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quoi de plus clair, de plus sensible, de plus facile à concevoir, que le développement de l'idée de la vertu, tel que Ciceron nous le donne; lorsqu'ils liront qu'elle est à-la-fois prudence, justice, force, et tempérance; que la prudence est le discernement des choses, bonnes, mauvaises, indifférentes; que la justice est l'état habituel d'une ame attentive et fidèle à rendre à chacun ce qui lui est dû, sans préjudice du bien public; que la force consiste à braver les périls et à supporter les travaux; qu'elle est composée de grandeur d'ame, de confiance, de patience, et de persévérance; que le propre de la grandeur d'ame est de former de généreux desseins, et d'y porter une résolution qui leur donne encore plus de lustre; que le caractère de la confiance est de compter sur soi, dans de louables entreprises, et de mettre en ses propres forces une espérance ferme d'en vaincre les obstacles et d'en surmonter les dangers; que la patience s'exerce à souffrir volontairement et long-temps, pour remplir des devoirs pénibles; que la persévérance est une stabilité perpétuelle dans des résolutions mûrement réfléchies, et qu'on n'a prises qu'après avoir tout prévu et.tout consulté; que la tempérance est la domination d'une raison sévère sur tous les mouvements de l'ame et sur tous ses penchants impétueux et déréglés; que ses espèces sont la continence, la clémence, et la modestie; que sous le frein de la continence, la fougue des désirs est

réprimée par la raison; que la clémence adoucit les transports d'une colère aveugle ou d'un âpre ressentiment; que la modestie enfin répand une pudeur honnête dans toute la conduite d'un homme de bien, et ajoute un nouvel éclat à la dignité des actions louables?

Ainsi après avoir commencé par définir en dialecticien, le jeune homme apprendra à définir en orateur; et peu-à-peu se rassemblera dans son entendement cette foule d'êtres intellectuels qui environnent l'éloquence, et qui, classés avec méthode, doivent un jour pouvoir se succéder rapidement et sans confusion dans la pensée de l'ora

teur.

Ce sera sur-tout dans les faits que lui présentera l'histoire, que l'élève retrouvera sa métaphysique en exemple et sa morale en action, mais modifiée par les circonstances, qui, quelquefois changent l'objet, au point de rendre digne de louange ce qui est en soi digne de blâme, et de rendre digne de blâme ce qui de sa nature est digne de louange. Ici la tâche que le rétheur imposera à son disciple sera de démêler, dans le caractère de l'action, ce qui la rend problématique, ou ce qui la distingue et l'excepte de la loi générale et de l'ordre commun,

De ces études on verra se former, non pas un systême de philosophie subtile et transcendante, mais un cours de' philosophie naturelle et sensible, accommodée à la vie et aux mœurs; ce qui

fut toujours, dit Cicéron, le partage de l'éloquence: Quod semper oratoris fuit. Et sans prétendre, comme lui, que l'orateur, pour être accompli, doive être en état de parler de tout avec connaissance de cause, et autant d'abondance que de variété, au moins dirai-je qu'en laissant à la philosophie ses subtilités et ses profondeurs, l'éloquence doit être prémunie de toutes les idées morales qui caractérisent les hommes et distinguent leurs actions. Oratori quæ sunt in hominum vitá (quandoquidem in eá versatur orator atque ea est ei subjecta materies), omnia quæsita, audita, lecta, disputata, tractata, agitata esse debent. (De Orat. 1. 3.)

Mais il est temps que l'éloquence elle-même reçoive ses disciples des mains de la philosophie; et je propose pour eux encore un exercice qui convient à leur âge, et dont l'exemple de Crassus et l'autorité de Cicéron garantissent l'utilité.

<< Pour me former à l'éloquence (dit Crassus dans le dialogue de l'orateur), j'avais d'abord adopté la méthode des exercices de Carbon. Je répétais de souvenir, je commentais, j'amplifiais quelque morceau de poésie ou d'éloquence, que je venais de lire en notre langue. Mais je m'aperçus que cette méthode était mauvaise, en ce que mon auteur s'étant saisi d'abord, pour rendre sa pensée, des termes les plus convenables, les plus forts, les plus élégants, si je me servais de ces mots, je ne faisais rien de moi-même; si j'en

employais d'autres, je faisais plus mal. Je préférai d'expliquer de mémoire les oraisons des plus célèbres orateurs grecs; et alors j'eus le choix de tous les termes de ma langue, pour exprimer en liberté les pensées de mon auteur ».

Voilà, je crois, le genre d'exercice le plus propre à former les disciples de l'éloquence; et c'est celui que je substituerais à ces compositions futiles dont on fatigue les enfants.

Cet exercice commencerait, dans l'école assemblée, par la lecture, à haute voix, d'un morceau pris d'un historien, d'un orateur, ou d'un poëte: car on sait bien que l'éloquence est répandue dans toute la sphère de la littérature, vagam et liberam et latè patentem, mais dans tel climat plus brûlante, dans tel autre plus tempérée; et qu'en passant sur différents sujets, comme par différentes plumes, elle change de caractère, de mouvement et de couleur. Nam quùm est oratio mollis, et tenera, et ità flexibilis ut sequatur quocumque torqueas; tùm et naturæ variæ, et voluntates, multum inter se distantia effecerunt genera dicendi. (Orat.) Ainsi tous les exemples en seraient variés, et tantôt la raison y dominerait, tantôt le sentiment, ou quelque passion violente. Dans les uns, la justesse, la précision, l'énergie; dans les autres, le coloris, la hardiesse des pensées, la vivacité des images; dans les autres enfin, le ton, le style propre aux mouvements passionnés, se présenteraient pour modèles : et après la

lecture, qui serait sobrement accompagnée de réflexions, on laisserait chacun exercer sa mémoire, son esprit, son talent, à reproduire dans une autre langue ce qu'il en aurait retenu.

Le jeune élève ne serait, dans ce travail, ni absolument livré à lui-même, ni absolument privé du plaisir de la production: il aurait, comme en traduisant, le mérite et l'attrait de l'invention du style, et de plus le mérite, encore plus attrayant, de l'invention des idées, pour suppléer à ses oublis. J'y crois voir sur-tout l'avantage de lui faire donner toute son attention aux figures, aux mouvements, aux tours du style de l'écrivain qu'on lui aurait donné pour modèle: et combien plus vive et plus profonde serait l'impression de l'exemple, lorsqu'au moment de la correction on lui ferait apercevoir qu'il aurait mal saisi le caractère de son auteur, mal répondu, je le suppose, à l'énergie de Tacite, à la précision de Salluste, à l'élocution pleine, harmonieuse, et oratoire de Tite-Live!

C'est en l'exerçant à travailler ainsi d'après de grands modèles sur des sujets intéressants, qu'on lui éleverait l'esprit, l'ame, et le style, et qu'on lui donnerait cet ardent amour de son art, sans lequel, dans la vie, et singulièrement dans la carrière de l'éloquence, on ne fait rien de grand. Studium, et ardorem quemdam amoris, sine quo, quùm in vitá nihil quidquam egregium, tùm certè hoc quod tu expetis, nemo unquàm assequetur. (De Orat. l. 1.)

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