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fit défense à cette Université de continuer à y faire des leçons sur les opinions de Descartes, et une lettre de cachet donna ordre au recteur de tenir la main à l'exécution de cette défense. En conséquence, le recteur et les principaux s'assemblèrent les 11 et 14 février suivant, et, après en avoir délibéré, conclurent que l'ordre royal serait enregistré dans les registres de l'Université, et qu'il y aurait une convocation générale de tous les principaux, supérieurs et professeurs de philosophie des colléges et maisons religieuses d'Angers, pour leur donner connaissance de l'intention de Sa Majesté, et leur enjoindre de présenter à la censure préalable d'une commission toutes les thèses et tous les écrits. Cette convocation générale eut lieu le 18 février, et tout le monde fit ses soumissions, excepté un père supérieur de l'Oratoire, principal du collège d'Anjou. Cet homme courageux refusa d'adhérer à la conclusion ci-dessus mentionnée, et seul avec plusieurs particuliers, dit notre manuscrit, il osa se porter opposant, et en appeler au Parlement de Paris. Probablement il déclinait, au nom de son ordre, qui avait ses statuts à part, la juridiction universitaire, et, par conséquent, l'application de l'ordre royal, qui semblait se rapporter seulement à l'Université d'Angers. Quoi qu'il en soit, l'appel est certain, et ce qui n'est pas moins certain, quoique plus étonnant encore, c'est que le Parlement de Paris, qui avait pensé interdire le cartésianisme, fit droit à l'appel de l'intrépide oratorien, et rendit un arrêt qui défendait de mettre à exécution la conclusion du recteur et des principaux, et, en même temps, assignait à la barre du Parlement l'Université d'Angers. Grandes difficultés, grave conflit, que le roi Louis XIV

termina, à sa manière, par un arrêt du Conseil qui cassa celui du Parlement, déchargea l'Université d'Angers de l'assignation, mit au néant l'opposition du père de l'Oratoire, enjoignit à ce père et à tous autres de souscrire à la conclusion et délibération des 44 et 14 février, ordonna au recteur d'empêcher qu'il ne fût enseigné et soutenu aucune opinion fondée sur les principes de Descartes le tout à la diligence du conseiller d'État, commissaire royal dans la généralité de Tours. Cet arrêt est du 2 du mois d'août 1675. Nous le communiquons à l'Académie d'après le manuscrit de la Bibliothèque royale '.

:

Arrest du Conseil-d'Estat du Roy, qui confirme la condamnation du Cartesianisme, et qui ordonne aux Pères de l'Oratoire de se soumettre aux conclusions de l'Université d'Angers, en conséquence de l'ordre du Roy.

« Le Roy ayant esté cy devant informé que dans l'Université d'Angers l'on y enseignoit les opinions et les sentiments de Descartes, et considéré que dans la suitte cela pouvoit causer dans ce Royaume quelque désordre qu'il estoit bon de prévenir, Sa Majesté auroit, par sa lettre de cachet du trentiesme de janvier dernier, donné ordre au Recteur de ladite Université d'empêcher et faire deffense de la part de sadite Majesté aux Professeurs de ladite Université, de continuer à faire leurs leçons sur lesdites opinions et sentiments de Descartes, en quelque sorte et manière que ce soit, tout ainsi qu'il avoit esté fait en l'U

4. Il se trouve aussi aux archives du royaume, dans la collection générale des arrêts du Conseil d'État, portefeuille E 4781.

niversité de Paris. En conséquence duquel ordre ledit Recteur de celle d'Angers et les principaux de ladite Université s'estant assemblés le x1 febvrier ensuivant, ils auroient conclud que ledit ordre seroit enregistré dans les registres de ladite Université, et que les principaux, supérieurs et professeurs en philosophie des colleges et maisons religieuses d'Angers seroient convoqués pour leur donner connoissance de l'intention de Sa Majesté, et en outre qu'il leur seroit enjoint de présenter à ladite Université toutes leurs thèses avant que de les exposer en public, affin d'y être examinées par le doyen de la Faculté des arts et les autres députtéz de ladite Université, et d'apporter pareillement chaque année leurs escrits pour estre aussy leur doctrine examinée à fonds. Ensuitte de quoy l'assemblée desdits dénommés ayant esté faicte le xvine dudit mois de febvrier, et ledit Recteur leur ayant fait entendre tout ce que dessus, ilz y auroient souscrit chacun en son rang sur le registre de ladite Université, à l'exception du Père supérieur de l'Oratoire, principal du college, lequel, après avoir souscrit audit ordre du Roy, tant pour luy que pour les autres professeurs dudit college, auroit fait difficulté de se soubzmettre à ladite conclusion, s'estant ensuitte rendu opposant à icelle avec plusieurs particuliers, et porté pour appelant au Parlement de Paris, où ils auroient obtenu arrest de deffence de mettre ladite conclusion à exécution, ce qui est une conduitte qui doit estre d'autant moins soufferte à l'esgard dudit college d'Anjou, que par leurs lettrespatentes d'aggrégation à ladite Université enregistrées où besoin a esté, ilz sont obligés d'observer et exécuter ponctuellement les conclusions et deslibérations qui se

roient prises par le Recteur et professeurs de ladite Université. A quoy Sa Majesté voulant pourvoir pour plusieurs considérations importantes à son service; Veu ladite lettre de cachet du xxxe dudit mois de janvier dernier, l'acte des conclusions et deslibérations de ladite Université du XIe et XIV febvrier dernier, l'acte d'opposition sur icelle par ledit supérieur et principal du college d'Anjou, ensemble l'arrest par luy obtenu audit Parlement de Paris, et autres pieces de ce qui s'en est ensuivy; Ouy le rapport et tout considéré, le Roy estant en son conseil, sans s'arrester à l'opposition faite à ladite conclusion et deslibération des XI et XIII febvrier, appel et arrest que Sa Majesté a cassé et casse, ensemble tout ce qui s'en est ensuivy, a deschargé et descharge ledit Recteur de la dite Université d'Angers et tous autres de l'assignation à eux donnée audit Parlement de Paris, en conséquence dudit arrest; Ce faisant sadite Majesté a ordonné et ordonne que dans quinzaine du jour de la signification qui sera faicte du présent arrest, tant au supérieur et principal du college d'Anjou qu'à tous autres que besoing sera, ilz seront tenus de souscrire à ladite conclusion et deslibération desdits jours XI et XIII febvrier, pour estre exécuttée selon sa forme et teneur, dont le Recteur de la dite Université certifiera sadite Majesté, laquelle luy ordonne d'abondant d'empecher qu'il ne soit enseigné et soustenu aucunes opinions fondées sur les principes de Descartes, et fait tres expresses deffences audit Parlement de Paris de passer outre sur ledit appel, à peine de nullité et de cassation de procédures, enjoint au sieur Tubeuf, conseiller de Sa Majesté en ses conseils, maistre des Requestes ordinaires de son hostel et commissaire desparty en la gene

ralité de Tours, de tenir la main à l'execution du présent arrest et icelluy faire enregistrer ez registres de ladite Université afin que personne n'en prétende cause d'ignorance. Du ije aout 1675, à Versailles. Signé Daligre. — Le Roy a commandé l'expédition de cet arrest. Signé Philippeaux, et scellé de cire jaune. »>

Cet arrêt, si tristement curieux, fut un triomphe décisif pour les Jésuites, et le coup de grâce du cartésianisme. Il est très-vraisemblable que si l'Oratoire eût poussé plus loin la résistance, il était perdu, et il aurait eu le sort du Port-Royal. 11 fléchit donc; et quoiqu'il renfermât dans son sein des hommes pleins de courage, qui auraient su braver une persécution, l'Oratoire, comme corps, eut la sagesse d'attendre des temps meilleurs, et de conserver à la France et à la science la congrégation enseignante la plus illustre et la plus utile dans la décadence de l'Université de Paris et des autres Universités. Déjà, pour prévenir la défense du 30 janvier 1675 et la lettre de cachet qui l'accompagnait, l'Oratoire avait, le 25 janvier, invité le supérieur du collège d'Anjou de s'abstenir de l'enseignement de toute doctrine qui rappelât celle de Descartes. Cette lettre que nous trouvons aux archives du royaume, Congrégation de l'Oratoire, Délibérations, 1673-1680, M. 464, est précieuse en ce qu'elle nous apprend que ce supérieur du collège d'Anjou, cet homme courageux qui résista longtemps à l'ordre même du roi Louis XIV, se nommait Coquery 2, et que

4. Les mots : «< Signé Daligre. Le Roy a commandé l'expédition de cet arrest » sont empruntés à l'original déposé aux archives, et manquent dans la copie de la Bibliothèque royale.

2. Je ne trouve rien nulle part sur le P. Coquery; quant à Bernard Lamy, sa vie et ses ouvrages sont bien connus.

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