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que nous ne sommes point la véritable ni la principale cause de cette image, mais il serait trop long de l'expliquer. 2° Que tant s'en faut que la seconde idée qui accompagne cette image soit plus distincte et plus juste que l'autre; qu'au contraire elle n'est juste que parce qu'elle ressemble à la première, qui sert de règle pour la seconde. Car enfin il ne faut pas croire que l'imagination et les sens mêmes nous représentent les objets. plus distinctement que l'entendement pur, mais seule. ment qu'ils touchent et qu'ils appliquent davantage l'esprit. Car les idées des sens et de l'imagination ne sont distinctes que par la conformité qu'elles ont avec les idées de la pure intellection 1. L'image d'un carré, par exemple, que l'imagination trace dans le cerveau, n'est juste et bien faite que par la conformité qu'elle a avec l'idée d'un carré que nous concevons par pure intellection 2. C'est cette idée qui règle cette image. C'est l'esprit qui conduit l'imagination et qui l'oblige pour ainsi dire de regarder de temps en temps si l'image qu'elle peint est une figure de quatre lignes droites et égales dont les angles sont exactement droits, en un mot si ce qu'on imagine est semblable à ce qu'on conçoit.

Après ce que l'on a dit, je ne crois pas qu'on puisse douter que ceux qui assurent que l'esprit peut se former les idées des objets ne se trompent; puisqu'ils attribuent à l'esprit la puissance de créer et même de créer avec sagesse et avec ordre, quoiqu'il n'ait aucune connaissance de ce qu'il fait : car cela n'est pas concevable. Mais la cause de leur erreur est que les

1 Tanto meliora esse judico quæ oculis cerno, quanto pro sui natura viciniora sunt iis quæ animo intelligo. Aug.

2 Quis bene se inspiciens non expertus est tanto se aliquid intellexisse sincerius, quanto removere atque subducere intentionem mentis a corporis sensibus potuit? Aug. De immort. animæ, c. s.

hommes ne manquent jamais de juger qu'une chose est cause de quelque effet quand l'un et l'autre sont joints ensemble, supposé que la véritable cause de cet effet leur soit inconnue. C'est pour cela que tout le monde conclut qu'une boule agitée qui en rencontre une autre est la véritable et la principale cause de l'agitation qu'elle lui communique, que la volonté de l'âme est la véritable et la principale cause du mouvement du bras et d'autres préjugés semblables; parce qu'il arrive toujours qu'une boule est agitée quand elle est rencontrée par une autre qui la choque, que nos bras sont remués presque toutes les fois que nous le voulons, et que nous ne voyons point sensiblement quelle autre chose pourrait être la cause de ces mouvements.

Mais lorsqu'un effet ne suit pas si souvent de quelque chose qui n'en est pas la cause, il ne laisse pas d'y avoir toujours un fort grand nombre de personnes qui croient que cette chose est la cause de l'effet qui arrive; mais tout le monde ne tombe pas dans cette erreur. Il paraît, par exemple, une comète, et après cette comète un prince meurt; des pierres sont exposées à la lune, et elles sont mangées des vers; le soleil est joint avec Mars dans la nativité d'un enfant, et il arrive que cet enfant a quelque chose d'extraordinaire: cela suffit à beaucoup de gens pour se persuader que la comète, la lune, la conjonction du soleil avec Mars sont les causes des effets que l'on vient de marquer et d'autres même qui leur ressemblent, et la raison pour laquelle tout le monde ne le croit pas, c'est qu'on ne voit tous moments que ces effets suivent ces choses. Mais tous les hommes ayant d'ordinaire les idées des objets présentes à l'esprit dès qu'ils le souhaitent, et cela leur arrivant plusieurs fois le jour, presque tous concluent que la volonté qui accompagne la produc

pas

à

tion ou plutôt la présence des idées en est la véritable cause, parce qu'ils ne voient rien dans le même temps à quoi ils la puissent attribuer et qu'ils s'imaginent que les idées ne sont plus dès que l'esprit ne les voit plus, et qu'elles recommencent à exister lorsqu'elles se représentent à l'esprit.

C'est aussi pour ces raisons-là que quelques-uns jugent que les objets de dehors envoient des images qui leur ressemblent, ainsi que nous venons de le dire dans le chapitre précédent. Car n'étant pas possible de voir les objets par eux-mêmes, mais seulement par leurs idées, ils jugent que l'esprit produit l'idée parce que dès qu'il est présent ils le voient, dès qu'il est absent ils ne le voient plus, et que la présence de l'objet accompagne presque toujours l'idée qui nous le représente.

Toutefois, si les hommes ne se précipitaient point dans leurs jugements, de ce que les idées des choses sont présentes à leur esprit dès qu'ils le veulent, ils devraient seulement conclure que selon l'ordre de la nature leur volonté est ordinairement nécessaire afin qu'ils aient ces idées; mais non pas que la volonté est la véritable et la principale cause qui les rende présentes à leur esprit, et encore moins que la volonté les produise de rien ou de la manière qu'ils l'expliquent. Ils ne doivent pas non plus conclure que les objets envoient des espèces qui leur ressemblent à cause que l'âme ne les aperçoit d'ordinaire que lorsqu'ils sont présents, mais seulement que l'objet est ordinairement nécessaire afin que l'idée soit présente à l'esprit. Enfin ils ne doivent pas juger qu'une boule agitée soit la principale et la véritable cause du mouvement de la boule qu'elle trouve dans son chemin, puisque la première n'a point elle-même la puissance de se mouvoir. Ils peuvent seulement juger que cette rencontre de deux boules est occasion à l'auteur du mouvement de la matière d'exé

cuter le décret de sa volonté, qui est la cause universelle de toutes choses, en communiqnant à l'autre boule une partie du mouvement de la première; c'est-àdire 1, pour parler plus clairement, en voulant que la dernière acquière autant d'agitation que la première perd de la sienne : car la force mouvante des corps ne peut être que la volonté de celui qui les conserve, comme nous ferons voir ailleurs.

Voy. le ch. 3 de la deuxième part. de la Méthode et l'Éclairc. sur ce même ch.

CHAPITRE IV

Que nous ne voyons point les objets par des idées créées avec nous. Que Dieu ne les produit point en nous à chaque moment que nous en avons besoin.

La troisième opinion est de ceux qui prétendent que toutes les idées sont créées avec nous.

Pour reconnaître le peu de vraisemblance qu'il y a dans cette opinion, il faut se représenter qu'il y a dans le monde plusieurs choses toutes différentes dont nous avons des idées mais pour ne parler que des simples figures, il est constant que le nombre en est infini; et même si on s'arrête à une seule, comme à l'ellipse, on ne peut douter que l'esprit n'en conçoive un nombre infini de différentes espèces, lorsqu'il conçoit qu'un des diamètres peut s'allonger à l'infini l'autre demeurant toujours le même.

De même la hauteur d'un triangle se pouvant augmenter ou diminuer à l'infini, le côté qui sert de base demeurant toujours le même, on conçoit qu'il y en peut avoir un nombre infini de différentes espèces; et même, ce que je prie que l'on considère ici, l'esprit aperçoit en quelque manière ce nombre infini, quoiqu'on n'en puisse imaginer que très-peu, et qu'on ne puisse en même temps avoir des idées particulières et distinctes de beaucoup de triangles de différentes espèces. Mais ce qu'il faut principalement remarquer, c'est que

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