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Mais vos armes? lui dis-je.

Parbleu! c'est vrai, reprend-il : quelle distraction! je suis à vous, je redescends à l'instant. Effectivement, il monte avec sa mère; et moi, j'attends debout, comme un homme prêt à partir et ayant déjà fait mes adieux à ces dames. Un instant, deux instans, trois instans, et bien d'autres à la suite; enfin la mère et le fils redescendent, la mère en détournant la tête; et le fils, sans un bouton de plus ou de moins à sa toilette, mais l'air plus embarrassé que jamais.

Monsieur, me dit la maman, toute réflexion faite, mon fils ne marchera pas, et je vous conseille d'en faire autant. J'ai horreur de la guerre civile; et quand je surmonte cette horreur, mon courage ne va pas loin: mon caractère de femme et ma sollicitude de mère, voyez-vous, ne tardent pas à reprendre le dessus.

Et monsieur votre fils a sans doute tout votre caractère? repris-je, aussi stupéfait que l'aurait été la statue au Festin de Pierre converti : vous auriez dù m'avertir plus tôt, vous m'auriez épargné une méprise involontaire : vous me sembliez, au potage, la mère des Gracches; je vous retrouve au dessert la mère des trois Dupin. >>>

Ce disant, je tournai les talons, plus confus, je vous jure, que ces braves gens ne pouvaient l'être.

Je m'aperçois maintenant que je venais d'échap

per à un racolage, au profit du bout d'émeute, dont Vous venez de nous donner les intéressans détails.

XI LETTRE.

1er mars 1831.

le

Vous n'en revenez pas, me dites-vous, madame, de trois mots que vous avez rencontrés, dans la lettre de moi, que La Tribune a insérée le 18 février, relativement à l'embarras de la situation, jour de l'assaut entre l'autel et le trône, assaut où la galerie s'empara si vite des fleurets. Votre surprise me portera bonheur; et il ne sera peut-être pas dit que, contre mes habitudes et mon caractère, j'aie glissé là trois impertinences, pour qu'il ne se trouve, dans l'antre de la justice, personne qui ramasse le gant. On ne se pardonne de pareils mots que lorsqu'ils ont une suite, et j'avoue que je commence à en rougir; il ne m'est encore rien arrivé du parquet, et ma mission se trouve encore ajournée. Tout ceci ne ferait qu'accroître à vos yeux le mystère; j'ai hâte de m'expliquer; entre votre ame et la mienne; je ne veux pas qu'il se glisse un nuage; j'ai tant besoin d'être compris de vous, dans ce dédale affreux, où nul ne parvient plus à se faire comprendre.

Vous m'avez fait remarquer plus d'une fois, en divers endroits de votre correspondance, l'état de

marasme, dans lequel semble être tombée la presse, depuis le jour où elle avait été appelée, par la victoire du peuple, à former le quatrième pouvoir de l'état. La maladie du pouvoir l'a prise à la gorge; elle n'ose plus parler. A voir les puérilités de la presse qui attaque et la duplicité de la presse qui se défend, on dirait qu'il ne reste plus rien à dire, et que la question de la civilisation progressive des hommes ne saurait faire un pas de plus, depuis qu'elle a franchi le ruisseau du Palais-Royal pour arriver à la grille des Tuileries. Tout s'agite et s'échauffe cependant dans le monde des intérêts moraux; tout craque et tout s'ébranle dans celui des intérêts matériels; la secousse qui est partie de France, s'est déjà fait ressentir jusqu'aux rivages du Japon, jusqu'aux portes de feu de Tombouctou, jusqu'aux détroits de glace des régions hyperboréennes ; et nous n'avons pas plus l'air d'y faire attention, que le passager du navire, au roulis ou aux coups de tangage, une fois qu'il a payé sa dette au mal de mer. La pensée nous déborde de toutes parts; et notre presse lui conserve la même justification et les mêmes caractères, usés depuis si longtemps jusqu'à la matrice. Dans la grande colonne, l'un s'occupe de rendre, à la broderie de tel ministre, la palme que la plume de l'autre lui enlève; demain celui-ci vous dira, en trois colonnes, pourquoi ilļla lui avait enlevée en deux mots, et l'autre pourquoi

il avait eu la pensée de la lui remettre. Un troisième composera sa tartine, en plaçant les raisons de l'un en regard des raisons de l'autre; puis les deux autres le surlendemain reprendront la citation du troisième, et lui demanderont par quel motif il s'est permis de retrancher deux phrases à chacun; prenant acte de là, pour démontrer, dans une nouvelle colonne, quatre fois plus longue que les autres, que cette suppression coupait le fil de leur raisonnement, et leur faisait dire juste le contraire de leur pensée, qui pourtant avait un sens précis et une certaine portée. Et le ministre, chaque matin, se berce entre ce blâme et ces éloges, également flatté par le mouvement qui le porte plus haut, et par celui qui le ramène plus bas; tel que la riche créole, qui se sent balancer, dans son hamac de cachemire, sous la douce impulsion qu'impriment, à ce lit suspendu dans les airs, les esclaves de gauche et les esclaves de droite, pendant que la foule des autres, courbée vers la terre poudreuse, se brûle aux feux du soleil, pour préparer, au maître de ces lieux, de la fraîcheur et de l'ombrage.

Comment voulez-vous que l'on ne perde pas patience, à tous ces commérages, qui insultent à la raison publique? et que l'on ne saisisse pas, pour en tailler une plume, le premier morceau de bois vert, qui vous tombe sous la main? Si vous vous serviez d'une plume de cygne, elle ne pourrait

mordre sur un papier ainsi préparé. Offrez, même gratis, à l'une ou l'autre de ces feuilles, un article qui sorte du cadre mesquin de ces questions personnelles, pour se jeter dans le domaine de la morale publique et de l'amélioration de nos semblables: il vous sera répondu partout que le journal est essentiellement politique; que ces questions sortent de sa spécialité, et pourraient nuire à son succès, dans la classe de ses lecteurs, qui sont le nerf de la guerre. Mettez-vous à leur point de vue; mais, laissant là la formule du budget, qui a l'air d'une table de Pythagore, que chaque année on aurait soin de retourner par un autre côté, abordez le développement des théories d'économie politique, et cherchez à démontrer que la question gouvernementale est toute entière dans la question du bien-être des masses, et que la question du bien-être des masses est toute entière, non dans celle des chiffres que l'on groupe, mais dans celle des rapports mutuels des individus entre eux et avec l'ensemble, dans l'harmonie enfin des efforts et dans la participation aux avantages on vous répondra que ces hautes questions sont sans doute belles à traiter, mais qu'elles n'entrent point dans la ligne qu'on s'est tracée, qu'elles ne sont point enfin dans l'esprit du journal.

Vous me demanderez ce qu'on entend par l'esprit d'une feuille; j'ai long-temps cherché à dé

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