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à une fin surnaturelle, qui est de voir Dieu intuitivement, en luimême et face à face'. Enfin, après avoir développé toutes les parties de cette question, il conclut : De là il s'ensuit que la destination de l'homme à une fin surnaturelle et à la vision intuitive, la grâce sanctifiante qui donne à l'homme un droit à la gloire, les grâces actuelles que Dieu confère à l'homme pour conserver ou réparer la grâce sanctifiante, et la réparation de tout le genre humain, sont des dons gratuits, et que nous devons au créateur d'infinies actions de grâces pour de si grands bienfaits 2.

De ces premiers principes de la théologie, il s'ensuit que l'homme a une double fin, et par conséquent une double loi, une double religion; loi, religion naturelle, loi, religion surnaturelle, dont la seconde ne détruit pas la première, mais la présuppose et la perfectionne; car la grâce ne détruit pas la nature, mais la présuppose et la perfectionne, comme dit excellemment saint Thomas. Or, cette double fin de l'homme, que Bailly enseigne et distingue si nettement dans ses traités de Dieu et de la grâce, il n'en sait plus un mot, n'en dit plus un mot dans son traité de la vraie religion, où c'était cependant le lieu d'en parler le plus nettement possible, ne fût-ce que pour éclaircir et dissiper les idées vagues, fausses, équivoques que les incrédules modernes entassent sur ces matières. Bailly semble se joindre à eux pour augmenter la confusion. Il n'adopte pas la distinction des théologiens entre la religion naturelle et la religion surnaturelle. « Rigoureusement parlant, dit-il, il n'y en a qu'une, la religion chrétienne, qui, quoiqu'elle embrasse les préceptes naturels, est cependant surnaturelle, en ce que Dieu a manifesté par la révélation la connaissance de la loi naturelle obscurcie en grande partie par les diverses passions des hommes, et en ce que les devoirs de cette loi ne peuvent être observés d'une manière utile au salut sans la foi au Christ3. » D'après ces paroles de Bailly, prises à la rigueur, la religion chrétienne ne comprendrait au fond que la loi naturelle, la révélation n'aurait été nécessaire que pour manifester la loi naturelle obscurcie par les passions, la religion chrétienne ne serait intellectuellement surnaturelle qu'à cause de cela, et non plus à cause de la fin surnaturelle de l'homme ce qui est oublier et contredire les premiers principes de la théologie, que lui-même établit dans ses traités de Dieu et de la grâce.

Hooke, dans ses Principes de la religion naturelle et révélée,

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ne dit pas non plus un mot de la fin surnaturelle de l'homme, comme impliquant pour lui, dès l'origine, un état surnaturel, une religion surnaturelle, une révélation surnaturelle proprement dite. La religion révélée, selon lui, n'est utile ou nécessaire que comme une manifestation plus parfaite de la loi naturelle, et que comme une dispensation surnaturelle de la rédemption, surajoutée à l'ordre naturel'. Ce qui donne à conclure que, avant cela, il n'y avait point, et que, sans cela, il n'y aurait point d'ordre surnaturel pour l'homme.

Bergier, le plus laborieux et le plus complet des apologistes modernes, est plus exact que Hooke, mais moins que Bailly. Ni dans son Traité de la vraie Religion, douze volumes in-douze, ni dans son Dictionnaire de Théologie, ni dans ses ouvrages moins volumineux, le Déisme réfuté par lui-même, la Certitude des preuves du christianisme, Apologie de la religion chrétienne, Examen du matérialisme, il ne distingue aussi bien que Bailly la fin naturelle de l'homme et sa fin surnaturelle; nulle part il ne dit aussi nettement que sa fin naturelle consiste à voir Dieu abstractivement dans ses œuvres, et sa fin surnaturelle à le voir intuitivement dans son essence; nulle part il ne dit aussi nettement que, pour la fin surnaturelle, le moyen est la grâce, et le terme la gloire: il dit bien que la grâce est un don surnaturel, mais il n'explique pas aussi bien que Bailly le sens principal de ce mot surnaturel, ou plutôt il ne l'explique pas du tout. De là un vague, de là des équivoques qu'il eût été bien important d'éviter sur ces questions fondamentales, surtout avec les sophistes incrédules au milieu. desquels il vivait, et auxquels il fournit pour leur encyclopédie les articles de théologie qui composent son Dictionnaire. Ce vague, ces équivoques apparaissent dès l'entrée de son traité de la religion. Dans l'introduction même, paragraphe vingt-trois, on lit ces mots : << Il n'y a donc jamais eu d'autre religion naturelle que la religion révélée. C'est à prouver ce point important que nous destinons la première partie de cet ouvrage. » Et dans l'indication correspondante de la table des matières, on lit : « RELIGION NATURELLE ou priMITIVE. Il n'y a jamais eu de religion naturelle vraie que la religion révélée. » D'après ces paroles, religion naturelle, religion primitive, religion révélée, seraient absolument une seule et même chose. Ce qui est confondre la fin naturelle de l'homme avec sa fin surnaturelle, sa nature avec la grâce divine, sa raison naturelle avec la révélation proprement dite, ou la manifestation divine de l'ordre surnaturel.

'Hooke. Principia relig., etc., t. 2, appendix. Dissert. 1a, p. 674.

Faute d'avoir distingué nettement ces choses capitales, faute d'en avoir bien saisi et développé les conséquences, les ouvrages de Bergier et des autres apologistes modernes sont beaucoup moins utiles qu'ils n'auraient pu l'être. Faute d'avoir distingué nettement cés choses capitales, faute d'en avoir bien saisi et développé les conséquences, l'auteur de l'Essai sur l'indifférence en matière de religion s'est fourvoyé et n'a point rempli les magnifiques espé-. rances que le monde catholique avait conçues de ses premiers travaux. Telle est notre conviction intime et profonde : c'est pour cela que nous insistons sur ces points. Et si nous avons pu voir et répandre quelque jour sur ces questions ardues, qui embrassent et souvent embarrassent toute l'histoire de l'Eglise, nous le déclarons sincèrement, c'est uniquement parce que Dieu nous a fait la grâce de bien distinguer la grâce et la nature, avec les décisions récentes de l'Eglise romaine, avec l'ange de l'école et les autres saints docteurs, et même avec les saintes femmes, comme sainte Thérèse et sainte Catherine de Gênes, dont l'Eglise de Dieu autorise les écrits sur ces matières. Et nous en remercions Dieu de tout notre cœur. Et si nous nous sommes trompés quelquefois dans l'application, telle est du moins la règle que nous avons suivie.

Du reste, le plan de Bergier était bon. Dans la table du premier volume, il intitule son ouvrage : Traité historique et dogmatique de la vraie religion, avec la réfutation des erreurs qui lui ont été opposées dans les différents siècles. « Dieu, disent les Pères de l'Eglise, donne au genre humain des leçons convenables à ses différents âges ; comme un père tendre, il a égard au degré de capacité de son élève; il fait marcher l'ouvrage de la grâce du même pas que celui de la nature, pour démontrer qu'il est l'auteur de l'un et de l'autre. Tel est le principe duquel il faut partir, pour concevoir le plan que la sagesse éternelle a suivi en prescrivant aux hommes la religion. Ce plan renferme trois grandes époques relatives aux divers états de l'humanité. » Première époque: Religion domestique, révélée de Dieu au premier père du genre humain, Adam, et au second père, Noé. Le chef de famille était le pontife né de cette religion primitive. Emanée de la bouche du Créateur, elle devait passer des pères aux enfants, par les leçons de l'éducation, et par la tradition domestique. Seconde époque : Religion nationale, révélée de Dieu par Moïse au peuple d'Israël. « L'homme s'était égaré en prenant pour des dieux les différentes parties de la nature; Dieu frappa de grands coups sur la nature, pour faire

'Tertull., 1. de virg. veland., c. 1. S. Aug. de verd relig., c. 26 et 27, etc.

sentir aux hommes qu'il en était le maître. Il effraya les Egyptiens, les Chananéens, les Assyriens, les Hébreux, par des prodiges de terreur. J'exercerai, dit-il, mes jugements sur les dieux de l'Egypte; il déclare qu'il fait des miracles, non pour les Hébreux sculs, mais pour apprendre à tous les peuples qu'il est le Seigneur. Il les fit, en effet, sous les yeux des nations qui jouaient le plus grand rôle dans le monde connu. Dieu ne révéla point de nouveaux dogmes, mais il annonça de nouveaux desseins. La croyance de Moïse et des Hébreux était la même que celle d'Adam et de Noé; le décalogue est le code de morale de la nature: le culte ancien fut conservé; mais Dieu le rendit plus étendu et plus pompeux : dans une société policée, il fallait un sacerdoce; la tribu de Lévi en fut chargée à l'exclusion des autres. La tradition nationale était l'oracle que les Hébreux devaient consulter; toutes les fois qu'ils s'en écartèrent, ils tombèrent dans l'idolâtrie; dès qu'ils voulurent fraterniser avec leurs voisins, 'ils en contractèrent les vices et les

erreurs.

» Mais Dieu ne laissa point ignorer ce qu'il avait résolu de faire dans les siècles suivants. Par la bouche de ses prophètes, il annonça la vocation future de toutes les nations à sa connaissance et à son culte. La religion juive n'était qu'un préparatif à la révélation plus ample et plus générale que Dieu voulait donner, lorsque le genre humain serait devenu capable de la recevoir. »

Troisième époque : Religion universelle. « La révélation précédente avait eu pour but de former un royaume sur la terre; JésusChrist prêcha le royaume des cieux. Une grande monarchie avait englouti toutes les autres ; tous les peuples policés étaient devenus sujets du même souverain. Les arts, les sciences, le commerce, les conquêtes, les communications établies avaient enfin disposé les peuples à fraterniser et à se réunir dans une seule Eglise; le Fils de Dieu envoie ses apôtres prêcher l'évangile ou la bonne nouvelle à toutes les nations... J'en ferai, dit-il, un seul troupeau sous un même pasteur... Les connaissances circulaient d'une nation à une autre la tradition universelle ou la catholicité était donc la base sur laquelle l'enseignement devait être fondé. Telle est, en effet, la constitution du christianisme.

» Ce n'est pas le connaître, continue Bergier, que de l'envisager comme une religion nouvelle, isolée, qui ne tient à rien, qui n'a ni titres, ni ancêtres. Ce caractère est l'ignominie de ses rivales : ainsi elles portent sur leur front le signe de leur réprobation. Le christianisme est le dernier trait d'un dessein formé de toute éternité par la Providence, le couronnement d'un édifice commencé à

TOME XXVH.

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la création; il s'est avancé avec les siècles; il n'a paru ce qu'il est qu'au moment où l'ouvrier y a mis la dernière main. Aussi les apôtres nous font remarquer que le Verbe éternel, qui est venu instruire et sanctifier les hommes, est celui-là même qui les a créés. Saint Augustin, dans ses livres De la cité de Dieu, envisage la vraie religion comme une ville sainte-dont la construction a commencé à la création et ne doit être finie que quand ses habitants seront tous réunis dans le ciel 2.

» Jésus-Christ, disent les apôtres, n'est pas seulement d'aujourd'hui; il était hier, et le même pour tous les siècles 5. Il était dans les décrets éternels avant la naissance du monde". C'est l'agneau immolé dès la création . L'ouvrage qu'il a consommé développe enfin un mystère caché dans le sein de Dieu dès le commencement des siècles, et fait comprendre la sagesse de sa conduite et de ses desseins éternels 6. Jésus-Christ a fait de l'ancien et du nouveau Testament une seule et même alliance 7..Conséquemment saint Augustin soutient que le christianisme a existé depuis la création &; et M. Bossuet, que la religion est la même depuis l'origine du monde 9.

Voilà comme Bergier s'exprime dans l'introduction de son Traité de la vraie religion. S'il y expose la chaîne des faits et des dogmes, il y expose aussi l'enchaînement des erreurs et des faux principes, et fait voir qu'il n'y a pas de milieu entre le catholicisme et le pyrrhonisme ou le doute universel.

<< Le premier essai des novateurs du seizième siècle fut d'attaquer l'autorité de la tradition: ils ne virent pas qu'en renversant la tradition des dogmes, ils sapaient du même coup la tradition des faits. Car enfin on ne conçoit pas pourquoi il est plus difficile aux hommes de rendre témoignage de ce qu'ils ont entendu que d'attester ce qu'ils ont vu: s'ils sont indignes de croyance sur le premier chef, nous ne voyons pas quelle confiance on peut leur accorder sur le second. Dès que la tradition des faits est aussi caduque et aussi incertaine que la tradition des dogmes, le christianisme ne peut se soutenir; il est appuyé sur des faits. Tous les arguments que l'on a rassemblés contre l'infaillibilité de la tradition dogmatique ont donc servi à ébranler en général toute certitude morale ou historique. Celle-ci étant intimement liée à la certitude phy

Joan., 1. Hebr., 1, c. 1. . Bergier. Traité de la vraie religion. Introduction, § 1, 2 et 3.—3 Hebr., c. 13, 8. - 1. Petr., 1, 20. — 5 Apocal., 13, 8. — “ Eph., c. 3, v. 9 et 10. —” Ibid., 2, 24. — § Retract., l. 1, c. 13, n. 3. Epist. 102, q. 2. ·o Discours sur l'hist. univ., 2o partic, art. 1. Bergier, ibid., § 6.

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