris, Comme le Chat, de la Souris ?

Prendrai-je pour fujet les jeux de la Fortune? Rien ne lui convient mieux; & c'eft chofe com

mine

Que de lui voir traiter ceux qu'on croit fes amis,
Comme le Chat fait la Souris.

Introduirai-je un Roi, qu'entre fes favoris
Elle refpecte feul, Roi qui fixe fa rone,

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