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pendant à ses réticences, à la timidité de sa rédaction, on comprend qu'elle n'ose pas tout dire; mais ce qu'elle nous en a dit, suffit à fonder un raisonnement.

Il a été constaté que le Préfet de police savait d'avance le lieu, l'heure et la minute à laquelle le mouvement devait éclater; et le Préfet de police n'a pas cru que sa présence à Paris fût opportune, à la veille d'un si grave événement; il a laissé ses ordres, et il a été passer la journée à la campagne au sein de sa famille.

Le matin du même jour on lisait, dans les journaux ministériels des départemens, que le mouvement insurrectionnel devait être dirigé par telles et telles personnes; mais ces personnes sont précisément celles que les affaires d'avril 1834 tenaient loin de la capitale et même en pays étranger, contumaces ou placées sous la haute surveillance de la police. Or, si elles se trouvaient à Paris en ce moment, c'est que la police le leur avait permis; et la police devait connaître leurs projets, tout autant au moins que la correspondance qui alimente les feuilles ministérielles des départemens. Pourquoi ne pas avoir prévu et empêché ce que l'on connaissait si bien d'avance?

A tous ces faits j'en ajouterai un autre, dont je suis l'un des nombreux témoins oculaires, et dont l'importance ressortira aux yeux de chacun de vous.

Le population de la banlieue se doutait encore moins que celle de Paris, le dimanche, 12 mai, de l'événement que Paris réchauffait dans son sein et qui devait éclater à quatre heures précises. La fête villageoise avait amené, autour de ma solitude, les joyeux danseurs de tous les hameaux voisins de nos carrières, ainsi que la musique de toutes les guinguettes des barrières d'alentour. Mais déjà, à deux heures, la fête de Gentilly était envahie par ces aboyeurs de la police, à qui les lois sur les crieurs publics et celles de septembre ont conféré le monopole exclusif de proclamer, dans les rues, ce que le ple doit croire et espérer. On prête peu l'oreille, en général, à ces vociférations officielles, et le pouvoir paraît en être satisfait; moins le peuple a de croyance et d'espoir, moins le pouvoir a d'insomnie; un peuple athée et qui ne tient à rien est si facile à gouverner! Cependant il paraît que la mission officielle avait acquis ce jourlà une importance plus sérieuse; l'aboyeur

peu

vée par

chauffait l'annonce; et, de leurs cent voix rauques et avinées, ces employés de la préfecture luttaient d'énergie avec les trombonnes de l'orchestre en plein vent, pour crier : La grande nouvelle arriun courrier extraordinaire : On se bat à Lyon, le sang y coule dans les rues; lettre de sa majesté au peuple lyonnais! Gasparin au ministère! on se bat à Lyon! Que signifiait cette coïncidence? Au même moment les coups de feu qui se firent entendre du fond de Paris, m'expliquèrent tout ce que vous avez appris, ou vu de vos propres yeux. Deux ou trois coups de feu isolés, tirés à grands intervalles les uns des autres, puis du côté opposé un feu de peloton bien nourri; ensuite un profond silence; ce n'est point ainsi que commencent les révolutions, pas même les insurrections! Je vous laisse le soin de trouver le mot propre, pour qualifier la coïncidence de ce qui se passait à Paris, et de la fausse nouvelle que l'on criait, sans doute, dans toute la banlieue, car on la criait bien fort dans les champs de Gentilly.

Dans les rangs des insurgés, il a été remarqué des pelotons d'hommes en blouse, et costumés avec une uniformité qui n'est jamais un des

caractères d'une insurrection populaire; et leur costume avait toute la fraîcheur d'une première fois; je parle toujours d'après le témoignage de la presse subventionnée ou tolérée par les lois de septembre.

On a vu, dans l'une des rues qui ont été le théâtre et le berceau de l'insurrection, un beau monsieur s'aboucher avec un simple ouvrier, et puis agiter son mouchoir en l'air, et se sauver ensuite à toutes jambes; aussitôt les barricades se sont dressées comme par enchantement; les insurgés sur ce point sont sortis comme de dessous terre, et les coups de feu ont commencé à se faire entendre, sans qu'il y eût en face un seul ennemi.

Le plus grand nombre des blessés appartient à la classe de gens qui n'ont pris aucune part à l'affaire des femmes ont été frappées au cœur d'une balle, dans leur chambre à coucher, au troisième étage et les fenêtres closes. Les vrais insurgés, chacun le sait, tirent horizontalement dans les rues, et ils tirent juste, ainsi qu'on a pu l'avoir appris plus d'une fois depuis 1830. Il faut donc qu'il y ait eu, dans toute cette bagarre, des gens qui avaient l'ordre de tirer en l'air.

Au reste, la presse politique a rapporté que la ligne, dans un certain quartier, s'est avancée sur une barricade inoccupée, en faisant des feux de peloton en l'air; ses fusils étaient-ils chargés à balle ou à poudre? Les soldats agissaientils en vertu d'une consigne, ou simplement mus par un sentiment d'humanité, qui est le sentiment dominant de l'armée régulière?

L'École Polytechnique en masse, et du consentement de son général, a certifié que, sous ses yeux, et d'une manière infâme (ce sont ses expressions), des gardes municipaux avaient tué deux hommes du peuple, désarmés et ramenés à des sentimens pacifiques par les bons conseils de ces braves et généreux élèves. La garde municipale a-t-elle commis les mêmes abus de sa force et de son exaspération, sur les autres points qui ont requis sa présence? Une enquête seule serait dans le cas de nous l'apprendre.

Mais qui pourrait procéder à cette enquête d'une manière propre à éclairer le pays?

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Le pouvoir? Mais les enquêtes entreprises par le pouvoir se font en grande partie dans l'intérêt

du pouvoir; et il est des choses que le pouvoir

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