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recherche de la vérité, doutez donc, mais cependant de telle manière que vous ne doutiez pas; vous voulez arriver à la certitude, voici la marche à suivre, elle vous conduira infailliblement au but, pourvu toutefois que vous ne fassiez que semblant de marcher. Pourquoi Descartes recourt-il au doute méthodique? C'est afin d'affranchir son esprit de tout préjugé qui pourroit le détourner de la connoissance de la vérité (1); mais si le doute n'est que fictif, tous les préjugés, c'est-à-dire, dans ce système, toutes les croyances reçues sans l'examen préalable de la raison individuelle, restent nécessairement dans l'esprit avec toute leur influence on ne peut dor s'assurer qu'on ne sera pas détourné de la connoissance de la vérité, qu'en entreprenant une bonne fois d'ôter de son esprit toutes les opinions qu'on a eues jusqu'alors en sa créance. Que, dans les écoles catholiques, on recule devant cette conséquence, cela se conçoit; mais qu'on ne croie pas arrêter les ravages de cette méthode, en insinuant aux jeunes gens qu'elle ne doit être qu'un jeu de l'esprit. Le moment arrive bientôt où le plus simple bon sens leur apprend qu'il étoit absurde de la leur enseigner, ou qu'il seroit absurde de ne pas la mettre en pratique, et c'est alors qu'en la suivant réellement, ils ne conservent plus qu'une foi fictive.

Que si, admettant le principe fondamental du cartésianisme, on rejette le doute méthodique, on tombe dans une inconséquence manifeste. Quel est en effet ce principe? les idées claires et distinctes sont, pour chaque homme, le critérium de la vérité. On ne doit donc accorder son assentiment qu'aux propositions revêtus de ce caractère; or, au moment où il adopte ce principe pour règle de ses croyances, quel est l'homme qui peut s'assurer que dans toutes les opinions qu'il a eues jusqu'alors en sa

(1) Princip., page 1.

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créance, il n'en est aucune qui ne repose sur des idées claires et distinctes? En attendant qu'il ait fait ce discernement nécessaire, il devra donc suspendre son assentiment, remplacer, provisoirement du moins, la foi par le doute, et pour obéir à la première loi de la raison, il commencera par violer, en toute sûreté de conscience philosophique, la première loi de la religion.

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Supposons que dans une école de philosophie cartésienne, un élève adresse à son professeur les questions suivantes, pour s'assurer qu'il a bien compris la leçon. — N'est-il pas vrai que chaque homme ne doit croire que ce qui est démontré à sa raison? Oui. N'est-il pas vrai que pour vérifier une démonstration, il faut la soumettre au critérium de la certitude? — Oui. — N'est-il pas vrai que ce critérium réside dans les perceptions claires et distinctes? Oui. Maintenant supposons qu'au sortir de cette leçon même, l'élève aille consulter ce même professeur, non comme professeur de philosophie cartésienne, mais comme directeur de sa conscience, et qu'il lui dise: « Je » vous avoue, mon Père, que jusqu'ici je ne m'étois guère » occupé d'ajuster mes croyances au niveau de ma raison, et » de les confronter avec le critérium des idées claires et » distinctes, dont vous nous avez dit aujourd'hui des choses » si merveilleuses. Je vais m'occuper sérieusement désor» mais de refaire mon intelligence; mais comme, avant » d'avoir achevé l'examen de toutes mes opinions, j'ignore » celles que je devrai retenir et celles que j'aurai à réfor» mer, je dois, en attendant, les envelopper sans exception » dans le même doute. Cependant, voyez mon embarras, » mon Père: si je doute, je renonce à la religion; si je ne » doute pas, je renonce à la raison. Est-ce qu'il y auroit » un moment dans la vie, où, d'après la philosophie que » vous nous enseignez si doctement, la foi et la raison ne >> sauroient s'accorder? »

CHAPITRE QUATRIÈME,

DE LA DOCTRINE D'AUTORITÉ DANS SES RAPPORTS avec la FOI,

S I.

Et premièrement par rapport au principe de Foi,

QUAND on recherche le principe de foi, on suppose l'homme dans son état naturel, et non dans l'état de folie; on le suppose avec toutes ses croyances invincibles inhérentes à sa nature, ces croyances dont l'absence constitueroit l'idiotisme complet, et dont l'altération produit l'aliénation mentale. Or, quiconque douteroit s'il existe, s'il y a d'autres hommes, s'il est en rapport avec eux, s'il Ꭹ a un langage, une raison commune, seroit déclaré fou par tous les autres hommes. Il faut donc prendre l'homme tel qu'il est, c'est-à-dire, en rapport avec la société humaine; de même que lorsque les théologiens traitent la question du principe de foi, relativement aux vérités révélées par JésusChrist, ils prennent le chrétien dans son état naturel, c'est-à-dire, en rapport avec la société chrétienne ou l'Église; et il seroit ridicule de leur demander quel est le principe de foi pour l'homme baptisé qui, par idiotisme ou folie, douteroit si l'Église existe, et s'il peut reconnoître son témoignage.

Par la même raison, il ne s'agit pas non plus de rechercher quel pourroit être le principe de foi pour un individų que des circonstances particulières auroient placé dès son

enfance hors de toute communication avec la société. Ce seroit toujours prendre l'homme hors de son état naturel, qui est l'état social. Quelque idée qu'on se forme de cet individu, toujours est-il qu'il ne pourroit parvenir à la foi que par une voie extraordinaire, absolument différente de celle par laquelle les autres hommes y parviennent. C'est uniquement de cette voie naturelle et commune qu'il s'agit dans la question qui nous occupe; de même que, lorsque les théologiens établissent que le principe de foi pour les chrétiens est l'autorité de l'Église, il s'agit uniquement de la voie commune et naturelle, et qu'il seroit absurde de leur objecter que le témoignage de l'Église ne pourroit être le principe de foi, pour un individu baptisé, qui dès ses premières années se seroit trouvé privé de toute communication avec elle. Au reste, tout ce que l'on connoît de quelques êtres humains qui se sont trouvés placés hors de l'état social, tel que la fille sauvage de Picardie, le sauvage de l'Aveyron, et celui qui a été rencontré dernièrement dans les forêts de la Bohême, prouve que, malgré le développement de leurs organes et de leurs forces physiques, ils restent, sous le rapport intellectuel et moral, dans une imbécillité complète et ne sont que des enfants robustes. Chercher le principe de foi pour ces individus, c'est comme si on le cherchoit pour l'enfant lorsqu'il est encore dans l'idiotisme natif.

Enfin, nous n'examinons pas en ce moment le principe de foi pour un individu à qui Dieu parleroit immédiatement comme au premier homme. Dans ce cas extraordinaire, ce principe est toujours le témoignage d'une raison supérieure, de la raison divine; mais il y a cette différence, que l'homme est alors en rapport immédiat avec Dieu, tandis que dans l'état ordinaire du genre humain il n'est en rapport immédiat qu'avec les autres hommes, et qu'ainsi sa foi n'est pos

sible qu'autant qu'il y a un principe médiat, un témoignage infaillible intermédiaire entre Dieu et lui. De même, lorsque les théologiens catholiques considèrent en général le principe de foi pour les chrétiens, il ne s'agit point des apôtres, par exemple, qui communiquoient immédiatement avec l'Homme-Dieu; mais comme la généralité des chrétiens n'est en rapport immédiat qu'avec des hommes, les théologiens ne s'occupent d'abord que du principe médiat de la foi, de ce témoignage infaillible, intermédiaire entre le Sauveur et chaque chrétien, et sans lequel le chrétien ne pourroit connoître certainement le témoignage de l'HommeDieu.

La plupart des objections relatives au principe de foi, considéré soit par rapport à tous les dogmes de la religion dans tous les temps, soit par rapport aux dogmes révélés par Jésus-Christ, viennent de ce qu'on dénature l'état de cette question extrêmement simple. Il s'agit uniquement, dans l'un et l'autre cas, de trouver ce témoignage infailli– ble qui transmet à chaque homme ou à chaque chrétien le témoignage de Dieu, source primitive de la foi.

Or, remarquons que le caractère essentiel du principe de foi est que son infaillibilité ne dépende d'aucun raisonnement individuel: autrement la foi infaillible viendroit toujours se résoudre dans le jugement d'une raison faillible. Mais l'infaillibilité du principe de foi ne peut être indépendante de tout raisonnement individuel, qu'autant qu'il est lui-même le principe constitutif de la raison dans chaque individu, de telle manière que chaque individu ne puisse participer à la raison, qu'en croyant à cette infaillibilité. En effet, si la raison pouvoit exister dans chaque homme indépendamment du principe de foi, cette raison individuelle préexistante seroit toujours la base de la foi, qui ne pourroit être certaine, qu'en supposant la raison individuelle

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