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s'appuyer sur la science. C'est ainsi que l'exégèse pratique finit par se créer à elle-même une sphère indépendante; on voulait avoir le fruit, sans se donner la peine de l'aller cueillir sur l'arbre. C'est le cas d'appliquer ces belles paroles de Clément d'Alexandrie, touchant ceux qui veulent jouir immédiatement du produit de la vigne sans passer par les labeurs de la culture : « Le vrai cep, dit-il, c'est le Seigneur; on n'en recueille les fruits qu'à la condition d'y apporter tout le soin et toute la sollicitude que réclame l'art du laboureur; il faut émonder, déchausser, lier, etc., avant que le cep puisse produire des fruits bons à manger.» (Strom. I, 9.) Il en était de même au dix-septième siècle : d'abord, on ne pouvait arriver au sens réel de la parole de Dieu, faute d'une science et d'une méthode dirigées par le Saint-Esprit; (du reste, cette même condition est de rigueur pour l'intelligence de tout auteur ancien; la parole de Dieu renfermée dans l'Ecriture sainte s'étant soumise aux lois du langage humain, les règles qui servent à l'interprétation d'un ouvrage de l'antiquité s'appliquent aussi à elle ;) puis, le sens réel et immédiat de la parole de Dieu une fois mis en lumière, il était impossible d'en discerner les véritables et nombreuses applications pratiques, faute d'une saine appréciation de tous les degrés intermédiaires entre le texte sacré et les circonstances du moment. C'est là ce que nous appelons, d'après Clément d'Alexandrie, le travail du vigneron pour obtenir le fruit de la vigne.

Quelquefois, il est vrai, on séparait l'exégèse pratique de l'exégèse scientifique et l'on tenait celle-ci en honneur; cependant, même alors, on méconnaissait en général le vrai lien qui doit les unir. La transition de l'une à l'autre n'était pas scientifiquement établie : d'une part, l'exégèse pratique se perdit dans l'arbitraire et le caprice des opinions individuelles; de l'autre, l'exégèse scientifique devint froide et sans vie; le sens rigoureux une fois découvert, elle ne sut pas ouvrir les voies à l'application pratique de ces données premières. Ouvrir les voies, disons-nous; c'est tout ce qu'elle peut faire; l'application pratique elle-même n'est pas de son ressort. Parfois il arrivait aussi que les commentateurs scientifiques, poussés par un besoin d'appliquer la Parole de Dieu à la vie, cherchaient à faire rentrer tel quel l'élément pratique dans leur exposition; mais ils ne réussissaient par là qu'à encombrer le champ de l'exégèse de matériaux hétérogènes qui, loin de présenter un ensemble organique, formaient un choquant disparate.

Dans les travaux bibliques qu'on appelait exégèse pratique, se trouvaient souvent des pensées et des sentiments dictés par une piété sincère et capables de produire sur le lecteur une impression édifiante et salutaire; mais entre ces prétendues applications pratiques et le contenu même de la Parole de Dieu auquel elles devaient se rattacher, on ne voyait aucun lien nécessaire; c'était un rapport fortuit, indéterminé, qui dépendait

presque uniquement du gré du commentateur. De pareilles réflexions, bien que vraies et justes en ellesmêmes, n'allaient pas directement au but; elles étaient de celles qui se présentent naturellement dans la lecture de l'Ecriture Sainte à tout esprit pieux et attentif, qui se recueillent comme à sa surface, et peuvent n'être qu'un des fruits ordinaires du Saint-Esprit dont l'assistance est promise à toute étude sérieuse de la Parole de Dieu; mais ce n'était pas l'enseignement immédiat et direct qui ressortait du texte sacré, dans son application à la vie réelle. Au lieu d'envisager l'Ecriture comme la révélation divine de tous les temps, destinée à servir de règle suprême, d'époque en époque, à la vie chrétienne et à la marche de l'Église, on la soumit elle-même au jugement individuel et arbitraire de ses lecteurs. Tandis qu'on devait, en se plaçant sur un terrain historique, préciser d'abord le sens de la Parole de Dieu; puis, se laissant guider par cette parole même, en déterminer les applications pratiques et actuelles, on se perdit dans de creuses divagations. A force de vouloir, par tous les moyens, rendre édifiants des enseignements de l'Écriture qui, bien compris et sainement appliqués, eussent dévoilé des trésors d'édification solide et substantielle, on tomba dans une interprétation molle, superficielle et sans saveur. De là vient que l'exégèse pratique est tombée dans le discrédit et qu'en particulier le goût des hommes cultivés s'est révolté contre elle. Plus tard, sous l'influence du ra

tionalisme, naquit le système d'interprétation dite interprétation morale »; il avait la prétention de traiter au point de vue moral des enseignements qui sont euxmêmes la source éternelle de toute morale véritable. En outre, les adhérents de ce nouveau système non-seulement étaient peu aptes à comprendre le vrai sens de la Parole de Dieu, mais toutes leurs habitudes de pensée étaient en contradiction avec elle. Cependant il y avait dans ces efforts quelque chose de louable, savoir le désir et le besoin d'une interprétation de la Bible réellement pratique; mais ce but excellent, on ne pouvait l'atteindre qu'en suivant une tout autre voie.

Il résulte de là que l'exégèse pratique ne peut reposer que sur l'exégèse rigoureusement scientifique. Or, pour parvenir à fixer avec précision le sens d'un auteur, il faut deux conditions: la connaissance du langage qu'il emploie, et celle des circonstances historiques dans lesquelles il écrit; la première de ces conditions n'est pas moins indispensable pour l'intelligence de la Bible que pour celle d'un écrivain quelconque; et quant à la seconde, il n'est aucun travail d'interprétation pour lequel elle soit plus nécessaire que pour l'exégèse pratique; elle en est même la base essentielle. Tout ce qui s'est produit dans le domaine littéraire, toute parole une fois prononcée ou écrite appartient à l'histoire; elle ne peut être bien comprise que dans son milieu historique; notre tâche est de chercher à démêler quelle a été la vraie pensée de l'écrivain ou de l'orateur dans les

circonstances particulières où il s'est trouvé, et avec le but spécial qu'il avait en vue; ce n'est qu'ainsi que nous pouvons acquérir une intelligence complète de ses paroles. Pour cela, il faut nous unir intimement à l'auteur dont nous lisons les écrits ou les discours, nous transporter dans le temps où il vécut, faire connaissance avec ceux auxquels il s'adresse; en un mot, nous familiariser si complétement avec lui et avec son époque, qu'il devienne pour nous comme l'un de nos contemporains. On n'atteint ce but qu'à une double condition : l'une, d'acquérir une foule de connaissances destinées à ressusciter en quelque sorte le passé et à faire revivre devant soi, dans sa physionomie réelle, l'histoire des temps écoulés; l'autre, de posséder une certaine faculté spéciale que nous appellerons un sens historique, indispensable à ces études. L'un et l'autre de ces éléments sont également nécessaires; sans études laborieuses, le sens historique le plus développé ne sert de rien; mais aussi l'érudition la plus complète reste vaine si elle n'est inspirée et dirigée par ce sens historique qui est en partie un don naturel (un charisme : 1 Corinth. XII, 4.), en partie le résultat du travail.

Tant qu'on négligea d'appuyer l'exposition scientifi

que de l'Ecriture sur la double base que nous venons d'indiquer, l'exégèse pratique destinée à appliquer les principes posés par elle, ne pouvait prospérer non plus. Tant qu'on envisagea l'Ecriture comme le code des révélations du Saint-Esprit, sans s'inquiéter de la diver

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