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Il s'est élancé dans l'eau, sans se donner le temps de quitter l'habit, pour pêcher un homme qui se perdait sous les glaces: honneur à lui! c'est uu acte sublime comme la tempête, et consolant comme l'arc-en-ciel. Qu'ilen porte le souvenir tatoué en lettres d'or sur sa noble poitrine! Qui ne serait fier de sa fierté? ne se sent-on pas homme en le contemplant?

Mais que le ruban se porte, comme signe d'un mérite que ne saurait traduire une action, et par cela seul qu'on a le droit de porter un oripeau de savant, une épée de savant, un feutre de savant, ou le collet brodé d'un conseiller de préfecture; qu'on le porte, pour avoir l'air de faire croire qu'on a dans le cœur, ce que personne n'a jamais vu dans vos actes; qu'on a plus de mérite, plus de science, quelque chose de plus enfin, que ceux qui n'ont rien du tout à leurs boutons; quelque chose d'indéfinissable, et d'incompréhensible au vulgaire, c'est-à-dire que le vulgaire ne parviendrait jamais à comprendre sans le bout de ruban: voilà l'abus, voilà le ridicule; voilà ce qui dénature l'institution; qui confond les idées les plus disparates; c'est ce qu'il faut abolir, au nom du bon sens de la nation, au nom de la morale, qui est la religion de la politique, et pour venger l'ombre du grand homme, qui se trompa, en cédant à si bon marché, à ses plumitifs, ce qu'il vendait si cher à ses braves.

Que désormais une décoration soit un exemple, sur la poitrine d'un homme qui fut un modèle. N'en faites plus un titre de noblesse, si viager qu'il soit, car l'habit n'a jamais fait moins qu'aujourd'hui le noble; la noblesse est un culte, quand elle s'arrête au souvenir; ce n'est plus qu'un ridicule, quand elle adopte un insigne. L'institution d'une décoration, en outre, ne sera féconde en belles actions, que du jour où la décoration ne saura atteindre que le mérite; or le seul juge infaillible du mérite, c'est Dieu dans le ciel, et le peuple sur la terre (vox populi, vox Dei): laissez donc au peuple seul le soin de décorer le mérite; il écrira les plus belles pages de son histoire sur la poitrine de ses enfans majeurs, pour l'instruction de ses enfans en bas-âge; et le plus grand nombre de nos habits brodés éprouveront du plaisir, j'en suis convaincu, de retourner à l'école; car dans le nombre, ils ne sont pas tous méchans.

Je conclus: puisque notre siècle éprouve encore le besoin de s'appuyer sur le mobile des distinctions honorifiques, faisons au moins que ces distinctions signifient quelque chose de vrai, et servent à quelque chose d'utile. Sans quoi, l'institution est une tromperie ou un enfantillage, dont tout homme grave doit se tenir les mains nettes et le

cœur pur.

XVII LETTRE.

Vos reproches m'auront porté bonheur; je suis cité à comparaître. Notre cours de procédure en action va commencer, il sera long, sans doute; mais il sera instructif, je vous le jure ; avec les fers que l'on va nous confier, nous démolirons bien des choses judiciaires, qu'un trait de plume aurait pu effacer le 30 juillet. Dix ans de lutte et de nobles souffrances suffiront à peine à cette œuvre ; car la loi, avec toutes ses anomalies, est entrée dans un sanctuaire que l'on ne saurait plus abattre qu'à la manière des Bastilles, ou avec la patience des tarets; nous serons les tarets; dans vingt ans on appréciera notre ouvrage. Il faudra tout ce temps pour que nos cachots tortueux aient été amenés à jour, et que chaque article de nos vieilles lois ait acquis sa vermoulure: par chacun d'eux aura passé une de nos suffrances. Nous userons tous les vices de la loi, en nous mettant à les subir nous pétitionnerons du fond des cachots, auprès des législateurs présens et à venir, pour la réforme des prisons et de la procédure criminelle.

Je ne vous ai pas encore fait connaître le délit dont je suis inculpé ; c'est un délit de presse; je ne vous le donnerai pas à deviner; vous vous tromperiez à coup sûr; ce n'est plus la lettre que vous avez

aperçue en dernier lieu; celle-là, on la regarde comme non avenue; ce n'est pas enfin celle où je refuse une auguste faveur : c'est tout simplement celle du 18 février, où je déclarais avoir refusé de reprendre notre ex-service de l'artillerie, le jour où, au nom du général Lobau, on invitait par les rues, tous les pantalons d'artilleurs que l'on distinguait dans la foule, à venir patrouiller dans les lieux où le peuple n'était pas; et ce ne sont pas encore les trois mots par vous incriminés que la justice incrimine il ne s'agit ni de croir, ni de confesseur; la loi est athée, a dit un de ses législateurs, l'acte d'accusation ne remontera pas plus haut que la politique matérielle.

:

Vous savez qu'un procès de presse est déféré au jury. En voici la filière :

On reçoit une feuille de papier imprimée, avec des mots écrits à la plume dans les blancs, et deux signatures, l'une mentionnée, c'est celle du juge d'instruction, et l'autre, de l'huissier; c'est la scule chose que celui-ci écrive de sa main; toutes les autres intercalations se tracent, pour ainsi dire, à la mécanique, par la main des plumitifs. Le timbre est en débet; l'administration fait crédit aux deux parties, jusqu'après la décision en dernier ressort: c'est le perdant qui paie; c'est-à-dire que si l'état perd, il se paie à lui-même d'une main les frais qu'il a faits de l'autre; si c'est l'accusé, il paie en

argent, sur une sommation, ou en personne et sur un mandat d'arrestation, dans le cas où il n'aurait pas de quoi payer en espèces.

Cette feuille de papier écrite seulement sur le recto, peut être ou un mandat de comparution, ou un mandat d'amener, ou un mandat de dépôt, ou un mandat d'arrêt (1).

Un mandat de comparution vous invite à passer dans le cabinet du juge d'instruction; un mandat d'amener vous y contraint; un mandat de dépôt vous saisit, et vous place sous la main du juge d'instruction, pour tout le temps qu'il aura besoin de se faire une idée de votre affaire, d'après vos dépositions; un petit escalier vous conduit droit, du lieu du dépôt, qui est ni plus ni moins qu'une prison, jusqu'à son cabinet. Le mandat d'arrêt vous écroue définitivement, pendant toute la durée de l'instruction, et jusqu'à la décision qui vous met en liberté, ou qui vous envoie dans une maison de correction.

Le mandat de comparution n'exige que le ministère d'un huissier, qui met, à s'acquitter de la commission, la plus exquise politesse.

Le mandat d'amener prend des formes plus sévères, sans être plus brutales. L'officier qui en est porteur, a soin de s'entourer de toute la force né

(1) Code d'instruction criminelle, 91.

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