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primitives, un très-long espace de temps, une période comprenant peut-être plusieurs fois dix mille ans. Dans ces longs espaces de temps, suivant la plus haute vraisemblance, il a péri beaucoup plus de classes de langues (dé langues mères) qu'il n'en a survécu (1). »

Voilà bien l'échappatoire des intermédiaires sans lequel l'hypothèse croule d'elle-même !

«< La

M. Whitney en a fait justice indirectement. condition linguistique du monde, dit-il, suit un cours parallèle à sa condition historique. Au commencement des temps historiques, et même aussi loin que peut remonter la science archéologique, on aperçoit la terre peuplée de ce qui semble être une masse hétérogène de clans, de tribus, de nations. Mais personne, pas même le plus hétérodoxe des naturalistes qui soutient la diversité d'origine de l'espèce humaine, ne croira que ces clans, ces tribus, ces nations sont sortis du sol qu'ils habitent et s'y sont immobilisés: ces sociétés procèdent de la multiplication et de la dispersion d'un nombre restreint de familles primitives, sinon, comme quelques-uns le pensent, d'une seule famille. Il en est de même du langage: si loin que notre œil puisse atteindre, soit par le secours des monuments, soit par celui de l'étude comparée, on le trouve dans un état de subdivisions sans fin, et cependant tout linguiste instruit sait que cette apparente confusion est le résultat de l'extension et de la sécession d'un nombre limité de dialectes primitifs (2). »

(1) La théorie de Darwin et la science du langage, p. 16, 18. (2) La vie du langage, p. 144, 145.

III

Après avoir déclaré « qu'il nous est impossible de supposer la dérivation matérielle, pour ainsi parler, de toutes les langues du sein d'une langue primitive unique (1), » Schleicher s'exprime ainsi qu'il suit : « Mais il en est autrement pour ce qui concerne la morphologie du langage. Les langues les plus élevées en organisation, comme par exemple la langue mère indo-germanique, montrent visiblement par leur structure qu'elles sont sorties, par un développement insensible, de formes plus simples. La structure de toutes les langues montre que, dans sa forme primitive, cette structure était essentiellement la même que celle qui s'est conservée dans quelques langues de la structure la plus simple, comme le chinois. En un mot, toutes les langues, à leur origine, consistaient en sons significatifs, en signes phoniques simples destinés à rendre les perceptions, les représentations et les idées les relations des idées entre elles n'étaient pas exprimées, ou, en d'autres termes, il n'y avait pas pour les fonctions grammaticales d'expression phonique particulière, et pour ainsi dire d'organe... Je puis appeler les racines des cellules linguistiques simples, dans lesquelles ne se trouvent pas encore les organes pour des fonctions, telles que le nom, le verbe, et dans lesquelles ces fonctions sont aussi peu différenciées que le sont dans la cellule primitive ou dans la vésicule germinale des êtres les plus élevés la respiration

(1) La théorie de Darwin et la science du langage, p. 14.

et la digestion. Nous admettrons donc pour toutes les langues une origine morphologiquement pareille (1). »

Comme Schleicher, M. Abel Hovelacque voit la variation des espèces linguistiques, la transformation de l'espèce, dans l'évolution morphologique du monosyllabisme à l'agglutination et de celle-ci à la flexion (2). J'avoue ne pouvoir pas saisir le lien qui rattacherait à la doctrine de l'évolution la science des langues, parce que, durant leur période embryonnaire, la future langue mère indo-européenne a passé par les phases du monosyllabisme et de l'agglutination, la future langue mère ouralo-altaïque par celle du monosyllabisme, la future langue mère chinoise par la phase des racines pleines.

‹ A la quatrième semaine, dit M. Topinard, la différence morphologique entre l'homme et le chien est inappréciable. La divergence ne commence sérieusement qu'à la huitième semaine. Sur le foetus humain, l'ampoule antérieure grossit; sur le fœtus du chien, l'extrémité caudale s'allonge (3). »

Où donc y a-t-il, en tout ceci, transformation et variabilité de l'espèce? Dès que l'ovule a été fécondé dans l'utérus, le chien n'est-il pas chien, l'homme n'est-il pas homme ?

L'embryologie est favorable à la doctrine de l'évolution en ce que « la série des formes diverses que tout individu d'une espèce quelconque parcourt, dit M. Haeckel, à partir du début de son existence, est simplement une récapi

(1) La théorie de Darwin et la science du langage, p. 14, 15. (2) La Linguistique, p. 422, 424. (3) L'Anthropologie, p. 131, 132.

tulation courte et rapide de la série des formes spécifiques multiples par lesquelles ont passé ses ancêtres, les aïeux de l'espèce actuelle, pendant l'énorme durée des périodes géologiques (1). » Mais tout cela est inapplicable aux langues. Les langues filles ne récapitulent pas la série des formes spécifiques par lesquelles ont passé les ancêtres ; ni le français ni le latin n'ont existé à l'état monosyllabique. Seules les langues mères ont traversé les phases de la vie embryonnaire. Mais, alors que la future langue mère indo-européenne ne différait pas morphologiquement de la future langue mère ouralo-altaïque, non plus que de la future langue mère chinoise, ces trois langues formaient déjà, non trois classes, mais bien trois espèces absolument distinctes, et quand la première a passé du monosyllabisme à l'agglutination, de l'agglutination à la flexion, il n'y a pas eu variation de l'espèce, mais développement de l'être qui existait en germe dans ce que j'appellerai l'ovule, pour suivre jusqu'au bout la comparaison zoologique.

Quand un corps passe de l'état gazeux à l'état liquide, puis à l'état solide, la disposition des molécules change, sans que leur constitution soit modifiée.

IV

Au moment de terminer le dernier chapitre de sa Linguistique, M. Abel Hovelacque a voulu répondre par avance

(1) L'Anthropologie, p. 541.

à une objection des plus graves. « Un mot, dit-il, avant de terminer. Nous avons parlé tour à tour de pluralité originelle et de transformation. Ces deux termes, aux yeux de quelques personnes, sembleraient peut-être se contredire: en fait, il n'en est rien, et ils se concilient sans difficulté.

«La doctrine de la pluralité originelle des langues et des races humaines n'a pas la prétention de faire échec à la doctrine plus générale de l'unité cosmique. En fin de compte, il faut bien reconnaître toujours que toutes les formes existantes, toutes sans exception, ne sont que les différents aspects de la matière, qui est une, comme elle est infinie. Mais cette unité n'empêche en aucune façon que telles ou telles formes identiques, analogues si l'on veut, se soient développées simultanément en des centres différents.

« D'ailleurs, il nous importe peu. Il nous suffit de constater l'irréductibilité d'une foule de familles linguistiques pour conclure à la pluralité originelle des races qui ont été formées avec elles, puisque, dans l'évolution progressive et constante des organismes, l'acquisition de la faculté du langage est corrélative à l'apparition même de l'homme. >>

Cette réponse n'est pas satisfaisante. Il ne s'agit en effet ni de l'unité cosmique, ni du monisme, mais uniquement de ceci qu'étant irréductibles à une souche unique, les familles linguistiques ne constituent point une chaîne ininterrompue; qu'on ne peut passer de l'une à l'autre sans saltus; qu'ainsi, dans leur création, il n'y a point eu évolution dans le sens transformiste; que, par exemple, l'espèce ouralo-altaïque et l'espèce indo-européenne ne pro

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