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AU RÉVÉREND PÈRE LE RÉVÉREND PÈRE ANDRÉ

DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS.

« Mon révérend père,

« Comme la vérité est immuable, l'amitié qui est fondée sur l'amour qu'on a pour elle, est constante. Aussi quoique je n'eusse pas besoin du témoignage que vous me rendez par votre lettre de la continuation de votre amitié, ni vous de la protestation que je vous faits de la mienne, cependant elle m'a fait honneur et plaisir, et j'espère que celle-cy aura en partie le même effet par rapport à vous. A l'égard du livre du père du T (ertre), j'espère qu'il n'aura besoin de réponse, et qu'il fera ce bon effet qu'il réveillera les esprits et fera lire avec plus d'attention ce que j'ai écrit et qu'on verra mieux si j'ai raison ou non. Je n'envie à personne l'honneur du triomphe pourvu que la vérité triomphe avec eux, et je suis assuré que tost ou tard la vérité l'emportera. J'ai tant perdu de tems à répondre à des chicanes que je ne sçai mêmes si je lirai les trois vol. du père du Ter. quand ils paroîtront. L'emploi de mon temps, à l'âge où je suis du (sic) 77, ne doit pas être employé à des disputes. Et dans la réponse que je fais au livre de l'Action de Dieu, je tâche d'éclaircir la matière et d'être utile au lecteur plutost qu'à refuter des chicanes d'un homme qui parle bien, mais qui pense très-mal' et se contredit sans cesse, et je ne comprends pas comment l'abbé de La Pill. a pu écrire que ce livre l'avoit rendu ce qu'il est présente

1. Même jugement, Fragm. de philosophie cartésienne, p. 516.

ment. Je vous souhaite, mon révérend père, les vrais biens et je vous demande la continuation de votre chère amitié et de vos prières. Je suis en Notre Seigneur JésusChrist, avec respect,

« Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

« Le fer de l'année 75. »

« MALEBRANCHE. >>

<<< P. de l'O.

A MON RÉVÉREND PÈRE LE TRÈS-RÉVÉREND P. MALEBRANCHE, PRÊTRE DE L'ORATOIRE, RUE SAINT-HONORÉ, A PARIS '.

« Mon très-révérend père,

« Je ne sçai si vous avez appris la funeste mort de l'imprimeur du P. Dutertre. Il s'est jeté dans un puits, la tête la première. Cet épisode tragique recule un peu la comédie que l'on prépare au public. Je voudrois bien disposer ici quelques personnes à bien juger des coups. Nous avons surtout un trésorier de France, homme d'esprit et de sens, fort capable d'entendre ces matières. Ce seroit pour la vérité une conquête qui en entraîneroit bien d'autres. Si j'avois ou la Recherche de la Vérité ou vos Entretiens sur la Métaphysique pour le mettre en goût, la conversation feroit le reste infailliblement; mais nous n'avons rien ici; votre philosophie n'y a point encore pénétré. Elle se maintient, en récompense, dans la petite ville de la Flèche, sans que la pédanterie de notre lycée

4. Tiré du manuscrit de Lille.

lui fasse aucun tort. Deux dames philosophes' y font plus de bruit que tous nos sçavants. Je ne puis m'empêcher de vous écrire ce que me mande une d'entre elles. Cela doit vous faire plaisir. Après quelque préambule, « Vous << saurez, dit-elle, que ma bonne amie et moi, nous avons «< chacune deux fils, mais que cette famille et une plus « nombreuse ne nous fera jamais oublier la recherche de « la vérité, dans laquelle nous professons vivre et mou« rir; voilà notre confession de foi, et d'être..... » Ne sont-ce point là des héroïnes, mon révérend père? Du moins puis-je vous assurer que ce sont deux dames fort pieuses et fort chrétiennes, et que vos ouvrages ont bien servi à les tirer de la bagatelle où le sexe est ordinairement plongé. Mais ce qui m'en plaît davantage, après la piété (cela s'entend toujours), c'est que leurs maris en sont très-contents, qu'elles ne sont ni fières ni disputeuses ni critiques; en un mot, qu'elles ne sont point femmes sçavantes, quoiqu'elles aient plus de science que les hommes qu'on appelle sçavants. Je ne puis me résoudre à finir sans vous dire que le P. Martineau, autrefois confesseur de M. le duc de Bourgogne, maintenant notre provincial, m'a proposé, dans sa visite, de me faire régenter la théologie scholastique ou les cas de conscience. Mais je l'ai prié de me laisser dans la paix que mes persécuteurs m'ont procurée. Ainsi va le monde : changement de règne, changement de maximes. J'étois coupable sous son prédécesseur, et maintenant, sans conversion, me voilà justifié. Sed non ego credulus illis. On m'a poussé trop indignement pour m'y fier davantage, et pour m'aller rembarquer sur une mer aussi orageuse que

1. Plus haut, p. 480.

l'est chez nous la régence de ce qu'on appelle hautes sciences. Cependant, mon révérend père, il ne faut encore jurer de rien. J'ai fait vœu d'obéissance, et, si l'on me prend par là, j'irai, si l'on veut, à la Chine et au Japon. Mais quelque part que l'on m'envoie, je serai toujours avec respect, en N.-S. Jésus-Christ,

« Mon révérend père,

« Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

« ANDRÉ,

<< A Alençon, ce 15 juillet 1745.

<<< de la compagnie de Jésus.

« Pourriez-vous me donner chez vous quelque ami philosophe pour me dédommager de la perte du R. P. Lami? »>

1. Malebranche lui indiqua l'abbé de Marbeuf. Plus haut, p. 219 et 220, et p. 405.

FIN DU TOME TROISIÈME.

TABLE DES MATIÈRES

DU TOME TROISIEME.

De la persécution du cartésianisme en France.....
Lettres inédites de Descartes.....

Remarques de Huygens sur la vie de Descartes par Baillet.
Spinoza et la Synagogue des Juifs portugais à Amsterdam.
Lettre inédite de Malebranche sur l'immortalité de l'âme.
Correspondance de Leibnitz et de l'abbé Nicaise......

Pages.

1

34

47

57

63

70

Vie et Correspondance inédite du Père André............ 207
Première partie. Le P. André historien de Male-
branche....

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217

Deuxième partie.

-

- Histoire du P. André...........

264

I. André à Paris, au collège de Clermont, année 1706.
II. André à la Flèche, années 1707 et 1708......
III. André à Hesdin et à Amiens, années 1709, 1710

ib.

289

et 1711.....

307

IV. André à Rouen, années 1711, 1712, 1713..

321

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