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l'expression de la foi. Il y a, en effet, différents genres de formalisme. Tantôt il se manifeste par une valeur exagérée accordée aux œuvres légales; c'est le formalisme que Paul ne cesse de poursuivre dans ses épîtres; tantôt il consiste à mettre en première ligne une connaissance purement intellectuelle de la loi, du vrai Dieu, du culte qu'il faut lui rendre, et à voir dans cette connaissance stérile, dans cette foi de tête à laquelle rien ne répond dans la vie, une prérogative sur les païens; c'est le formalisme contre lequel Jaques dirige son épître. Du reste, ce formalisme-là, Paul le connaissait aussi; il le combat dans le deuxième chapitre de son Epître aux Romains (voyez le verset 23), où il s'adresse à ceux qui croient pouvoir s'appuyer avec sécurité sur la connaissance qu'ils ont de la loi. Ce péché tient aussi de très près à la science morte des scribes et des pharisiens que condamna Jésus-Christ : « Vous croyez, leur dit-il, avoir par les Ecritures la vie éternelle, et cependant vous ne vous laissez pas conduire par elles à celui qui seul peut vous la donner. » Il arriva de là que, chacun faisant un si grand cas de ses connaissances religieuses, tous cherchaient à s'ériger en docteurs et à instruire les autres, sans s'être appliqué à eux-mêmes la vérité divine qu'ils annonçaient. De là aussi des disputes passionnées entre ces différents docteurs, des contestations et des anathèmes. C'est ainsi que s'établit à côté du formalisme des œuvres un autre formalisme, issu de la

même source, l'esclavage de la lettre qui s'associait tout aussi bien que le premier à une conduite que Dieu réprouve et pouvait même lui servir de soutien.

On s'est demandé si parmi les diverses manifestations de cet esprit formaliste, il faut aussi compter cette fausse conception de la foi et cette valeur exagérée accordée à la foi seule, indépendamment des œuvres, que Jaques combat avec force dans son Epître (chap. II); ou bien și ces erreurs proviennent d'une toute autre source, et s'il ne faut voir aucun lien entre elles et les tendances formalistes dont nous venons de parler. Cette dernière opinion a été soutenue. « Les préceptes de Jaques touchant la foi, a-t-on dit, ne ressortent pas nécessairement de son sujet; elles ont un but polémique; il ne les adresse à ses lecteurs que pour les mettre en garde contre la conception de la foi, telle que Paul l'avait prêchée. Jaques n'en parle ainsi que parce que la doctrine de Paul sur la justification par la foi avait été mal comprise et faussement appliquée dans les églises auxquelles il s'adresse; on y trouvait des hommes qui continuaient à vivre dans le péché et qui croyaient néanmoins pouvoir se prévaloir de la justification accordée aux pécheurs par la foi au Sauveur. Paul lui-même, dans son Epître aux Romains, prémunit à plusieurs reprises ses lecteurs contre une interprétation aussi erronée de sa doctrine. Plus tard, lorsque cette même doctrine de la grâce que Paul opposait avec force au judaïsme et aux tendances judaïsantes, fut relevée par Luther qui voyait l'Eglise

menacée d'un nouveau judaïsme, on vit bientôt se développer à la suite ce même culte de la lettre, de la connaissance morte que Jaques avait déjà combattu; le formalisme reparut, l'union entre la foi et la vie fut rompue, et les exhortations de Jaques dirigées contre les erreurs de son temps retrouvèrent leur application.»>

Que faut-il penser sur cette question? Le but de Jaques est-il de prévenir une fausse interprétation de la doctrine de Paul, ou a-t-il écrit sans avoir du tout en vue l'apôtre des gentils? Avant de répondre à cette question, remarquons qu'elle est absolument indépendante de celle-ci : quel est le rapport entre la doctrine de Jaques et celle de Paul? En effet, Jaques aurait pu redresser une fausse interprétation de la doctrine de Paul, sans être en opposition avec lui; bien plus, il aurait pu arriver que, connaissant mal lui-même cette doctrine, et ne l'ayant vue exposer que sous un jour faux, il se prît à la combattre directement, et que néanmoins il existât entre l'enseignement de Jaques et le véritable enseignement de Paul une entière harmonie. En effet, lorsqu'une personne, par l'habitude de défendre ses idées contre un genre particulier d'adversaires, a adopté une certaine manière de les présenter, et qu'une seconde personne partant d'un autre point de vue et ayant devant les yeux d'autres adversaires, se met à combattre les opinions de la première, il arrive souvent qu'on voit ressortir de cette contestation apparente l'accord fondamental qui règne entre les deux interlocuteurs, l'un ne faisant que déve

lopper et compléter les vues de l'autre. C'est ainsi qu'une exposition des vérités chrétiennes, destinée à contrebalancer l'influence exclusive de l'enseignement de Paul, pouvait entrer comme un élément essentiel dans le recueil des écrits sacrés qui renferment la révélation primitive et parfaitement pure de la vérité chrétienne.

Ces deux conceptions religieuses, se complétant entre elles, pouvaient l'une et l'autre trouver place dans la révélation du Saint-Esprit, une quant au fond, diverse quant aux instruments humains qui, inspirés de ce même Esprit, en ont été les hérauts. Nous réserverons donc pour un autre moment la question du rapport de doctrine entre Jaques et Paul; celle qui nous occupe maintenant est toute différente, savoir: les attaques de Jaques contre la foi morte font-elles partie du sujet fondamental qu'il traite dans son épître, ou bien les y a-t-il introduites dans le but unique de s'opposer à une fausse interprétation de la doctrine de Paul? De ces deux manières de voir, la première nous paraît, sans contredit, la véritable.

On peut, sans doute, se représenter facilement qu'à la doctrine de Paul se soit bientôt associé un formalisme tel que celui que Jaques s'applique à combattre; c'est même ce qui arriva effectivement plus tard; mais sommes-nous en droit de supposer qu'il se soit répandu dans les églises auxquelles s'adresse notre épître? Voilà la question. Or, le danger de mal comprendre la doctrine de Paul n'était nulle part moins à redouter que

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parmi ces congrégations chrétiennes, composées d'anciens juifs continuant à vivre au sein d'une population exclusivement juive, par la raison toute simple que des églises comme celles-là connaissaient à peine la forme particulière sous laquelle Paul avait présenté la vérité chrétienne, et étaient fort éloignées de son point de vue. En effet, sa conception de la foi suppose une distinction tranchée entre la loi et l'Evangile, et une opposition absolue à toute justice légale, à tout mérite des œuvres en d'autres termes, c'est précisément le point de vue judaïque, le formalisme judaïque que Paul met tant de soin à renverser. Par conséquent, dans les églises où régnait cette tendance, comme celles auxquelles s'adresse Jaques, non-seulement il n'y avait pas lieu à mal comprendre la doctrine particulière de Paul, mais cette doctrine même leur était plus ou moins étrangère 1.

N'est-il pas évident, au contraire, que l'erreur particulière contre laquelle s'élève l'écrivain sacré au chapitre second n'est qu'une branche de la tendance générale qu'il combat tout le long de son épître? Consultons le contexte le chapitre premier a pour but d'attaquer ceux qui se contentent d'écouter la parole et qui se reposent sur la connaissance qu'ils en ont, sans s'inquiéter de la mettre en pratique; il condamne ensuite ceux qui font profession de servir Dieu, mais dont la piété est

1 Voyez note 4.

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