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passion ou quelque intérêt dominant, soit en général par un défaut de culture. La raison est dans chacun de nous, et elle est en soi la même pour tous, mais il faut savoir l'interroger. C'est, suivant la parole que je rappelais tout à l'heure, une lumière qui illumine tout homme; mais cette lumière, pour briller dans tout son éclat, a besoin d'être dégagée des nuages qui l'offusquent. Elle est donc aussi, en ce sens, le prix de nos efforts.

Le second fait, celui de notre liberté morale, n'est pas moins évident que le premier, et il suffit aussi de descendre en soi-même pour le constater de la manière la plus irréfragable.

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Je reprends l'exemple dont je me suis déjà servi. Mon intérêt ou ma passion me pousse à m'approprier le dépôt qui m'a été confié; mais mon devoir me commande de le restituer. Est-ce que je ne me sens pas le maître de résister à l'impulsion de ma passion ou de mon intérêt, et de faire ce que le devoir me commande? Et si je succombe à la tentation, est-ce que je ne sens pas qu'il dépendait pourtant de moi de résister et de vaincre? est-ce que je ne m'impute pas cette faute à moimême, et, par suite, est ce que je m'en reconnais pas justement puni par le remords qui me poursuit? Je me sens donc libre, et c'est pourquoi je me tiens pour responsable de ma conduite. Je n'ai pas besoin d'autre preuve de ma liberté : elle est un fait attesté par le plus clair et le plus irrécusable de tous les témoignages, le témoignage du sens intime.

Mais ici encore on allègue bien des difficultés.

Les unes sont tirées de l'observation elle même : on montre l'homme gouverné par ses penchants, comme une marionnette par les fils qui la font mouvoir. Je réponds que les penchants, quelque puissants qu'ils soient, ne sont cependant pas tout puissants, puisque je me sens libre de leur résister et que je leur résiste en effet.

Que si, par hasard, ils deviennent en réalité irrésistibles, alors, en effet, je cesse d'être libre; mais cela n'est pas l'état normal dans la vie de l'homme, c'est au contraire une anomalie, un désordre qui a un nom particulier, un triste nom, la folie ou l'aliénation.

Les autres viennent de certains systèmes métaphysiques qui ne peuvent se concilier avec la liberté morale de l'homme, et qui trouvent plus simple de la nier, comme, par exemple, le matérialisme de d'Holbach, ou, dans un autre ordre d'idées, le panthéisme de Spinoza, ou telle doctrine théologique sur l'omnipotence divine ou sur la prescience divine, etc. Mais un système, quelque spécieux qu'il soit d'ailleurs, ne prouve rien contre un fait. Ce n'est pas aux faits à se plier aux systèmes, c'est aux systèmes à s'accomoder aux faits. La liberté morale est un fait qu'aucune théorie métaphysique ou. théorique ne saurait détruire, et dont la vérité subsiste à ce titre dans l'esprit même de ceux qui la nient par système...

Obligation morale et liberté morale, voilà donc deux points aussi solidement assurés que puisse l'ètre aucune vérité, car ce sont des vérités dé fait. Pour les trouver et les fixer, il n'est besoin de recourir à aucune hypothèse transcendante, à plus forte raison à aucun principe surnaturel; il suffit de descendre en soi-même et de se reconnaitre. L'observation qui les fournit n'estsans doute pas l'observation physique, mais le physique n'est pas tout l'homme, et les vérités morales que je viens de rappeler ne sont pas moins certaines que les vérités physiques les mieux établies...

Il résulte aussi de ce que je viens de dire que la morale est, dans ses bases, indépendante de toute métaphysique, c'est-à-dire de tout système sur l'âme et sur Dieu..

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Quelles que soient l'origine, la nature et la destinée ultérieure de l'âme,' qu'elle soit un principe essentielle

ment distinct du corps et pouvant lui survivre, ou qu'elle se confonde avec l'organisation et doive périr avec elle dans tous les cas, la loi morale n'en conserve pas moins, aux yeux de l'homme qui consulte sa raison, toute son autorité. De même, quels que soient la nature de Dieu et ses rapports avec le monde et avec l'humanité; qu'il soit un être distinct du monde ou qu'il n'existe qu'en lui; qu'il soit, comme on dit en termes d'école, transcendant ou immanent, l'autorité de la loi morale reste toujours la même. Je ne veux pas dire que la morale soit sans lien aucun avec la métaphysique : la raison qui nous diete nos devoirs a sans doute elle-même un principe supérieur, où il est légitime de rattacher la morale. Que celle-ci cherche donc son couronnement ou sa sanction dans une certaine métaphysique, rien de mieux; mais ce n'est pas cette métaphysique qui donne à ses lois leur valeur. Bien loin de dépendre de la métaphysique, la morale nous fournit, au contraire, un moyen pour juger ses systèmes, et peut-être est-ce elle qui projette la plus sùre lumière sur ses obscurs problèmes.

De même est-elle indépendante de tout dogme théologique et de tout culte. Sans doute, les religions, en donnant aux préceptes de la morale la forme d'ordres dictés par Dieu lui-même, et en y ajoutant, au nom de Dieu, la promesse de certaines récompenses ou la menace de certains châtiments, ont pu leur communiquer une force qu'ils n'auraient pas eue sans ce secours, et elles ont été par là de puissants auxiliaires pour la morale mème. Aussi voyons-nous tous les anciens législateurs recourir à cette forme, non par l'effet d'un calcul politique, comme on le croyait trop au xvme siècle, mais en obéissant instinctivement à une nécessité de leur époque. La forme religieuse est pour la morale, comme pour tout le reste, la forme primitive de l'humanité. Mais, à mesure que l'humanité grandit et que sa raisou

se fortifie, elle dégage les lois morales de cette enveloppe; ou, si elle y reconnait encore des lois divines, c'est parce que la raison mème proclame leur autorité absolue. Un progrès s'est fait en ce sens dans l'antiquité avec l'aide des philosophes; il s'est renouvelé dans les temps modernes par le moyen de la Réforme et de la philosophie, et il ira toujours grandissant, à mesure que l'humanité elle-mème se développera. Ce progrès est d'autant plus important et nous devous d'autant plus. nous efforcer de le håter, que les religions n'ont pas été seulement pour le genre humain des instruments de moralisation, mais qu'elles ont aussi exercé et qu'elles exercent encore aujourd'hui, à beaucoup d'égards, une action malfaisante. L'exclamation du poëte latin: Tantum religio potuit suadere malorum, n'est-elle vraie que par rapport au paganisme, a-t-elle cessé de l'ètre depuis, et n'a-t-elle plus, de nos jours, aucune application?

Telle est donc la morale: l'ensemble des lois rationnelles qui doivent gouverner nos mœurs, ou, en un seul mot, de nos devoirs. L'exposition régulière de ces devoirs constitue la science morale; leur pratique désin→ téressée est la moralité mème ou la vertu; leur violation, l'immoralité, le vice ou le crime.

Je dois ajouter encore, pour compléter ces indications sommaires, que de la mème source d'où dérive le devoir dérive aussi le droit : c'est parce que je suis un être raisonnable et libre, une personne en un mot, que j'ai des devoirs à remplir, et c'est pour cela aussi que j'ai des droits, dont le respect constitue à son tour un devoir pour mes semblables, de même que le respect de leurs droits est un devoir pour moi. Le droit et le devoir sont ainsi corrélatifs, et à ce titre la morale les embrasse tous deux.

Voyons maintenant quels sont les rapports de la morale ainsi déterminée avec la démocratie.

(La fin de cette leçon au prochain numéro.)

BROCHURE PERSIGNY.

Chronique

M. de Persigny vient de pu blier une brochure qui fait beaucoup de bruit, sous le titre de «Lettre de Rome, adressée à Son Excellence M. le président du Sénat ». On peut inférer de cette publication que la résolution de la France est prise, et qu'il faut que le Pape s'arrange avec VictorEmmanuel; sinon, on laissera les évènements suivre leur cours, et, s'il plait au Pape de quitter Rome, on lui souhaitera un heureux voyage, et l'on s'arrangera de manière à se passer de lui. La menace est claire, et de plus, il y a lieu de croire qu'ellé a certaines chances de se réaliser. La pression ira donc jusqu'au bout, de sorte qu'au moment fatal, Pie IX (on le croit du moins) fera le même raisonnement que Henri IV: il se dira qu'au fond la possession du Vatican et du territoire pontifical vaut bien un traité avec le roi d'Italie, et... ce traité se fera. Telle est du moins l'opinion que M. de Persigny a rapportée de Romé et qu'il développe à ses amis. Il est vrai que, lorsque le cardinal Antonelli discutait avec M. Vegezzi, il lui disait « Nous ne sommes pas ici des diplomates; nous somines deux catholiques débattant, dans une sacristie, une question qui intéresse purement et simplement le salut des âmes »; et que, lorsque M. Vegezzi poussait la discussion, sans s'en apercevoir, sur le terrain politique, le cardinal l'arrêtait en lui disant : « Prenez garde, ne sortons pas de la sacristie. Mais cela n'est que fiction, et le cardinal Antonelli 'ne tardera pas à s'en convaincre. If reste seulement à savoir si l'on parviendra à faire ac cepter au peuple italien la première convention arrêtée dans la a sacristie romaine ». Toutes les lettres qui arrivent d'Italie en doutent beaucoup.

(Journal de Genève).

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