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lier; il n'est devenu au pluriel qu'au XVIe siècle, comme poison, naturellement féminin, n'est devenu masculin qu'à la même époque, sans doute sous l'idée de force. Pourquoi aussi, parlant de navires anglais, les témoins bretons, dans ce document, disent-ils toujours « grosses navires angloises? Savaient-ils, ces corsaires, qu'en anglais ship, navire, est féminin? Ou plutôt n'est-ce pas un souvenir du latin navis, en passant par le vieux français navie?

Edouard LE HÉRICHER.

AGGLUTINATION (1)

On appelle ainsi l'opération, le procédé dont se servent les langues du second et du troisième groupe morphologique pour exprimer les formes dérivées. On sait en effet que le but du langage sonore étant l'expression de la pensée tout entière, c'est-à-dire de l'idée significative, de l'objet, du fait matériel, de la conception ou de l'intuition, et de ses variations, de ses relations, de ses rapports extérieurs, on a classé, à ce point de vue, suivant le plus ou moins d'exactitude avec laquelle elles répondent à ce but, toutes les langues du monde. La relation est à la signification à peu près ce qu'est la forme à la substance, la manifestation au phénomène; aussi a-t-on rangé dans le groupe supérieur les langues à flexion (voyez ce mot) qui ont réussi à exprimer par un seul acte vocal la signification et la relation inséparables dans l'esprit. Mais dans ces mêmes langues, un autre procédé beaucoup moins heureux est largement employé, et ce procédé est le seul dont se servent toutes les autres langues.

On désigne sous le nom général de dérivation toute cette partie de la grammaire qui s'occupe de l'expression

(1) Extrait de la première livraison du Dictionnaire des sciences anthropologiques, par MM. Hovelacque, A. Lefèvre, de Mortillet, La Calle, Girard de Rialle, Picot, Vinson, etc. Paris, O. Doin, Marpon et Flammarion, in-40 à 2 col.

des relations, c'est-à-dire de la formation des mots. Pour rendre cette définition claire et précise, empruntons à l'algèbre ses formules, et disons que la dérivation étudie l'ensemble des fonctions d'une racine variable. La variable, l'idée première, la base de la pensée, est ce qu'on appelle une racine, et soit R une racine, D une forme dérivée. quelconque, nous aurons :

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D= F(R)
D'F' (R), etc.

Gela posé, cherchons quelles peuvent être les variations d'une racine significative, les relations dont elle est susceptible.

Lorsqu'on réduit les mots d'une langue quelconque à leur plus simple expression pour ainsi dire, c'est-à-dire lorsqu'on a cherché à n'en conserver que ce qui n'est ni signe de cas, de temps, de mode, ni expression de genre, de nombre, de personne, ou d'autres relations objectives ou subjectives, on se trouve en présence de formules assez courtes de deux ou trois syllabes au plus, et d'une signification assez générale, sol, lune, action d'ouvrir, lieu. Si, poursuivant cet examen, nous comparons, d'une part, ces diverses formules l'une avec l'autre ; si nous étudions, d'autre part, leur état idéologique, nous constatons : 1° que ces formules se classent naturellement en groupes distincts caractérisés par la communauté d'une même syllabe; que ces groupes forment en outre plusieurs séries parallèles où chaque expression, répétée plusieurs fois, se range chaque fois près d'autres expressions ayant une même syllabe commune avec elle; 2o que la signification de ces formules demeure encore compliquée

et exprime souvent des relations subjectives, ouvrir par exemple n'étant qu'une variation subjective de fermer. Nous devons conclure de là: 1° que certains des éléments communs représentent les racines propres, et que les autres sont les signes constants d'une même variation à laquelle sont sujettes des racines différentes; 2o que ces variations exprimées par des éléments sonores sont des faits matériels nécessaires et incontestables.

Pour ne pas nous égarer dans le vague du raisonnement abstrait, prenons pour type une racine verbale, et voyons de quelles variations elle peut être affectée.

Qu'est-ce que le verbe ou, plus exactement, que la conjugaison? Seulement l'expression simultanée de relations suivant le temps et l'espace; de là deux éléments propres à toute dérivation verbale : l'élément temporel, le signe du temps, et l'élément d'espace, l'élément sur lequel porte la relation exprimée, l'élément personnel, le signe de la personne. Temps et personne, voilà en quoi la conjugaison diffère de la déclinaison; car celle-ci ne s'occupe que du lieu, de la place du sujet. Mais cela n'est pas tout; l'élément personnel peut être intéressé de deux façons différentes: il peut être agent ou patient, sujet ou régime; d'autre part, le temps peut être divers et peut au moins offrir les trois alternatives de présent, de passé et futur. Enfin, l'idée significative dont les relations sont à exprimer peut varier dans sa nature intime au point d'être positive, précise, concrète ou abstraite, vague, contingente; il y aura par suite de ce chef à rendre ce que j'appelle les relations d'état et ce qu'expriment les variations formelles connues sous le nom de modes. La conjugaison peut avoir à traduire encore d'autres idées pour ainsi dire

subordonnées, accessoires, celles par exemple de causalité, de coercition, de répétition, de continuité, de commencement, d'affirmation, de négation, sans parler des deux grandes divisions connues, des deux principaux points de vue auxquels peut être envisagée l'idée significative, selon qu'elle est considérée comme agissant en dehors d'elle ou comme ayant son objet en elle-même; c'est ce qu'ont pour but de mettre en relief les voix dérivées. De plus, il est parfois nécessaire de tenir compte des nuances de chacun de ces temps, modes, personnes, voix, c'est-à-dire des variations que l'élément significatif qui correspond à chacun d'eux est exposé à subir indépendamment des autres. Il est enfin utile d'exprimer les circonstances qui servent isolément à traduire analytiquement les conjonctions des langues modernes. On voit par là combien est multiple le rôle du verbe et de quelles nombreuses modifications il est susceptible pour présenter simultanément l'idée complexe qui résulte de toutes ces compo

santes.

Pour résumer cette complexité en une formule mathématique, soit R le radical du verbe, V une expression verbale quelconque, v l'idée de voix, m celle de mode, t celle de temps (p passé, a présent, f futur), e celle de l'espace ( lieu et p personne), on aura :

V=R' v m

=

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où p" p' varié en singulier, pluriel ou duel; p' étant elle-même p1, p2 ou p3, c'est-à-dire l'une des trois personnes moi, toi ou lui.

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