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recevons la perfection de notre être. Car notre souverain bien, dont les philosophes sont tant en peine, ne consiste qu'à être unis à ce Dieu immortel, dont les chastes embrassements rendent l'àme féconde en vraies vertus. Aussi est-ce ce bien là qu'il nous est ordonné d'aimer de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre puissance. C'est à ce bien que ceux qui nous aiment nous doivent conduire, et que nous devons conduire ceux que nous aimons. C'est ainsi que s'accomplissent ces deux préceptes, auxquels toute la loi et les prophètes se rapportent: « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre esprit, et votre prochain comme vous-même. » Car, afin d'apprendre à l'homme à s'aimer lui-même comme il faut, on lui a établi une fin où il est obligé de rapporter toutes ses actions pour être heureux; et cette fin c'est d'être uni à Dieu. Quand donc on commande à celui qui sait déjà s'aimer comme il faut, d'aimer son prochain comme soimême, que lui commande-t-on que de porter son prochain, autant qu'il est en son pouvoir, à aimer Dieu ? Voilà quel est le culte de Dieu, voilà la vraie religion, voilà la solide piété, voilà enfin le service qui n'est dû qu'à Dieu. Ainsi, quelque élevé qu'un homme soit audessus des autres hommes, et quelque excellence qu'il puisse avoir, s'il nous aime comme il s'aime lui-même, il désire que nous soyons soumis à celui dans la dépendance de qui il trouve son propre bonheur. Si donc il ne sert pas Dieu, il est malheureux, parce qu'il est privé de Dieu; et s'il sert Dieu, il ne veut pas être servi au lieu de Dieu, et son amour pour Dieu, au contraire, fait qu'il approuve infiniment cette parole divine: « Celui qui sacrifiera à d'autres qu'au Seigneur, sera exterminé. » Car, pour ne point parler des autres devoirs religieux, il n'y a personne au monde qui ose dire que le sacrifice soit dû à un autre être qu'à Dieu. Il est vrai que la flatterie et la lâcheté ont attribué aux hommes beaucoup d'honneurs

qui n'appartiennent qu'à Dieu; mais qui a jamais sacrifié qu'à celui qu'il savait ou pensait être un Dieu, ou qu'il voulait faire passer pour tel?

(Saint Augustin. Cité de Dieu, liv. X, chap. Iv.)

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

DEUXIÈME PARTIE.

LES PÈRES ET LA PHILOSOPHIE.

I. DE LA LECTURE DES AUTEURS PROFANES.

A MAGNUS, ORATEUR ROMAIN.

Je m'aperçois que notre cher Sébésius a profité de vos conseils; c'est ce que son changement de vie me fait connaître encore mieux que votre lettre. Et sa conversion me donne plus de joie que ses égarements ne m'ont causé de chagrin. On a vu dans cette occasion une espèce de combat entre la tendresse d'un père et la piété d'un enfant; celui-là oubliant le passé, et celui-ci promettant de mieux vivre. Cet heureux changement doit être et pour vous et pour moi un grand sujet de contentement, puisque je retrouve un fils, et vous un disciple.

Quant à ce que vous me demandez à la fin de votre lettre, pourquoi je cite dans mes ouvrages les auteurs profanes, souillant ainsi la pure doctrine de l'Église des ordures du paganisme, je n'ai sur cela qu'un mot à vous dire c'est que vous ne me feriez jamais une pareille question, si vous n'étiez point si entêté de Cicéron, et si vous aviez abandonné le poëte Volcatius pour lire l'Écriture sainte et les ouvrages des interprètes. Car qui ne sait que Moïse et les prophètes se sont servis des auteurs païens, et que Salomon a fait des questions aux philosophes de Tyr, et répondu à celles qu'ils lui ont proposées? C'est

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pour cela que, dès le commencement de ses Proverbes, il nous avertit qu'il ne les a écrits que « pour nous faire comprendre les discours de la sagesse, les paroles ambiguës, les paraboles et leur sens mystérieux, les maximes et les énigmes des sages; ce qui ne convient qu'aux dialecticiens et aux philosophes. L'apôtre saint Paul, écrivant à Tite, ne cite-t-il pas ce vers d'Épiménide: « Les Crétois sont toujours menteurs; ce sont de méchantes bêtes, qui n'aiment qu'à manger et à ne rien faire. » Callimaque a depuis inséré dans ses ouvrages un hémistiche de ce vers héroïque. Au reste il ne faut point s'étonner que la traduction latine ne réponde pas exactement à l'original, puisqu'à peine trouve-t-on quelque sens dans celle qu'on a faite en prose des ouvrages d'Homère. Ce même apôtre s'est encore servi dans une autre de ses épîtres de ce vers de Ménandre: « Les mauvais entretiens corrompent les bonnes mœurs. » Et disputant à Athènes devant l'aréopage, il cite ces paroles d'Aratus : « Nous sommes la race de Dieu. » C'est la fin d'un vers héroïque. Ce chef de l'armée chrétienne et ce grand orateur n'en demeure pas là; car pour soutenir les intérêts de JésusChrist, et prouver la vérité de notre religion, il se sert avec avantage d'une inscription qu'il avait vue par hasard sur un autel. C'est qu'il savait qu'on doit, à l'exemple du véritable David, désarmer son ennemi, et couper la tête au superbe Goliath avec sa propre épée. C'est qu'il avait lu que Dieu même ordonne dans le Deutéronome, qu'avant d'épouser une prisonnière de guerre, on lui rase la tête et les sourcils et qu'on lui coupe les ongles. Faut-il donc s'étonner que, charmé des beautés de l'éloquence humaine, je mette au nombre des Israélites cette belle captive; et qu'après avoir rasé sa chevelure, c'est-àdire l'avoir purifiée de ses idolâtries, de ses erreurs, de ses impuretés, de ses déréglements, et de tout ce qui est mort en elle, je la prenne pour mon épouse, et que j'en aie des enfants légitimes capables de servir le Dieu des

armées? Je travaille pour l'établissement de la famille de Jésus-Christ, et le commerce que j'ai avec cette étrangère ne sert qu'à augmenter le nombre de ses serviteurs. Le prophète Osée épouse une femme de mauvaise vie nommée Gomer, fille de Debelaïm, dont il a un fils appelé Jezrhaël, c'est-à-dire « enfant de Dieu. » Isaïe prend un rasoir tranchant » pour raser « le menton et les pieds des pécheurs. » Le prophète Ézéchiel, voulant nous représenter les malheurs dont l'impie Jérusalem était menacée, se rase la tête et en retranche tout ce qui n'a ni sentiment ni vie.

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Firmianus rapporte qu'on a reproché à saint Cyprien, eet homme si célèbre dans l'Église par son éloquence et par son martyre, d'avoir cité, lorsqu'il écrivait contre Démétrien, plusieurs passages tirés des prophètes et des apôtres, que son adversaire prétendait être faux et supposés, au lieu de s'appuyer de l'autorité des philosophes et des poëtes, laquelle un païen n'eût pas osé contredire. Celse et Porphyre ont écrit contre la religion chrétienne; Origène a répondu au premier d'une manière très-solide, et Méthodius, Eusèbe et Apollinaire ont écrit contre le second avec beaucoup de force et d'éloquence. Origène a composé huit livres contre Celse; l'ouvrage que Méthodius a rédigé contre Porphyre contient jusqu'à dix mille lignes; Eusèbe et Apollinaire ont composé contre lui, l'un vingt-cinq volumes, et l'autre trente. Lisez-les, et vous avouerez que je suis un ignorant en comparaison d'eux, et qu'après avoir tant étudié, je me souviens à peine, et encore d'une manière très-confuse, de ce que j'ai appris dans ma jeunesse. L'empereur Julien, durant la guerre des Parthes, composa sept livres où il vomit ses blasphèmes contre Jésus-Christ, ou plutôt, comme parle la fable, où il se détruit lui-même par ses propres armes. Si j'entreprenais d'écrire contre lui, vous ne me permettriez pas sans doute d'employer l'autorité des philosophes et des stoïciens, et de m'en servir comme de la

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