Obrazy na stronie
PDF
ePub

<< ne fera-t-elle point en la considération de tous les « prélats de son royaume?.... Prononcez donc, Messei«gneurs..... Je puis ajouter que c'est le vœu commun « de toute la France, qui sans cela ne peut qu'elle « n'appréhende le désordre dont le roi même juge qu'elle « est menacée. »

On ne peut concevoir un plus grand appareil déployé contre une doctrine philosophique. Toutes les forces de l'État sont liguées contre elle; les Universités l'interdisent; l'Église la dénonce au roi; le roi la frappe. Vers 1680 elle semble abattue et à peu près morte. Mais quand tous les pouvoirs la combattent ou l'abandonnent, il lui reste celui de la portion de vérité qui est en elle; il lui reste sa méthode et l'esprit nouveau qu'elle représente; et cette puissance suffit pour la relever ou la soutenir, l'affermir et la répandre dans les esprits, où elle s'établit si bien qu'elle y forme à son tour un obstacle aux nouvelles doctrines qu'enfantent le progrès du temps et l'immortelle fécondité de l'esprit humain.

LETTRES INÉDITES

DE DESCARTES

ET REMARQUES DE HUYGENS

SUR LA VIE DE DESCARTES PAR BAILLET.

Le catalogue imprimé des manuscrits de la bibliothèque de Leyde' m'avait donné des espérances qui, grâce à Dieu, n'ont pas été tout à fait vaines.

Le bibliothécaire de Leyde est M. Geel, connu de tous les amis de la philosophie ancienne par l'Historia critica Sophistarum 2. C'est un homme plein d'esprit et d'activité, et qui a eu la bonté de s'enfermer avec moi pendant tout un dimanche dans la bibliothèque, pour me la faire connaître en détail. Celle-ci est à la fois très-belle, trèsbonne et très-commode : elle est divisée comme celle de Gottingen et comme celle d'Utrecht en autant de salles qu'il y a de grandes divisions bibliographiques : la théologie, la médecine, la jurisprudence, la philosophie, etc. On s'établit dans chacune de ces salles, qui sont plus ou moins grandes selon les matières qu'elles renferment, et on y travaille tout à son aise, entouré des livres dont

4. Catalogus librorum tam impressorum quam manu scriptorum bibliothecæ publicæ Universitatis Lugduno-Batavæ. Lugd. Bat. 1716.

2. In-8°. Traject. ad Rhenum, 1823.

on a besoin. Non-seulement les étudiants y sont admis un certain nombre de jours de la semaine, mais on leur prête des livres, comme à Gottingen et partout en Allemagne, sur leur signature, et sous la garantie d'un de leurs professeurs.

Cette bibliothèque contient d'excellents portraits. J'y ai vu avec un grand plaisir ceux des Dousa, les fondateurs et les promoteurs de l'Université de Leyde. M. Geel a commencé par me montrer les manuscrits curieux, entre autres un vieux manuscrit français de Monstrelet, avec les plus belles vignettes. Ce sont de petits tableaux d'un coloris admirable où il y a déjà de la composition et même du dessein. Je les signale à M. le comte de Bastard pour sa belle collection des peintures des manuscrits du moyen âge. M. Geel m'a fait voir avec orgueil le fameux manuscrit de Suidas, que M. Gaisford a fait collationner pour son édition, et dont les bonnes leçons sont maintenant imprimées. Il voulait me montrer aussi le commentaire inédit d'Olympiodore sur le Phédon qui a servi à Wyttenbach; mais j'avais vu en Italie bien des manuscrits d'Olympiodore, et nous en avons d'excellents à Paris. J'ai donc prié M. Geel de me mettre en présence du véritable trésor de la bibliothèque de Leyde, je veux dire les papiers de Huygens. Mais cette riche collection ayant été mise à la disposition de M. Uylenbroek, qui en a déjà tiré deux volumes in-4° 2, il fallut s'adresser à ce professeur qui eut l'obligeance de venir lui-même à la bibliothèque me faire les honneurs des manuscrits de

1. Voyez le t. Ier de ces Fragments, à l'article Olympiodore.

2. Christiani Hugenii, aliorumque seculi xvII virorum illustrium exercitationes mathematicæ et philosophicæ.. Hage Comitum, 1833.

son illustre compatriote. Là, j'ai vu de mes yeux, touché de mes mains une foule de lettres de Leibnitz, de cette écriture ferme et serrée qui est de son pays plus que de son siècle. Ces lettres sont pleines de révélations littéraires du plus haut intérêt; par exemple, elles nous apprennent que Leibnitz avait composé sur les Principes de Descartes le même travail que sur l'Essai de Locke. Adressées à Huygens, elles se rapportent surtout aux mathématiques et à la physique; mais Leibnitz ne se retient pas toujours dans ces limites, et il lui échappe de loin en loin de ces traits d'une vaste portée qu'il semait à pleines mains avec la profusion et la négligence du génie. Dutens n'a pas connu ces lettres, et en les publiant M. Uylenbroek a rendu à l'histoire de l'esprit humain un signalé service. J'en témoignai ma vive reconnaissance au savant éditeur qu'un article du Journal des Savants avait découragé au point qu'il avait à peu ⚫près renoncé à continuer sa publication commencée. Mais l'article en question, qui m'était encore présent, loin de faire voir l'inutilité de la publication de M. Uylenbroek, en démontre au contraire l'importance, puisqu'il lui emprunte tant de lumières nouvelles sur la grande découverte du calcul différentiel, sur la fameuse querelle de Leibnitz et de Newton, et sur la cause ou l'instrument de cette querelle, ce Fatio de Duilliers, qui s'était mis entre ces deux grands hommes pour les brouiller, à peu près comme Sorbière entre Gassendi et Descartes. Enfin, c'est précisément de ces papiers qu'est sortie la célèbre note de Huygens, avec les lettres de Leibnitz qui la confirment, sur le dérangement d'esprit éprouvé par New4. Année 1834, p. 291.

ton; document qui est la base principale de la discussion qui s'est élevée à ce sujet entre le docteur Brewster et le savant et ingénieux auteur de l'article. D'ailleurs, qui peut douter que la correspondance des grands hommes ne soit la source la plus sûre de renseignements certains sur leur vie, sur leur caractère, sur l'ordre de leurs travaux, et sur celui du développement de leur génie? ainsi la correspondance de Leibnitz et celle de Descartes sont aux yeux de tout ami de l'histoire des monuments d'un prix infini. La correspondance de Huygens n'a pas, il est vrai, la même importance; car Huygens est déjà un homme spécial; sa gloire et ses travaux appartiennent presque exclusivement aux mathématiques, tandis que Descartes et surtout Leibnitz embrassent le champ entier des connaissances humaines, et sont encore plus grands comme philosophes que comme géomètres. L'horizon de Huygens est loin d'être aussi vaste. Il y a pourtant dans ses papiers, et surtout dans ceux que M. Uylenbroeck n'a pas encore publiés, bien des choses précieuses pour l'histoire de la philosophie, et je les aurais très-volontiers transcrites; mais l'intérêt de M. Uylenbroek pour ces papiers paraissant se ranimer, je me contentai de lui dire que m'abstenir de copier de telles pages, c'était lui imposer l'obligation de les publier. Je le priai seulement de me permettre de rechercher et de noter ce qui se rapporterait directement à Descartes, qui avait été lié avec Huygens et avec toute sa famille. En parcourant ces manuscrits qui sont très-volumineux, nous tombâmes sur un petit paquet que M. Uylenbroeck n'avait jamais examiné, et qui contient des remarques sur la vie de Descartes par Baillet. Ces remarques n'étaient destinées

« PoprzedniaDalej »