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invoque comme le critérium souverain, invariable, absolu du vrai, du bien, du beau, devenant toujours et n'étant jamais identique à elle-mème pour tous, échappe sans cesse à tous, et semble n'avoir d'autre effet ou résultat visible que de nous leurrer comme un éternel mirage de l'intelligence, qui servirait uniquement d'éternel aliment à nos éternelles disputes. Or, tant que sur un objet donné quelconque la raison ne se manifeste pas à un individu, fùt-elle manifeste pour tout le reste du genre humain, elle est pour lui comme si elle n'était point. De là une vérité toujours relative pour chacun et pour tous.

Cette dernière considération projette la plus vive lumière sur deux questions capitales: 1° La légitimité, la nécessité morale et sociale absolue de l'éducation et de l'instruction publique démocratique, ou du développement parallèle, également soigné de toutes les intelligences jeunes et adultes, et de toutes les classes sans exception; 2° le peu de fondement et de valeur absolue du droit de punir, compris et appliqué comme il l'a été jusqu'ici, et le peu d'efficacité des peines en général.

PECQUEUR.

(La suite au prochain numéro.)

Grands mots, petites choses.

Les hommes sont de grands enfants qu'on amuse avec des hochets, qu'on berce avec des chimères, qu'on terrifie avec des mots vides de sens ; et le prestige est d'autant plus grand qu'ils comprennent moins. L'inconnu, l'obscur ont quelque chose de cabalistique, de magique, qui frappe d'admiration; le charme cesserait du moment où leur esprit, perçant le mystère, commencerait à entrevoir quelques clartés; tous les fantômes ont besoin des ténèbres.

Donnons quelques exemples.

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I. L'OINT DU SEIGNEUR! - Voilà une locution qui à joué un grand rôle dans l'histoire du monde, et à l'aide de laquelle on mène encore les populations. Pourquoi doit-on vénérer le prètre, le considérer comme un ètre à part, s'incliner devant lui, obéir à sa voix, exécuter ses ordres sans murmurer, sans oser mème faire de réflexions? C'est parce qu'il est l'oint du Seigneur. Pourquoi est-il, de droit divin, exempt d'impôts, ne peut-il ètre jugé par des tribunaux laïques (1), est-il au-dessus du droit commun? C'est par ce qu'il est l'oint du Seigneur.

Les bonnes gens se paient de cette raison décisive et répètent avec effroi : L'oint du Seigneur! Mais savent-ils ce que cela signifie? Non, certes, et ils seraient bien fàchés de le savoir; car s'ils comprenaient, tout serait perdu. C'est comme le latin de la` messe, qui leur fait l'effet d'un grimoire et dont le chant monotone leur inspire un respect superstitieux. Faut-il leur révéler le fatal secret? Allons, essayons de les familiariser avec l'objet de leur adoration.

Oint, participe passé du verbe oindre, vent dire graissé, huilé. L'oint du Seigneur n'est done autre que le huile du Seigneur. Remplacez les mots sacramentels par leur synonyme, et, le sens étant le même, voyons si l'effet sera le mème. Non: je vois les fidèles qui se mettent à rire, honteux d'avoir tremblé devant si peu de chose. Qu'importe, nous disent-ils, qu'un homme soit ou ne soit pas huilé? En quoi cette circonstance peutelle influer sur son caractère, sur sa considération, lui valoir des titres au respect, à l'obéissance de ses semblables? L'huile est une bonne denrée, sans doute, utile à bien des usages domestiques; mais nous ne voyons pas ce qu'elle a de sacré, de divin, plutôt que tout autre

(1) Ces priviléges sont de nouveau revendiqués et confirmés par l'Eneyclique du 8 décembre 1864, art. 30 et 31 du Syllabus.

condiment, tel que le vinaigre ou la moutarde; un huile n'a pas plus le droit de se dire notre supérieur, qu'un vinaigre ou un moutarde.

Puissamment raisonné, leur dis-je. Mais voici qui est plus fort. Les titres de christ et de messie, que vous décernez à Jésus, qui lui sont exclusivement réservés, qui expriment une prérogative tellement éminente, qu'elle est le propre de l'homme-Dieu; eh bien, ces grands mols ne sont que les traductions, l'une en grec et l'autre en hébreu, du mot huilé ; Jésus Christ, c'est Jésus-lehuilé; dire qu'il était le Messie, c'est dire qu'il était le huilé. Une fois le mot propre rétabli au lieu du mot inintelligible pour le vulgaire, on se trouve en présence d'un fait insignifiant, d'une qualification triviale et sans portée; c'est une chute pitoyable.

Mais ce n'est pas tout que d'ètre oint ou huilé ; il faut l'ètre par le Seigneur, pour qu'il en résulte une consécration. Puisque c'est de Dieu lui-même qu'il s'agit, pourquoi ne pas le dire, et pourquoi remplacer son nom par celui du Seigneur? Huilé de Dieu ou par Dieu, voilà au moins qui serait net, et chacun saurait de quoi il s'agit. N'est il pas ridicule de donner à Dieu une qualification tirée de la féodalité? Un seigneur nous apparait sous la forme d'un gentillåtre tapageur, ferrailleur, fier de son blason, dur pour ses vassaux, se faisant haranguer par son bailli et encenser par son curé. Voilà des images qui, appliquées à l'Etre suprême, à la cause universelle, sout grotesques et irrévérencieuses. De grâce, cessez de travestir ainsi celui que vous adorez, et renoncez à Monseigneuriser Dieu; réservez cet honneur aux évèques.

Il ne suffit pas de se dire huilé de Dieu: il faudrait préciser où et quand cela s'est passé. Qui a vu le fait et en a dressé proces-verbal? Chaque prètre a-t-il eu réellement l'insigne honneur d'ètre huilé par Dieu? Non, dit-on; ce n'est pas par Dieu en personne, mais par

l'évêque son représentant, qui lui même l'avait été par un autre évèque, et ainsi de suite, en remontant jusqu'aux apòtres, qui l'avaient été par Jésus, c'est-à-dire par Dieu. Voilà une longue série de faits bien problématiques. Les évangiles ne nous disent pas que les apôtres. aient été ni huilés ni même baptisés: si done le premier anneau de la chaine fait défaut, toute la chaine est brisée, et adieu la série des huilés-huileurs. Nous lisons, il est vrai, dans Mare (VI, 45), que les apòtres oignaient d'huile les malades et les guérissaient; l'Evangile ne nous dit pas si ces guérisons étaient dues à l'action naturelle de l'huile appliquée à propos, secundùm artem, et accompagnée peut-être d'une espèce de massage, ou bien à une vertu miraculeuse. (Voir aussi l'Ep. de Jacques, V, 14.) Mais le seul bienfait que retiraient les malades de cette opération, c'était la guérison; ils ne devenaient pas par là supérieurs aux autres hommes, n'acquéraient ni priviléges ni prérogatives. Si donc ceux qui avaient en l'avantage d'être huilés par les apôtres immédiats du Seigneur, ne restaient néanmoins que de simples mortels, on ne voit pas pourquoi il faudrait attacher une si grande importance au huilement fait par des individus qui n'ont jamais counu ni Jésus ni ses apòtres, et qui ne peuvent faire remonter authentiquement jusqu'à ces derniers leur série de huilements.

Enfin, en supposant qu'il existe des priviléges attachés à la qualité de huilé de Dieu ou par des personnes agissant au nom de Dieu, les prètres ne sont aucunement fondés à se réserver en propre ces priviléges, à l'exclusion des simples fidèles. En effet, tous les chrétiens, dans la cérémonie de leur baptème, ont reçu plusieurs onctions faites avec le saint chrème, c'est-àdire de l'huile, par des prètres agissant au nom et comme ministres de Dieu ou du Seigneur. Les catholiques, qui ont reçu le sacrement de confirmation, ceux qui ont reçu l'extrême-onction, ont encore été huilés et

rehuilés, oints et reoints au nom du Seigneur. Si l'huile appliquée au nom de Dieu a des vertus si efficaces, elles sont répandues sur tous les fidèles; chacun d'eux est et peut se dire, tout aussi bien que le prètre, l'oint du Seigneur. Si nous sommes tous oints, nul de nous n'a, sous ce rapport, de supériorité sur les autres hommes; un privilége commun à tout le monde n'est plus un privilége; Foint est égal de Ioint. Pourquoi donc réserver an prètre seul et lui attribuer avec affectation une qualification dont l'usage implique les prérogatives les plus élevées? Pourquoi... sinon parce que l'on compte, et avec raison, sur la bêtise humaine,

:

Les onctions saintes se font même sur les objets inanimés on huile, avec un imposant cérémonial, les cloches, les vases sacrés, les pierres des églises lors de la consécration : chacun de ces objets est donc, tout aussi bien que le prêtre, le huilé ou l'oint du Seigneur. Une qualité ainsi prodiguée ne peut être d'un grand prix; les prètres devraient donc renoncer à s'affubler d'un titre banal, qu'ils partagent avec des pierres et des morceaux de métal.

MIRON.

(La suite au prochain numéro.)

Chronique

LA VÉRITÉ SUR LE PAPE ET M. DE SARTIGES. Sous la forme d'un avertissement donné au journal ultramontain le Monde, le gouvernement français a démenti énergiquement l'étrange conversation que l'on disait avoir eu lieu à Rome entre le Pape et l'ambassadeur de France, M. de Sartiges. Un correspondant de l'Indépendance belge explique, comme on va le voir ci-dessous, la contradiction qui existe entre les affirmations du parti ultramontain et des déclarations officielles du gouvernement français.

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