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finir ce mot, qui date de la naissance de la première Gazette de France, fondée vers 1630 par le médecin Renaudot. L'esprit d'un journal, qu'il ne faut pas confondre avec l'esprit proprement dit, est une chose aussi subtile et aussi insaisissable que tous les esprits de la chimie : on la sent mieux qu'on ne la comprend. Il semblerait, au premier abord, que l'esprit d'un journal est tout entier dans la tête du rédacteur principal, lequel se charge ensuite de le distribuer à tous les rédacteurs subalternes. Pas du tout; le rédacteur principal se défend souvent de cette supposition, comme d'une inculpation qui le blesse et ne lui sied guère; si cela ne dépendait que de lui, la feuille prendrait bien vite la direction que vous venez d'indiquer!

L'esprit du journal réside peut-être dans les

actionnaires.

Certes non ; ils ne se rassemblent jamais; et puis tel journal ne possède pas d'actionnaires. Dans le cautionnement?

Le cautionnement, et son ayant-cause, n'a qu'un seul esprit, celui d'en percevoir les intérêts aux échéances.

Enfin l'esprit d'un journal, si j'ai pu y comprendre quelque chose, est un je ne sais quoi qui échappe à l'analyse et aux investigations, mais qui tient lieu de tant de choses, que, sans actionnaires, une feuille aurait un cautionnement; que, sansabon

nemens payant, elle aurait et au-delà de quoi faire face aux frais de papier, d'impression, de timbre et de poste; et que, sans le moindre frais d'esprit de la part de son rédacteur, elle n'en offrirait pas moins chaque matin, à ses lecteurs, toute la dose d'esprit qui suffit à sa tâche. Devinez; moi, je m'y perds, et bien des hommes de cœur s'y perdent comme moi.

Mais ce n'est pas là une raison pour ne pas aller en avant; et, nous l'avons résolu tous ensemble, nous aurons notre presse à notre tour, dans le royaume de la publicité; et les vérités que nous réchauffons dans le cœur vont enfin trouver une issue. Sans chercher à établir le moindre commerce, nous allons d'un seul coup nous emparer des abonnés de toutes les feuilles des quatre parties du monde; exempts des droits de timbre et de poste, nous engagerons pour cautionnement notre liberté ; nous prendrons pour actionnaires tous les procureurs-généraux des quatre-vingt-six départemens de France; et pour tribune le banc des accusés. De cette hauteur, notre voix retentira, avec une solennité inouïe, jusqu'aux quatre coins de la terre; je vous le prédis, nos défenses seront un cours d'économie et de morale; elles prendront dans chaque journal la place de la grande colonne; car la sympathie publique forcera la main à l'esprit du journal; et dans cette polémique engagée

au bruit des menottes et des fers, nos adversaires ne s'apercevront qu'il sera temps d'étouffer notre voix, que lorsque nous aurons achevé de tout dire : nous laisserons alors nos créanciers disposer de notre repos, comme d'un matériel d'imprimerie désormais inutile, dès l'instant que l'édition a paru.

Voilà, madame, notre plan de bataille; le bout de lettre que vous avez découvert en était le signal; l'ennemi n'y a pas répondu ; cependant il était assez provocateur, par ces trois mots qui m'ont attiré vos reproches, et dont il est temps, je commence à m'en apercevoir, de vous donner l'explication. Vous auriez pu croire que, pour arriver à mon but, il m'aurait suffi d'adresser au pouvoir gouvernemental, une de ces vérités contre lesquelles se tiennent en réserve les cent et une lois que la restauration. avait élaborées pour sa propre défense; et que j'aurais pu me dispenser de décocher une bourrade à ce haut pouvoir sacerdotal, qui est assis sur les ruines de l'archevêché, comme Marius sur les ruines de Carthage. Vous êtes dans l'erreur, madame jamais peut-être monseigneur de Paris n'a recouvré plus d'influence que du jour, où la dernière pierre de son palais est venue rouler dans les flots de la Seine. Il a mis le pied dans l'état, dès l'instant que l'état lui a eu repris son domicile. Tant qu'au sceptre d'or de la royauté, il n'avait à

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opposer, pour parer les coups, que sa belle crosse dorée, ses parades étaient molles, et il savait au besoin rompre d'une semelle, afin de ne pas trop bosseler son arme en ferraillant. Mais le combat a changé de face, dès que son arme brillante s'est brisée entre ses mains; et il s'est mis à pousser plus vigoureusement que jamais son adversaire, depuis que les chances du combat lui ont rendu sa crosse de bois blanc et sa besace du pèlerinage. La pauvreté de l'apôtre est une puissance plus sérieuse que l'opulence et le rang du pontife; le pontife était un vassal, l'apôtre est l'envoyé de Dieu; il parle en maitre, au nom de son souverain. Croyez-le bien, chercher à ramener le prêtre par de petites persécutions, c'est avoir retenu bien peu de chose de l'histoire du paganisme, qui s'est suicidé en le frappant du glaive. Adorez, quand vous croyez ; ne brisez pas le vase, quand vous avez à tâche d'en conserver le contenu : ou bien Ambroise, chassé de son palais, vous attend à la porte de son église, pour reprendre ses droits un instant méconnus, dans les conditions de la pénitence qu'il vous impose. En d'autres termes, monseigneur de Paris n'avait que des remontrances à adresser, du fond de son palais; il dicte des ultimatum, assis sur ses ruines; et le pouvoir n'attend qu'une occasion favorable pour se faire absoudre et pardonner.

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Voilà pourquoi, dans le but de provoquer les rigueurs légales du pouvoir séculier, j'avais inséré trois mots à l'adresse de l'Église. L'Église, sans doute, n'y aura pas encore fait attention; et dans un insuccès, j'ai commis deux fautes que je regrette également, la première en manquant le but, la seconde en méritant votre blâme. Je réparerai, je l'espère', la première dans une nouvelle occasion; je veux, dans ma prochaine lettre, réparer la seconde, en vous exposant toute ma pensée sur la question des religions.

XII LETTRE.

J'aborde un sujet, sur lequel on a publié près de cent mille volumes; j'ai la prétention de le traiter à fond dans une lettre de quelques feuillets. Je veux le traiter comme je le sens, en aussi peu de mots que le comporte la pensée, quand elle s'adresse à la sympathie, cette source de la bonne foi. Je ne viens point dogmatiser, mais méditer ; je ne monte pas dans une chaire; mais je tombe à genoux, l'œil fixé sur la voûte céleste, pour y puiser, si je le peux, le secret d'une passion qui flatte mon ame, et que nul ici-bas n'a jamais pu m'expliquer, en termes qui me satisfassent l'esprit; venez vous mettre à genoux près de moi, vous qui croyez d'une autre

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