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de ses ellipses si concises, de ses inversions si pittoresques et si vives, disparaît dans les langues qui exigent une foule de mots complémentaires, et séparent ainsi des idées et des images qui devaient à leur rapprochement presque toute leur puissance. La poésie scandinave reste au moins mythologique dans sa forme, lorsqu'elle n'est pas mythique dans ses idées; sans un commentaire qui ralentit le style et le décolore, des croyances religieuses, aujourd'hui oubliées, donnent de l'obscurité à l'image la plus simple, et, du temps du scalde, elles étaient si présentes à l'esprit, que les allusions qui s'y rattachaient faisaient comprendre les pensées les moins claires. Les métaphores se renfermaient communément dans un seul mot qui réveillait les idées nécessaires pour son intelligence, et un idiome différent oblige de les étendre dans de longues périphrases, et de les expliquer par de lourdes gloses; le traducteur est forcé de choisir entre les idées et les images, il lui faut sacrifier la poésie au sens grossier du vocabulaire. Souvent son embarras est plus grand encore : beaucoup de tropes avaient été dépouillés, par le temps, de leur signification figurée, ils étaient devenus de véritables mots, et il est exposé, sans que rien l'avertisse de sa méprise, à prendre une figure dans un sens littéral, et un nom substantif pour une audacieuse métaphore. Toutes les langues ne supportent pas la même quantité d'images; le style, qui semblait pâle et maigre, deviendrait, dans un autre idiome, d'une abondance et d'un coloris fatigants (4); par d'habiles retranchements, la traduction doit alors concilier l'esprit de l'original avec les exigences de son nouveau langage.

Le lecteur se tromperait donc s'il s'attendait à trouver ici une fidélité judaïque; on a cherché avant tout à reproduire le sentiment poétique du scalde, et l'esprit du peuple auquel il s'adressait. Pour réussir complétement il eût fallu réunir à

(1) Ainsi par exemple nos langues eu- redondance d'expression habituelle aux ropéennes ne pourraient supporter la langues orientales.

un vif sentiment de la poésie une connaissance fort étendue de la civilisation scandinave, et si ces deux nécessités ne s'excluent pas, au moins est-il fort difficile de les concilier dans la pratique ; quand l'intelligence est préoccupée de la justesse d'une pensée et de l'exactitude d'une expression, l'imagination devient moins sensible à leur beauté. Quelque libres que doivent sembler des traductions qui déclarent s'attacher beaucoup plus à l'esprit qu'à la lettre, peut-être auraient-elles plus de droits à se prétendre fidèles qu'une foule d'essais conçus dans un système différent ; mais on tenait à dire que c'est de la poésie que l'on s'est efforcé de rendre en français pour servir de base, non à des recherches d'érudition, mais à une histoire littéraire.

LE CHANT DE LA SIBYLLE (*).

Silence! filles de Heimdal (1), grandes et petites intelli

(1) Le Dieu blanc, suivant le prymsquida, st. XV. L'étymologie de son nom est fort incertaine; il paraît cependant qu'il était le Dieu du jour : voilà sans doute pourquoi le poète appelle les Intelligences filles de Heimdal. Peut-être cependant cette expression se rattachet-elle au mythe qui faisait sortir les trois castes (serf, plébéien et noble) de Heim dal, sous le nom de Rig; la Sibylle s'adresserait alors à tous les hommes. Heimdal était aussi la sentinelle des Dieux, comme nous le verrons plus tard; il avait neuf mères, Hyndlu-liod, st. XXXIII, XXXIV. Probablement ce dernier mythe signifiait que tous les êtres avaient voulu contribuer à la sareté des Dieux.

(*) Völu-spa, probablement de Völva, génitif Völvu, nom générique de toutes les magiciennes qui prédisaient l'avenir Vatnsdælasaga, p. 44; Fornaldar Sögur, t. II, p. 165, 506, etc.; Dans la ballade suédoise intitulée Riddaren Tynne, Svenska Folk Visor, t. I,

P. 32, il y a encore, st. II, la fille d'un
nain qui s'appelle Ulfva. Aussi Rask,
Biörn Lexicon, t. II, p. 464, écrit-il
Völvuspa; mais cette orthographe n'est,
à notre connaissance, justifiée par aucun
manuscrit. Les éditeurs de l'Edda sem-
blent n'avoir pas eu d'opinion arrêtée;
on trouve Völu-spa, t. I, p. 312; V8-
luspa, t. III, p. 191 et 1132; Völo-
spa, t. III, p. 23 et seq.; Völospa, id.
p. 774 et 775. Nous avons adopté celle
de ces variantes qui se rapprochait le .
plus de la forme régulière du génitif et
de notre système sur l'orthographe des
mots composés. Nous avons traduit sur
l'édition in-4o de l'Edda, t. III, p. 25;

si nous nous en sommes écarté deux ou
trois fois pour la ponctuation, c'est
qu'elle manque à peu près compléte→
ment dans les manuscrits et que les
éditeurs la font concorder avec leurs
interprétations. Völa semble avoir
quelque rapport avec l'Ariminiensis
Folia dont parle Horace, la Buleam de
Guillaume Herman :

gences qui peuplez l'univers! Je vais raconter les œuvres du

La disme Sibilla

En mains lius conversa.

E Buleam nomerent

Ceste fiste escriptures.

et la Balaam, que l'on trouve dans Vincen-
cius Bellovacensis, Speculum historiale,
1. XX, c. 20. Son nom semble venir de
l'éolien un ou 6ovλn, conseil, qui se
retrouve dans Si-bylle; la première syl-
labe est peut-être une abréviation de
Zeos pour cos. En islandais, comme
en celtique et en français, fol signifie privé
de son bon sens, et les Orientaux pensent
encore que les fous sont les bien-aimés
de Dieu.

Il furent dis Sibiles,
Gentils dames nobiles,
Ki orent en lur vie
Esprit de prophecie,

Sibile erent nomees
E sages apelees,
Tutes femmes savantes
Ki erent devinantes.
Guillaume Herman, Regine Sibille, MS.
de l'Eglise de Paris, n. 277, fol. 160,
col.B., verso.

C. 2

sum, 1. VII, p. 368, et saint Augustin convient que ce n'est pas impossible, De Civitate Dei, 1. XVIII, c. 47. Voyez les vers grecs de la Sibylle d'Erythrée des, 1495, et l'Hésiode de Florence, 1540, sur le Christ dans le Théocrite des Alet de Venise, 1545. On l'invoquait dans les mystères religieux:

Vere pande jam Sibylla

Quae de Christo praescis signa,
Mysterium fatuarum Virginum
Wright, Early Mysteries, p. 62.
Helie, suz l'auctorite
Devons entendre Sebile,
Qui fut royne moult nobile,
Et dist q'uns naistroit de famme
Sanz corrupcion, sans diffame,
Lequel Dieu et homme seroit,
Mort et passion souffreroit.

ap.

Nativité de N. S. Jésus-Christ, ap. Jubinal,
Mystères inédits, t. II, p. 14.

Le jour de Noël on chantait leurs prophéties dans les églises; naguère encore dans la prose du Jour des Morts on invoquait leur témoignage: Teste David cum Sibylla, st.. I, et on les peignait sur les vitraux des temples; voyez la Description historique de l'Eglise de Saint-Ouen, par Gilbert. Les manuscrits de la Bibliothèque du Roi 6987 et 7636 contiennent des prédictions de la Sibylle; parmi les manuscrits de la Bibiothèque Christine, M. Greith, Spicilegium Vaticanum, p. 106, cite Sibyllae verba et carmina; Sibyllae Cumanae praedictiones; Sybillae Erythreae Vaticinia; Sybillae Hispanicae Vaticinia; Sybillae Tiburtianae Praesagia, et dans le 11° siècle Marbod rendait les prédictions de la Sibylle dans des vers latins que nous aurons plus d'une occasion'de citer. V. aussi Weidler, Dissertatio ad locum Sibyllae Erythreae, et Birger Thorkelin, Libri Sibyllistarum veteris ecclesiae crisi, quatenus monumenta christiana sunt, subjecti; Copenhague, 1815. On sait quelle réputation eurent pendant le moyen âge les prophéties de Merlin, de saint Hildegart, de sainte Brigitte, de Nostradamus et de Joachim le Calabrois, que Dante place dans le 4 cercle de son Paradis:

Les prophétesses étaient fort répandues et fort célèbres en Scandinavie; Odin lui-même en consulte une dans le Vegtams-qvida; on les appelait à la naissance des enfants pour prédire leurs destinées; Helga qoida Hundingsbana I, st. I; Saga af Norna Gesir, etc.; pour se faire mieux récompenser elles prirent l'habitude de ne plus dire que le bien, et parurent douer les enfants de là viennent sans doute les fées du moyen âge. On les trouve chez tous les peuples germaniques; Tacitus, Germania, VIII; Historia, I. IV, c. 61, 65; Dio Cassius, 1. LXVIII; Munster, Cosmographia, 1. II, c. 50; Gregorius Turonensis, Opera, p. 216 et 368, éd. de Ruinart: Jornandes, De Gothorum Origine, c. XXIV, etc.; l'histoire en mentionne encore une en 847; Annales Fuldenses, ap. Pertz, Monumenta Germaniae historica, t. 1, p. 365. Ce qui prouve encore mieux la popularité dont elles jouissaient, c'est l'importance que les premiers chrétiens attachaient à leurs prédictions pour établir la verité du christianisme. Celse leur reprochait d'avoir falsifié leurs vers, ap. Origenes, Contra Cel- Ou

Rabano è qui e lucemi da lato,
Il Calavrese abate Giovacchino,
Di spirito profetico dotato.

Paradiso, c. XII, v. 139. mettait aussi en Allemagne la pré

père des mondes (1), et les premières traditions de l'Humanité qui me soient restées dans la mémoire.

Je me souviens des Géants, qui furent créés les premiers; ils m'ont jadis transmis leur science; je me souviens des neuf mondes, des neuf cercles du ciel (2), et des temps où l'arbre qui supporte l'univers gisait encore dans la poussière (3).

Au commencement des siècles régnait Ymer (4); il n'y avait ni sable, ni mer, ni eaux dormantes; partout manquaient la terre et le ciel qui la couvre ; l'espace était vide; l'herbe ne poussait nulle part (5).

diction de la fin du monde dans la bouche des Sibylles; nous citerons seulement deux ouvrages qui étaient tous les deux populaires : Zwölf Sybillen Weissagungen, viel wunderbarer Zukunft, vom Anfang bis zum Ende der Welt besagend; Cöln und Nürnberg, sans date, et Von Sibilla Weissagung und vom König Salominis Weissheit, was Wun ders geschehen ist, und noch geschehen soll vor dem jüngsten Tag ; Nürnberg, 1518. Le Völu - spa n'est pas le seul poëme de l'Edda qui prédise la fin du monde; elle est annoncée en termes plus ou moins clairs dans le Vegtams-quida, st. XIX, le Hyndlu-liod, st. XXXIIIXI. et le Hrafna-galldr Opins, st. III et V. M. Mone, Gesch. d. leidenth., p. 440 regarde ce dernier poëme comme l'introduction du Völu-spa; mais il nous a paru, comme aux éditeurs de l'Edda, t. I, p. 200, et à M. Finn Magnussen, Eldre Edda, t. II, p. 218, qu'il avait plus de liaison avec le Vegtams-qvida, et nous ne l'avons point traduit.

(1) Orphée donne à Uranos le titre de κοσμοπατωρ, παγγενετωρ, et Aratos celui d'aρyn wy; Jupiter est également appelé Tang, Suppl., v. 809; Septem c. Theb., v.117, et πατηρ θεων ¿νμπι, Choeph., v. 780. Virgile a dit aussi, eclog. III, v. 6:

Ab Jove principium, Musae, Jovis omnia

plena (2) La pluralité des mondes est dans

presque toutes les cosmogonies; on la retrouve jusques au Mexique; de Humbold, Vues des Cordilières, t. II, p. 119; et Aristote parle des neuf sphères du ciel. Cette pluralité est la conséquence d'un parallélisme entre le ciel et la terre dont nous retrouvérons bien d'autres traces; Vafprudnis-mal, st. XXXXIII; Alvis-mal, st. IX; Skalda, P. 222. Virgile dit aussi, AEneis, lib. VI, v. 459:

Fata obstant, tristique palus inamabilis unda Alligat, et novies Styx interfusa coercet. On sait que les anciennes mythologies tenaient pour sacré le nombre trois, et par conséquent neuf, son carré.

(5) Nous renvoyons à la st. XVII nos explications sur l'arbre cosmogonique. (4) Le chaos, d'ymr, tumulte confus; yma, combat; ou plutôt hyma, dormir. les cosmogonies; Sanchoniathon, ap. Eu(5) On retrouve le chaos dans toutes seb. De Praep evangel. ; 1. II, c. 10; Berose ap. Syncel. Chronog. Münter, Relig. d. Babyl., p. 38-47; Manava Dharma-Sastra, Î. I, st. 5; Hésiode, Theogonia, v. 116-125; Apollon. Rhod. Argonauticon, 1. I, v. 496-499; Euripide, Fragm., t. II, p. 454, éd. de Beck; Ovid., Metamorphoseon, 1. I, v. 5. Ante mare, et terras, et, quod tegit omnia, coelum Unus erat toto naturae vultus in orbe, Quem dixere chaos, rudis indigestaque Nec quidquam nisi pondus iners. Platon l'appelait, d'après le Scholiaste

moles;

Avant de créer l'immense habitation des hommes, les fils de Bur (1) s'élevèrent un palais : le soleil étincelait au midi sur le mur de la salle; alors la terre se couvrit de plantes verdoyantes.

Suivi de la lune, le soleil franchit au midi les portes du ciel, et s'élança à droite (2); il ne savait point où trouver son palais; les étoiles ne savaient où chercher leur demeure; la lune ne savait point quel serait son empire (3).

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Alors tous les Dieux montèrent sur leurs trônes, et les plus puissants tinrent conseil ; ils nommèrent la nuit et le jour; pour mesurer le temps, ils donnèrent leur nom à l'aube et au milieu du jour, au crépuscule et au soir (4). réunirent dans la vallée d'I

Les Ases (5) se

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Noh funna ni scein
Noh mano ni liuhta

Noh der mareoseo.

ὅθεν αἱ ἀνατολαι των άστρων, Arist., De Coelo, II; тo d'étideğiα yiyrɛoba Topos : Platon., De Legibus, VI, p. 760. Le cheval du soleil s'appelait Skinfaxi (qui a la crinière lumineuse), et celui de la lune Hrimfaxi (qui a la crinière couverte de givre); la rosée provient de l'écume qu'il laisse tomber de son mors tous les matins.

(3) Il y a dans l'islandais une amphibologie qu'on a cherché à conserver.

(4) Dans les lois de Manu, 1. I, st. 24, Brahma crée aussi le temps et les divisious du temps.

Wessobrunner Gebet, ap. Wackernagel, Altdeutsches Lesebuch, col. 67. (5) As, Ass; au pluriel Æsir, Esir, (1) Le fils, de l'hébreu (l'alba les Dieux. Ce nom reparaît dans presnais dit encore Tippa); son père Buri que toutes les mythologies: les anciens n'avait été engendré par personne. On Indous avaient leur Isha; les Egyptiens retrouve la même idée chez les Assy- appelaient Aphrodite up, d'ariens: Ninus signifiait également fils, de 1. Bur épousa Bestla, fille du géant près un passage formel d'Orion le gramBalthorn, et en eut trois fils: Odin, Ho- mairien, xa tn A'ppoditny oi Aidur ou Ve, et Hænir ou Vili. Odin ne γυπτιοι κάλουςιν Α' θωρ; c'est cer naquit ainsi qu'après la Nature, et il en tainement le radical d'Osiris, en hébreu est de même de Jupiter, de Brahma;, et dans la langue vulgaire actuel-Manava, 1. I, st. 9,et de Mithra; Justin, Dialog. cum Triphon. p. 305.

يمن

(2) L'origine de cette idée est évidem ment orientale: '' en hébreu, et en persan, signifient tout à la fois la droite et le sud. Les Grecs supposaient aussi au ciel une droite et une gauche: το δε δεξων ἀφ' ού, (ή κινησις ) ...

le,

signifie encore grand; et ccrey l'on trouve Ourwos dans Sanchoniathon, et I, dans Bérose. Les Arabes avaient une idole qu'ils appelaient. Hesichius nous apprend, 6. v. A cont que les Étrusques nommaient leurs Dieux

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