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théologique à l'Etre suprème. Si la sensation, l'instinct, a créé la superstition, c'est l'imagination qui a donné corps à la superstition, en lui fabriquant ces myriades de fantômes devant lesquels la crainte, l'ignorance, le besoin du merveilleux, etc., donnant le change à la raison, ont prosterné l'espèce humaine. On croyait adorer et aimer l'objet des aspirations suprêmes de la raison: on n'adorait, gràce à l'imagination, que des idoles vaines, stupides, féroces, capricieuses, exécrables; on commettait, au nom et pour la prétendue gloire de ces idoles, tous les crimes qu'il plaisait à leurs représentants sacerdotaux de commander; on considérait comme ennemi et négateur de Dieu, quiconque se refusait à le reconnaître sous les costumes hideux ou ridicules dont le revêtait un dogmatisme imbécile ou la cupidité cléricale.

Tel est, en raccourci, le bilan des faits et gestes de l'imagination en matière religieuse. C'est à elle qu'il faut faire honneur de l'invention du surnaturel, de la révélation et de tous les dogmes passés et présents. C'est elle qui a fourni au culte tout son arsenal de cérémonies, de symboles, d'images et de procédés fétichistes.

On objectera que, en revanche, l'imagination a enfanté cette efflorescence artistique qui prête au culte des principales religions tant de séduction et de splendeur architecture, sculpture, peinture, musique, etc. Mais nous ne savons trop si la poétisation ainsi produite des idées les plus misérables et les plus fausses, n'a pas contribué à dévoyer le sentiment religieux, plutôt qu'à le soutenir et à l'éclairer. En tout cas, la superstition y a puisé des forces décuples et une apparence de gran deur bien funestes pour le développement de la raison. Aussi voit-on que le protestantisme, dans lequel on ne saurait s'empêcher de reconnaitre une tentative d'épurement et d'idéalisation du dogme chrétien, s'est efforcé de restreindre le rôle de l'art, en tant que manifestation du sentiment religieux.

D'ailleurs, pris dans son ensemble, l'art n'exprime que le beau de la forme, et, par conséquent, ne préjuge rien sur la valeur du fond. S'il en était autrement, si l'on voulait arguer de la perfection des œuvres artistiques en faveur du dogme qu'ils poétisent, le polythéisme grec serait la première des religions; car aucun autre n'a inspiré ou motivé d'aussi admirables travaux esthétiques. Concluons donc que l'office de l'imagination a été aussi malfaisant que considérable dans le développement religieux de l'humanité.

Le Livre de Dieu :

Moïse et le Thalmud, par Alexandre WEILL (1).

M. A. Weill est un être ondoyant et divers, qui a le malheur de vivre dans l'absolu. Toujours profondément convaincu qu'il a atteint la vérité immuable, chacun de ses livres révèle une trausformation de son idée et un progrès de son esprit. Or il publie chaque année un volume, et voilà trente ans qu'il écrit. Aussi a t-on de la peine à le suivre dans ses mouvements incessants. Et lui-même peut-il se suivre? Il s'en inquiète vraiment fort peu. Tout son amour paternel passant, avec sa conviction, dans son dernier livre, chaque livre qu'il produit, lui fait oublier les précédents. Ses œuvres antérieures lui sont plus chères, sans doute, que ses habits hors de service; mais il ne s'en préoccupe guère plus. Produisant sans cesse, il ne se relit pas, et ne s'inquiète pas plus de ses vieilles idées que ne s'inquiète de sa progéniture tel patriarche d'Orient, qui, après avoir lancé dans le monde, aussitôt qu'ils peuvent marcher, les nombreux produits de ses polygames amours, s'étonne ensuite d'entendre appeler de son nom une foule de gaillards qu'il ne reconnait plus pour ses enfants, malgré leur air de famille.

(1) Un vol. in-8°, chez Amyot, rue de la Paix, 8.

Parmi les nombreux ouvrages que l'on rencontre vagabondant sous le nom de M. Al. Weill, l'un des plus charmants est celui intitulé: Lettres fraternelles à M. L. Veuillot. Dans ce livre qu'il a oublié, sans doute, comme tant d'autres, M. Weill défendait la Bible tout entière; aujourd'hui, il ne défend plus que ce qui, dans la Bible, paraît appartenir à Moïse, c'est-à-dire quelques chapitres du Deuteronome. C'est un progrès. Ce volume contenait, entre autres choses, un fort piquant dialogue entre l'auteur et M. L. Veuillot. Ce dialogue n'a rien perdu de sa fraîcheur et de son à-propos. Qu'on nous permette d'en citer quelques traits.

La conversation, du reste, est historique. Le fougueux rédacteur de l'Univers s'était mis en tête de convertir l'auteur de l'Histoire des Paysans, de Couronne, d'Emeraude, des Mismorismes, etc., etc. Il l'interrogea donc, le prêcha, le catéchisa; je ne sais s'il le haptisa; mais, ce qu'il y a de certain, c'est que M. Weill resta israélite comme devant.

« Vous gâtez de l'eau en baptisant un Juif, » disait très-sensément l'abbé Longuerue.

Il est probable que, de son côté, le rabbi Alexandre Weill avait quelque espoir de ramener le dévot catholique à la religion de ses pères. Il ripostait en philosophe et en thalmudiste qu'il était. Un jour, M. Veuillot lui demanda si bien sincèrement il voulait se faire catholique. « Que faut-il faire pour cela? lui répondit le fils Jacob.

VEUILLOT.Et d'abord, vous n'avez pas la première notion du catholicisme.

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VEUILLOT. Le catholicisme, avant tout, est au-dessus de la raison.

WEILL. Ainsi donc, pour être catholique, il faut que j'arrache, pour ainsi dire, la raison de ma tète, que je la foule aux pieds. Mais c'est Dieu qui m'a révélé cette

raison; c'est de lui que je la tiens. La désavouer serait un crime de lèse-divinité!

VEUILLOT. — Enfant, ce n'est pas la raison qui, dans ce moment, parle en vous; c'est l'orgueil! C'est là le langage de Satan; les libres-penseurs ne disent pas autre chose. Leur raison déraisonne depuis le matin jusqu'au soir. C'est la raison qui les a conduits dans l'impasse où ils seront tous pris, comme des souris dans une souricière.

WEILL. Voyons, faites de moi un bon catholique, je ne demande pas mieux.

VEUILLOT. Vous n'avez pas la grâce.

WEILL. Qu'appelez-vous la grâce?

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VEUILLOT. L'état de l'âme prête à boire la vérité révélée, comme la feuille couverte de poussière boit la rosée...

WEILL. Faut-il croire que Dieu, ayant créé l'homme, l'ait laissé dans les ténèbres de l'erreur jusqu'à la naissance de Moïse! C'est contre la raison.

VEUILLOT. Et pourquoi?

WEILL. Parce qu'on ne comprendrait pas que Dieu, bon et généreux, eût déshérité ses enfants nés avant Moïse, pour ne révéler la vérité qu'au peuple juif. (Pas mal pour un Juif.)

--

VEUILLOT. Et pourquoi pas? Pourriez-vous expliquer les voies de Dieu? Et en admettant que la vérité ait toujours été connue des hommes par la raison, pourriez-vous expliquer le mystère de la création et de la chute?

-

Weill.
VEUILLOT.

La chute? je n'en vois pas la nécessité.

Je ne me l'explique non plus que par la révélation. Tout est là.

Weill. Ainsi donc Dieu a attendu d'abord des milliers d'années jusqu'à Moïse, puis a encore attendu près de deux mille ans pour se faire homme lui-même, afin de mourir pour l'humanité.

VEUILLOT. Oui, Monsieur. Certes, la raison n'eût pas inventé cela (je le crois pardieu bien!); mais vous conviendrez que cela existe, que des milliers d'hommes. y ont cru et y croient encore; si ce n'est pas un miracle, qu'est-ce donc?....

WEILL. Alors, tous les hommes rédimés depuis le sacrifice du Christ seraient meilleurs que les meilleurs qui les ont précédés?

VEUILLOT. Certainement.

WEILL.-L'histoire donne un démenti complet à cette assertion. Non seulement certains catholiques ont été aussi cruels que les Romains et plus barbares que les Grecs, mais ils ont continuellement pillé, volé, massacré les hérétiques chrétiens et surtout les Juifs, leurs maitres et frères, leurs révélateurs.

VEUILLOT. Parce que le Seigneur les a maudits.

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WEILL.- Où done? Comment! Dieu méprise pendant des siècles toutes les nations pour élire une petite peuplade d'Hébreux; il fait plus, il descend de son tròne céleste et revèt la personnalité d'un Juif pour proniulguer la loi de l'amour sur toute l'humanité; et vous, barbares, parricides, vous osez dire que ce peuple est maudit! Mais si Dieu a voulu se sacrifier, c'est qu'il a voulu ètre crucifié. Croyez et ne raisonnez pas, mais saluez, chapeau bas, quand passe un Juif.

VEUILLOT.Tôt ou tard les Juifs seront catholiques. WEILL. Pourquoi? Que leur apprenez-vous? Je conçois les païens qui se font catholiques. De brutes, d'esclaves, ils deviennent hommes et citoyens. Mais quelle est la vérité nouvelle que vous puissiez m'apprendre, à moi, fils de Moïse, de David et d'Isaïe?... »

Et M. Weill de prouver que l'Ancien Testament avait dit tout ce qu'il y a de bon dans le Nouveau, que la morale du législateur des chrétiens n'est autre que la morale du législateur des Hébreux, - l'éternelle morale de l'humanité! pourrait-il dire, et que l'Eglise,

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