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glise latine, qui, primitivement, ne jeûnait que trente-six jours sur les six semaines du Carême, le jeûne du dimanche ayant été de tout temps prohibé dans l'Eglise, a cru devoir ajouter postérieurement les quatre derniers jours de la semaine de Quinquagésime, afin de former rigoureusement le nombre de quarante jours de jeûne.

La matière du Carême ayant été traitée souvent et avec abondance, nous sommes contraint d'abréger considérablement les détails dans l'exposé historique que nous faisons ici, afin de ne pas dépasser les proportions de cet ouvrage; nous ferons en sorte cependant de ne rien omettre d'essentiel. Puissions-nous réussir à faire comprendre aux fidèles l'importance et la gravité de cette sainte institution, qui est destinée à remplir une si grande part dans l'œuvre du salut de chacun de nous !

Le Carême est un temps spécialement consacré à la pénitence; et la pénitence s'y exerce principalement par la pratique du jeûne. Le jeûne est une abstinence volontaire que l'homme s'impose en expiation de ses péchés, et qui, durant le Carême, s'accomplit en vertu d'une loi générale de l'Eglise. Dans la discipline actuelle de l'Occident, le jeûne du Carême n'est pas d'une plus grande rigueur que celui qui est imposé aux Vigiles de certaines fêtes et aux Quatre-Temps; mais il s'étend à toute la série des quarante jours, et n'est suspendu que par la solennité du dimanche.

Nous n'avons pas besoin de démontrer à des chrétiens l'importance et l'utilité du jeûne; les divines Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testament déposent tout entières en faveur de cette sainte pratique. On peut même dire que la tradi

tion de tous les peuples vient y joindre son témoignage; car cette idée que l'homme peut apaiser la divinité en soumettant son corps à l'expiation a fait le tour du monde et se retrouve dans toutes les religions, même les plus éloignées de la pureté des traditions patriarcales.

Chrysostôme, saint
Grand ont remarqué

Saint Basile, saint Jean Jérôme et saint Grégoire le que le précepte auquel furent soumis nos premiers parents dans le paradis terrestre était un précepte d'abstinence, et que c'est pour ne pas avoir gardé cette vertu qu'ils se sont précipités dans un abîme de maux, eux et toute leur postérité. La vie de privations à laquelle le roi déchu de la création se vit soumis désormais sur la terre, qui ne devait plus produire pour lui que des ronces et des épines, montra dans tout son jour cette loi d'expiation que le Créateur irrité a imposée aux membres révoltés de l'homme pécheur.

Jusqu'au temps du déluge, nos ancêtres soutinrent leur existence par l'unique secours des fruits de la terre, qu'ils ne lui arrachaient qu'à force de travail. Mais lorsque Dieu, comme nous l'avons vu, jugea à propos, dans sa sagesse et dans sa miséricorde, d'abréger la vie de l'homme, afin de resserrer le cercle de ses dépravations, il daigna lui permettre de se nourrir de la chair des animaux, comme pour suppléer à l'appauvrissement des forces de la nature. En même temps Noe, poussé par un instinct divin, exprimait le jus de la vigne; et un nouveau supplément était apporté à la faiblesse de l'homme.

La nature du jeûne a donc été déterminée d'après ces divers éléments qui servent à la sustentation des forces humaines; et d'abord il a dû consister dans l'abstinence de la chair des animaux, parce

que ce secours, offert par la condescendance de Dieu, est moins rigoureusement nécessaire à la vie. La privation de la viande, avec les adoucissements que l'Eglise a consentis, est demeurée comme essentielle dans la notion du jeûne: ainsi on a pu, selon les pays, tolérer l'usage des œufs, des laitages, de la graisse même; mais on l'a fait sans abandonner le principe fondamental, qui consiste dans la suspension réelle de l'usage de la chair des animaux. Durant un grand nombre de siècles, comme aujourd'hui encore dans les Eglises de l'Orient, les œufs et tous les laitages demeuraient interdits, parce qu'ils proviennent des substances animales; et ils ne sont même permis aujourd'hui dans les Eglises latines qu'en vertu d'une dispense annuelle et plus ou moins générale. Telle est même la rigueur du précepte de l'abstinence de la viande, qu'il n'est pas suspendu le dimanche en Carême, malgré l'interruption du jeûne, et que ceux qui ont obtenu dispense des jeûnes de la semaine demeurent sous l'obligation de cette abstinence, à moins qu'elle n'ait été levée par une dispense spéciale.

Dans les premiers siècles du christianisme, le jeûne renfermait aussi l'abstinence du vin; c'est ce que nous apprenons de saint Cyrille de Jérusalem, de saint Basile 2, de saint Jean Chrysostôme 3, de Théophile d'Alexandrie, etc. Cette rigueur a disparu d'assez bonne heure chez les Occidentaux; mais elle s'est conservée plus longtemps chez les chrétiens d'Orient.

Enfin le jeûne, pour être complet, doit s'étendre, dans une certaine mesure, jusqu'à la priva

1. Catech. IV. 2. Homil. I de Jejunio. 3. Homil. IV ad populum Antioch. 4. Litt. Pasch. III.

tion de la nourriture ordinaire: en ce sens qu'il ne comporte qu'un seul repas par jour. Telle est l'idée que l'on doit s'en former et qui résulte de toute la pratique de l'Eglise, malgré les nombreuses modifications qui se sont produites, de siècle en siècle, dans la discipline du Carême.

L'usage des Juifs, dans l'Ancien Testament, était de différer jusqu'au soleil couché l'unique repas permis dans les jours de jeûne. Cette coutume passa dans l'Eglise chrétienne et s'établit jusque dans nos contrées occidentales, où elle fut gardée longtemps d'une manière inviolable. Enfin, dès le 1x siècle, un adoucissement se produisit peu à peu dans l'Eglise latine; et l'on trouve à cette époque un Capitulaire de Théodulphe, évêque d'Orléans, dans lequel ce prélat réclame contre ceux qui déjà se croyaient en droit de prendre leur repas à l'heure de None, c'est-à-dire à trois heures de l'après-midi . Néanmoins, ce relâchement s'étendait insensiblement; car nous rencontrons dès le siècle suivant le témoignage du célèbre Rathier, évêque de Vérone, qui, dans un Sermon sur le Carême, reconnaît aux fidèles la liberté de rompre le jeûne dès l'heure de None 2. On trouve bien encore quelques traces de réclamation au XIe siècle, dans un Concile de Rouen qui défend aux fidèles de prendre leur repas avant que l'on ait commencé à l'église l'Office des Vêpres, à l'issue de celui de None 3; mais on entrevoit déjà ici l'usage d'anticiper l'heure des Vêpres, afin de donner aux fidèles une raison d'avancer leur repas.

Jusque vers cette époque, en effet, la coutume avait été de ne célébrer la Messe, les jours de jeûne,

I. Capitul. xxxix. LABB. Conc., tom. VII. 2. Serm. I de Quadrages. D'ACHERY, Spicilegium, tom. II. - 3. ORDERIC VITAL. Histor., lib. IV.

qu'après avoir chanté l'Office de None qui commençait vers trois heures, et de ne chanter les Vêpres qu'au moment du coucher du soleil. La discipline du jeûne s'adoucissant graduellement, l'Eglise ne jugea pas à propos d'intervertir l'ordre de ses Offices qui remontait à la plus haute antiquité; mais successivement elle anticipa d'abord les Vêpres, puis la Messe, puis enfin None, de manière à permettre que les Vêpres se pussent terminer avant midi, lorsque la coutume eut enfin autorisé les fidèles à prendre leur repas au milieu de la journée.

Au xiie siècle, nous voyons par un passage de Hugues de Saint-Victor que l'usage de rompre le jeûne à l'heure de None était devenu général'; cette pratique fut consacrée au xe siècle par l'enseignement des docteurs scolastiques. Alexandre de Halès, dans sa Somme, l'enseigne formellement 2, et saint Thomas d'Aquin n'est pas moins exprès3. Mais l'adoucissement devait s'étendre encore; et nous voyons, dès la fin du même xe siècle, le docteur Richard de Middleton, célèbre franciscain, enseigner que l'on ne doit pas regarder comme transgresseurs du jeûne ceux qui prendraient leur repas à l'heure de Sexte, c'est-à-dire à midi, parce que, dit-il, cet usage à déjà prévalu en plusieurs endroits, et que l'heure à laquelle on mange n'est pas aussi nécessaire à l'essence du jeûne que l'unité du repas 4.

Le xive siècle consacra par sa pratique et par un enseignement formel le sentiment de Richard de Middleton. Nous citerons en témoignage le fameux docteur Durand de Saint-Pour

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1. In Regul. S. AUGUSTINI, cap. 1. 2. Part. IV. Quæst. 28, art. 2. 3. 2a 2æ. Quæst. 147, art. 7. 4. In IV Dist. xv, art. 3, quæst. 8.

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