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Ces renseignements nous ont semblé devoir être d'autant plus précieux qu'il ne reste rien, ou du moins fort peu de chose, du prieuré de Saint-Louis; qu'il n'existe, à notre connaissance, aucun monument écrit qui puisse suppléer aux vestiges de construction, et que la tradition, souvent si précieuse, présente ici une confusion pleine de dangers pour l'historien qui voudrait s'y référer.

PAUL POUGIN.

BIBLIOGRAPHIE.

GLOSSAIRE du centre de la France, par M. le comte Jaubert. Paris, Napoléon Chaix, 1856, 2 vol.

L'histoire de la langue française a deux sources les documents écrits et les idiomes populaires. Les documents écrits peuvent attendre un Ducange, à l'abri de nos archives et de nos bibliothèques ; mais chaque jour, chaque heure enlève quelque chose aux idiomes populaires. L'instituteur, cet ennemi né du patois, travaille à arracher les expressions originales du champ des vieilles langues parlées. Le recrutement fait un Français du Basque et du Normand, de l'Auvergnat et du Breton : les chemins de fer achèvent de confondre et d'emporter dans le même mouvement tous les intérêts de la France. On peut prévoir le jour où, malgré la résistance des habitudes prises, les dialectes de nos provinces disparaîtront comme ont déjà disparu les costumes de nos campagnes.

Plusieurs savants ont essayé de conjurer le péril qui menaçait les patois : M. Honnorat, dans le Dictionnaire de la langue d'oc ancienne et moderne; MM. du Méril, dans le Dictionnaire du patois normand; M. l'abbé Corblet, dans le Glossaire du patois picard ancien et moderne; M. le comte Jaubert, enfin, dans le Glossaire du centre de la France.

Les éloges les plus mérités ont accueilli ce dernier ouvrage : l'Institut l'a honoré d'une récompense solennelle. Je voudrais en faire sentir tout le mérite.

Le premier volume s'ouvre par une préface écrite d'un style excellent. M. Jaubert y raconte comment, botaniste, il devint philologue, et comment à la fois il fit son glossaire et son herbier. A vrai dire, les deux tâches se ressemblent. L'herbier est une collection de plantes, le glossaire une collection de mots; et nous ne serions pas étonné que M. Jaubert eût puisé dans l'étude approfondie des sciences naturelles cette méthode, cette clarté, cette précision qui sont les qualités fondamentales de son ouvrage.

Les règles que s'est tracées M. Jaubert méritent notre attention. Tout mot qui brigue l'honneur de faire partie du Glossaire doit être vraiment en usage dans le patois, et ne pas l'être dans la langue française représentée par l'Académie; toute locution dont l'apparence suspecte rappelle l'argot des faubourgs de Paris, toute expression née d'une prononciation vicieuse, comme serait casterole ou colidor, est impitoyablement proscrite. M. Jaubert n'étend pas ses rigueurs jusqu'à ces mots qui figurent dans le Dictionnaire de l'Académie, mais qui sont dans le patois détournés de leur sens naturel. L'exception confirme la règle. Il citera par exemple affront désignant un sillon, convenance une convention, fatigué un malade. Et de même se gardera-t-il d'exclure ces formes de langage qui, par l'addition, le retranchement, et la transposition faites dans les lettres ou les syllabes d'une manière uniforme, constituent le caractère original de l'idiome.

En effet, la prononciation dans les patois est la base de l'orthographe et l'élément principal de la syntaxe. M. Jaubert a relevé dans les substantifs et surtout dans les verbes une série de modifications analogues qui dérivent de la prononciation, et forment des lois générales. Les patois ne sont pas des jargons confus, ce sont des langues parlées qui ont une grammaire aussi arrêtée que les langues écrites.

On a reproché à M. Jaubert de n'avoir point voulu recevoir les mots communs à d'autres régions de la France. Si, d'une part, quelques phrases de sa préface semblent autoriser ce procès de tendances, de l'autre, La Fontaine nous engage à ne point juger les gens sur l'apparence.

Ouvrons et comparons les glossaires récemment publiés. Nous trouverons des expressions que des causes générales ont popularisées et portées en même temps dans les divers idiomes. Comment accuser M. Jaubert de les mépriser, tandis qu'il en rassemble d'innombrables? Nous pouvons affirmer, pour notre part, que bon nombre de mots du patois berrichon ont cours dans le patois normand. Assurément ce serait un travail curieux et délicat que de caractériser nettement les dialectes des diverses contrées et de préciser l'influence que les mœurs locales ont exercée sur chacun d'eux; mais tel n'a pas été le but de M. Jaubert. Le but qu'il a poursuivi, et atteint, le but capital d'un glossaire, est de fournir une base à la comparaison des patois, et de préparer la découverte de ce fonds commun et populaire qui est aussi le fonds de la langue française. L'histoire de la langue française n'est pas dans les singularités qui distinguent, mais dans les analogies qui confondent les idiomes de nos provinces.

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Le Glossaire est le procès-verbal du patois berrichon: procès-verbal dressé dans les foires et dans les marchés, dans les villes et les campagnes, avec le soin et l'autorité d'un officier public. M. Jaubert rédige l'acte de naissance de chaque expression; il lui donne l'authenticité. Il ne mêle pas le dialecte ancien et le patois moderne il enregistre seulement les expressions qui sont encore employées aujourd'hui. De même qu'un botaniste marque le lieu qui produit une plante, M. Jaubert note la contrée où il rencontre l'expression mais le botaniste ne se contente pas de classer et d'étiqueter, il décrit encore la plante découverte, et c'est ainsi que M. Jaubert a essayé de décrire et d'expliquer les expressions recueillies. Dans cette nouvelle partie de sa tâche, M. Jaubert n'a point démenti sa réputation d'homme de goût. Un esprit fin et judicieux anime toutes ses remarques. J'en trouve une preuve bien éclatante dans la résistance qu'il a opposée à ces sirènes qu'on appelle les étymologies. Peut-être n'a-t-il pas été aussi sage qu'Ulysse ; mais Ulysse ne songeaït point à faire un glossaire quand il se boucha les oreilles.

M. Jaubert ne prétend point écrire l'histoire de chaque locution; mais cette histoire ressort très-naturellement des citations d'auteurs anciens ou modernes, qu'avec une heureuse persévérance il a cherchées et ramenées de tous côtés. Les romans de chevalerie, les poëtes et les prosateurs du qua

tórzième, du quinzième et du seizième siècle, les deux grands écrivains du dix-septième, qui ont fait leur langue avec la vieille langue, La Fontaine et Molière, ont fourni la plus grande partie de ces pièces justificatives. M. Jaubert n'a rien dédaigné. Il a fouillé les archives du Cher et de l'Indre; et dans des actes notariés, comptes d'hospices, registres de paroisses, règlements et transactions de toutes sortes, il a saisi l'ancien dialecte sous ses formes les plus expressives. Oublierons-nous dans cette revue rapide ces vieilles chansons, ces poésies populaires que les pères apprennent aux fils et que les rapsodes berrichons répètent dans les soirées d'hiver et dans les fêtes d'été?

Si l'on voulait définir le caractère de l'idiome berrichon, on pourrait dire avec M. Jaubert qu'il est rabelaisien. Pour dix expressions gracieuses ou élégantes, on en rencontre cent grossières ou narquoises. Figurez-vous la langue d'un paysan, plaisante dans son tour, triviale dans sa franchise, bravant les convenances et même l'honnêteté, gaiement et en français.

Le Berry plus qu'aucune province de France paraît avoir été la terre favorite des sobriquets. Tantôt la malice populaire les applique aux familles, tantôt aux hameaux. On ne saurait croire quelles ressources trouve l'histoire dans des études suivies sur les noms de lieux et de personnes. Le Glossaire convaincra les incrédules, s'il en peut rester encore après les beaux travaux de M. Auguste Le Prévost sur le département de l'Eure. M. Jaubert a rendu hommage à l'illustre savant qui, par les connaissances les plus variées et la sagacité la plus rare, a presque renouvelé cette partie des sciences historiques; nous le remercions de cet acte de justice.

Il n'était guère possible d'assigner au Glossaire des limites géographiques bien tranchées. M. Jaubert a pris pour base de ses recherches cette contrée naturelle, ce grand pays du centre, borné à l'est par la crête du Morvan, au sud par les dernières ramifications des montagnes de l'Auvergne et de la Marche, au nord par la Loire, à l'ouest par le Poitou et la Touraine, La nature et la configuration du sol exerce sur l'état moral et physique des hommes une influence incontestable, et M. Jaubert ne peut être assez loué pour avoir circonscrit dans les limites d'une contrée naturelle l'étude du patois, que j'oserai appeler aussi une langue naturelle. Le livre qu'il nous a donné est donc à bon droit appelé le Glossaire du centre de la France. Je m'estimerais heureux si ces quelques lignes avaient suffi pour inspirer à quelqu'un le désir de vérifier mes éloges.

LOUIS PASSY.

SEPULTURES gauloises, romaines, franques et normandes, faisant suite à la Normandie souterraine, par M. l'abbé Cochet. Un vol. gr. in-8° de 450 pages, avec de nombreuses gravures sur bois. 1857, Paris, Derache et Didron.

Voici un nouveau résultat des explorations auxquelles M. l'abbé Cochet se livre depuis plusieurs années avec les ressources que le département de

la Seine-Inférieure met à sa disposition. Nous tenons à signaler d'abord les progrès en tout genre accomplis par l'auteur à mesure qu'il acquiert plus d'expérience. Il en est venu dans ses recherches à un degré de soin et de perspicacité qui assure la constatation du plus petit détail; de sorte qu'il livre au public tout ce que recèlent, en fait de renseignements, les sépultures qu'il visite, ces renseignements se réduisissent-ils à des atomes de matière. Sa méthode d'exposition n'a pas moins gagné. Les digressions inutiles ont disparu; il décrit avec plus de netteté, coordonne avec plus de rigueur, et s'applique partout, avec une diligence dont on ne saurait trop le louer, à mettre les objets qu'il trouve en parallèle avec ceux qu'ont produits les découvertes analogues accomplies dans le reste de l'Europe. Par ce travail de comparaison, dont il avait donné un avant-goût dans sa Normandie souterraine, il achève cette fois de mettre en évidence l'identité de nos sépultures franques avec celles des autres Germains, Burgondes, Saxons, Suèves, de la Suisse, de l'Angleterre, des bords de l'Elbe, de l'Oder ou du Rhin.

Quinze localités, la plupart situées entre Eu, Rouen et le Havre, ont procuré à M. Cochet la substance de son livre. Ces lieux sont Moulineaux et Caudebec-lès-Elbeuf, dans l'arrondissement de Rouen; Grandval, Grainville-l'Alouette, Bréauté près Goderville, dans l'arrondissement du Havre; Saint-Martin-la-Campagne, Ouville-la-Rivière, Envermeu, Bouteilles, Incheville et Biville-sur-Mer, dans l'arrondissement de Dieppe; le Hallais près de Bouelles et Sigy, dans l'arrondissement de Neuchâtel; Colleville dans l'arrondissement d'Yvetot, et enfin Martot près de Criquebeuf-sur-Seine, canton de Pont-de-l'Arche, dans le département de l'Eure. On a trouvé sur ces divers points deux groupes de sépultures gauloises, cinq de sépultures galloromaines, huit cimetières francs et un cimetière du douzième siècle. Les fouilles de Caudebec-lès-Elbeuf ont donné, indépendamment des tombeaux, d'autres débris qui confirment l'opinion, déjà émise, que ce lieu nous représente l'emplacement de l'antique Uggade. Celles de Grainville ont été pour M. Cochet l'occasion de disserter sur les origines de ce village et de publier un procès-verbal de découvertes importantes qui y furent effectuées en 1755. Les faits généraux confirmés ou constatés pendant cette campagne sont : la violation très-ancienne de la plupart des sépultures dans les cimetières francs; l'usage commun aux Gaulois et aux Germains, mais non pas suivi pour tous les morts, de plier ou d'ébrécher leurs armes de manière à les rendre impropres au service; la présence sous plusieurs squelettes francs d'une couche de détritus végétaux, qui semble indiquer que le corps avait été posé sur un lit de feuillage.

Enfin M. Cochet a fait résoudre par la chimie deux questions intéressantes relatives à la composition des os, et à celle d'un sédiment rouge déposé sur les parois de plusieurs vases funéraires et qu'il prenait pour du sang. Les os sont mêlés d'une proportion d'acide fluorique d'autant plus grande qu'ils appartiennent à des corps plus anciennement enfouis; le dépôt rouge des vases ne révèle à l'analyse que la présence d'une matière minérale.

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