Obrazy na stronie
PDF
ePub

Ils étoient de ceux là qui vivent

Sur le public, & craignent peu les coups. Notre Chien fe voyant trop foible contre eux

tous,

Et que la chair couroit un danger manifefte, Voulut avoir fa part; & lui fage, il leur dit : Point de courroux, Meffieurs, mon lopin me fuffie:

Faites votre profit du reste.

A ces mots, le premier il vous hape un morceau,
Et chacun de tirer, le mâtin, la canaille;
A qui mieux mieux : ils firent tous ripaille :
Chacun d'eux eut part au gâteau.

Je crois voir en ceci l'image d'une Ville,
Où l'on met les deniers à la merci des gens.
Echevins, Prévôt des Marchands,

Tout fait fa main : le plus habile

Donne aux autres l'exemple; & c'eft un paffetemps

De leur voir nettoyer un monceau de piftoles.
Si quelque fcrupuleux, par des raifons frivoles,
Veut défendre l'argent, & dit le moindre mot,
On lui fait voir qu'il eft un fot.
Il n'a pas de peine à fe rendre ;
C'est bientôt le premier à prendre.

FABLE VIII

Le Rieur & les Poiffons. ON cherche les Rieurs, & moi je les évite,

Cet art veut fur tout autre un fuprême mérite.
Dieu ne créa que pour les fots

Les méchans, difeurs de bons mots.
J'en vais, peut être en une Fable,
Introduire un peut-être auffi

Que quelqu'un trouvera que j'aurai réussi.

Un Rieur étoit à la table

D'un Financier, & n'avoit en fon coin Que de petits Poiffons: tous les gros étoient loin. Il prend donc les menus, puis leur parle à l'oreille ;

Et puis il feint à la pareille

D'écouter leur réponse. On demeura furpris :
Cela fufpendit les efprits.

Le Rieur alors, d'un ton fage,
Dit qu'il craignoit qu'un fien ami,
Pour les grandes Indes parti,

N'eût depuis un an fait naufrage.

Il s'en informoit donc à ce menu fretin;

Mais tous lui répondoient qu'ils n'étoient point d'un âge

A favoir au vrai fon deftin :

Les grós én fauroient davantage.

N'en puis-je donc, Meffieurs, un gros interroger?

De dire fi la compagnie

Prit goût à fa plaifanterie :

J'en doute; mais enfin il les fut engager

A lui fervir d'un monftre affez vieux pour lul

dire

Tous les noms de chercheurs de Mondes in

connus,

Qui n'en étoient pas revenus;

Et que depuis cent ans, fous l'abîme avoient vus Les anciens du vafte Empire.

FABLE IX.

Le Rat & l'Huître.

UN Rat, hôte d'un champ, Rat de peu de

cervelle

Des Lares paternels un jour se trouva fou.
Il laiffe là le champ, le grain & la javelle,
Va courir le pays, abandonne fon trou.
Sitôt qu'il fut hors de fa cafe,
Que le Monde, dit-il, eft grand & fpacieux!

Voilà les Apennins, & voici le Caucase ;
La moindre Taupinée étoit mont à fes yeux.
Au bout de quelques jours le voyageur arrive
En un certain canton, où Thé is fur la tive

Avoit laiff mainte Huître ; & notre Rat d'abord Crut voir, en les voyant, des vaiffeaux de haut bord.

Certes, dit-il, mon pere étoit un pauvre Sire;
Il n'ofoit voyager, craintif au dernier point.
Pour moi j'ai déja vu le maritime Empire;
J'ai paffé les déferts, mais nous n'y bûmes
point.

D'un certain Magifter, le Rat tenoit ces choses;
Et les difoit à travers champs,

N'étant pas de ces Rats, qui les Livres rongeans,
Se font favans jufques aux dents.
Parmi tant d'Huîtres toutes clofes
Une s'étoit ouverte & bâillant au Soleil,
Par un doux Zéphirs réjouie,

Humoit Pair, refpiroit, étoit épanouie, Blanche, graffe, & d'un goût à la voir nompareil.

D'auffi loin que le Rat voit cette Huître qui

bâille;

Qu'apperçois-je? dit-il, c'est quelque victuaille ;
E: fi je ne me trompe à la couleur du mets,
Je dois faire aujourd'hui bonne chere, ou amais.
Là-deffus maître Rat, ple n de belle efpérance,
Approche de l'écaille, allonge un peu le cou

Se fent pris comme aux lacs, car l'Huître tout

d'un coup

Se referme; & voilà ce que fait l'ignorance.

Cette Fable contient plus d'un enfeignement.
Nous y voyons premiérement,

Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience,
Sont aux moindres objets frappés d'étonnement;
Et puis, nous y pouvons apprendre,
Que tel eft pris qui croyoit prendre.

FABLE X.

L'Ours & l'Amateur des Jardins.

CERTAIN

ERTAIN Ours montagnard, Ours à demi
léché,

Confiné par le Sort dans un bois folitaire,
Nouveau Bellerophon, vivoit feul & caché :
Il fût devenu fou, la raifon d ordinaire
N'habite pas long-temps chez les gens fequeftrés:
Heft bon de parler, & meilleur de fe taire,
Mais tous deux font mauvais alors qu'ils font

outrés.

Nul animal n'avoit affaire

Dans les lieux que POurs habitoit.
Si bien, que tout Ours qu'il étoit D

« PoprzedniaDalej »